Le Compte du Omer

Lag Baomer : les flammes qui murmurent aux oreilles des hommes

13/05/2014 | par le rabbin Doniel Baron

Vous ne verrez plus jamais les feux de Lag Baomer de la même façon…

Il y a quelque chose de fascinant dans ces feux. Ces flammes dansantes, fougueuses et impétueuses qui bravent le noir de la nuit de Lag Baomer. Ces immenses feux de joie qui électrisent les rues juives le 33ème soir du Omer, selon une tradition remontant à plus de centaines d’années.

Certes, ces flammes font écho à l’explosion de feu à travers laquelle l’illustre Rabbi Chimon Bar Yo’haï révéla le Zohar, œuvre maîtresse de la mystique juive, avant de quitter ce monde en ce jour.

Mais pour ceux qui tendent attentivement l’oreille, il semble que ces flammes murmurent un message d’autant plus mystérieux… Quel est le donc le sens profond du feu de Lag Baomer ?

Pour découvrir ce mystère, il nous faut remonter 3500 ans en arrière à l’époque du jeune Abraham en Mésopotamie, qui tenait alors la galerie d’idoles de son père. Ayant observé attentivement le soleil, la lune, les étoiles et les corps célestes, il avait raisonné qu’il était tout bonnement ridicule de penser que des idoles inanimées, fabriquées par l’homme, pouvaient contrôler ces astres. Accumulant de plus en plus de preuves sur une telle conception du monde, il en était parvenu à la conclusion que l’Univers était nécessairement régi par un Créateur suprême.

Pour leur part, ses contemporains ne partageaient en rien ses convictions et ils s’étaient même unis pour construire une tour destinée à « lutter » contre cette conception de Dieu. Mais plus Abraham observait le monde, plus il avait l’intime conviction que tout était guidé par la main du Créateur.

Dans le Midrach, la démarche spirituelle d’Abraham est décrite par le biais d’une curieuse métaphore : c’est l’histoire d’un vagabond qui aperçoit un château pris dans les flammes et en conclut que cette demeure doit forcément avoir un propriétaire. Sur ces entrefaites, le maître de maison aperçoit le vagabond et se présente à lui. De même, concluent les sages du Midrach, c’est en observant le monde qu’Abraham déduisit qu’il devait y avoir un Créateur et il mérita alors Sa reconnaissance (Bérechit Rabba 39:1).

Voilà une parabole pour le moins difficile à saisir. Et pour cause, une demeure en feu est davantage un signe de négligence que de propriété ! Pourquoi Abraham, le « voyageur » de la parabole, décela dans ce spectacle la présence d’un propriétaire ?

La langue hébraïque, la langue de la création selon la tradition juive, nous fournit la clé pour élucider cette métaphore.

Outre sa dimension physique, chaque objet ou phénomène matériel, véhicule un message spirituel sur l’existence.

Le terme hébreu désignant une « chose », le terme générique qui rend compte de tous les objets matériels, est « davar ». Davar est issu de la racine hébraïque dibour qui signifie « parler ». Ce n’est pas une coïncidence. Cela nous enseigne que chaque davar exprime un dibour - un message oral. Outre sa dimension physique, chaque objet ou phénomène matériel, véhicule un message spirituel sur l’existence.

Un exemple : une rose. Sur le plan physique, il s’agit d’une fleur gracieuse et odoriférante. Mais la rose véhicule également un message plus profond puisque sa complexité et sa symétrie suggèrent une conception intelligente et l’existence d’un Concepteur. Le message externe est facilement apparent. En revanche, le sens interne d’un objet peut être insaisissable, et il faut parfois développer une certaine sensibilité avant de pouvoir comprendre le dibour, le message qui est tapi dans chaque davar, chaque chose.

