Réflexions Pessah

Goering et ma grand-mère

06/03/2013 | par Leiby Burnham

Quand vous menez une existence secrète de résistante juive, vous ne savez jamais sur qui vous pouvez tomber.

Ma grand-mère est l’une des personnes les plus fascinantes que je connaisse. Mémé, comme nous l’appelions, a combattu dans la Résistance française, a dirigé un camp pour personnes déplacées dans l’Europe d’après-guerre, a été professeure à l’Université de Columbia et a voyagé aux quatre coins du globe.

Mémé vivait à Paris à l’époque de l’occupation nazie. Elle œuvrait dans la résistance française, occupée à faire passer clandestinement des Juifs de la zone occupée vers la zone libre. Actrice qui avait percé dans le Paris d’avant-guerre, elle était issue d’une famille de diplomates nantis. Très belle, ma grand-mère, alors jeune femme, était à l’aise avec les échelons les plus prestigieux de la société. Elle était toujours vêtue très élégamment, jusqu’au moindre petit accessoire. Si elle s’était mise soudain à mener une existence plus simple, les soupçons auraient tôt fait de s’éveiller, elle continua donc à faire ses emplettes dans les plus belles boutiques de Paris tout en menant la vie secrète d’une combattante juive de la Résistance.

Ce n’est pas une demi-section de nazis qui allait empêcher Mémé d’aller récupérer ses gants Hermès !

Un jour, ma grand-mère, l’humeur joyeuse, se mit en route pour la boutique Hermès à Paris, pour chercher une paire de gants qu’elle avait commandée. À sa grande consternation, toute la rue était bloquée par des véhicules militaires allemands. Mémé n’était pas du genre à se laisser si facilement décourager. Une demi-section de nazis n’allait pas l’empêcher d’aller récupérer ses gants Hermès !

Il se trouve qu’elle connaissait Paris comme sa poche, elle emprunta donc quelques ruelles par l’arrière et parvint à se glisser à la sortie arrière du magasin Hermès où les employés (que l’on appelle chez Hermès des « cadres personnels ») entraient. Elle pénétra dans la boutique et découvrit immédiatement pourquoi la rue avait été bloquée : Hermann Goering, le commandant nazi de la Luftwaffe, faisait ses courses à Hermès. Tout le magasin était rempli d’officiers nazis et de gardes du corps ! 

Elle eut des sueurs froides et éprouva aussi un sentiment de répulsion de se trouver dans une si grande proximité avec un homme aussi impliqué dans le massacre de son peuple. Mais elle calcula rapidement que sa meilleure réaction serait de faire comme si de rien n’était sans laisser entrevoir un soupçon de crainte ou de haine. Elle s’avança jusqu’au comptoir et demanda ses gants. Les employés d’Hermès pensèrent qu’elle était une célébrité qui les accompagnait ou un personnage officiel et s’empressèrent de la servir.

Alors qu’elle se dirigeait vers la sortie, elle arriva à un passage étroit dans le magasin où une seule personne pouvait passer à la fois. Juste au même moment, Goering avait pris la même direction. Qui allait passer en premier ? (Ils ne pouvaient se serrer tous deux et passer ensemble, car comme ma mémé me l’avait raconté, Goering était très gros.) Goering, jouant le gentleman plein d’effusions et de charme, fit signe à ma grand-