Dans notre parabole, le feu du château faisait allusion au dibour que dégage chaque objet existant dans le monde. En effet, le feu est un phénomène unique en son genre. Il a la faculté de transformer toute chose qui vient à son contact en feu. La libération de l’énergie latente dans l’objet jeté dans les flammes génère un feu d’autant plus puissant. Le feu nous révèle donc que dans chaque chose, se trouve une énergie latente qui, si on l’exploite, produit une lumière qui n’était pas apparente à quiconque ne cherchait que la fonction pratique de l’objet. Cette énergie est la métaphore du dibour, le message spirituel inhérent à chaque élément présent dans l’univers.

Abraham fut à même d’observer le monde et de voir le feu brûler. Enfant, il contempla le soleil, la lune et les étoiles et en conclut qu’ils étaient trop sophistiqués pour être le fruit du hasard. Il devait y avoir un Créateur, un Concepteur qui avait conçu tout ce qui se trouve dans le monde et continuait à le contrôler totalement. Pour Abraham, le rôle du soleil ne se limitait pas à sa fonction pratique et externe de produire de la chaleur et de la lumière. Il véhiculait le message qu’un astre aussi fabuleux ne pouvait avoir été créé par ses propres moyens.

La physique nous enseigne les lois de l’entropie. Sans intervention, les objets de la nature se dégradent, se dirigeant vers le chaos. Abraham réalisa qu’il était impossible d’appréhender le monde en tant que fruit du hasard. Selon lui, chaque objet dans le monde possède un sens profond, une conception intelligente et un Concepteur qui continue à guider sa création.

Abraham vit le château brûler. Les flammes n’étaient cependant pas celles d’un feu de destruction. Elles représentaient en fait l’énergie cachée dans le château du monde, le message interne, le dibour, qui indique la grandeur du Créateur qui pouvait créer un tel lieu.

Sur le plan métaphorique, les flammes nous murmurent donc qu’au-delà de la simple fonction physique de chaque objet, se trouve un message plus profond qui révèle la présence de Dieu pour ceux qui, comme Abraham, ont les yeux assez sensibles pour le déceler.

Il n’est pas d’ailleurs étonnant que nous célébrions la fête de Rabbi Chimon Bar Yo’hai par le feu. Rabbi Chimon vivait dans les deux sphères en même temps ; dans le monde matériel tel que nous le connaissons, et dans le domaine où la spiritualité dans chaque objet matériel, le dibour, était apparente. Aux yeux de Rabbi Chimon, le monde était resplendissant d’énergie spirituelle, abondant en flammes susurrant des messages sur le Créateur. Il n’est pas surprenant que Rabbi Chimon nous ait légué le Zohar, l’ouvrage qui contient tous les sens profonds et mystiques de l’univers.

L’ancien, le mystique et le spirituel ont des applications dans les temps modernes. Le défi pratique de Lag Baomer consiste à voir l’énergie potentielle dans chaque objet et chaque personne, plutôt que d’être dupé par son apparence superficielle.

La spiritualité et la Providence sont partout, même pour ceux d’entre nous qui ne sont pas Rabbi Chimon. Cela dit, nous pouvons aisément étouffer les flammes du sens profond en couvrant toute étincelle de vie et en attribuant tout au hasard.

Lag Baomer nous invite à approfondir notre regard et à tendre l’oreille au message constant se manifestant à travers la création. Les flammes de Lag Baomer nous interpellent et murmurent à nos oreilles que chaque personne, chaque objet est beaucoup plus riche que ce qui est perceptible au premier coup d’œil. Et puisque la réalité est beaucoup plus complexe que la partie émergée de l’iceberg, il ne faut jamais baisser les bras quand bien même une situation nous semble désespérée.

Notre défi consiste à regarder au-delà du superficiel, découvrir des domaines plus profonds de l’existence et embrasser des mondes que nous ne pouvons ni voir, ni toucher, mais qui sont tout aussi réels que celui dans lequel nous évoluons.

Tel est le message murmuré par les flammes de Lag Baomer.

 

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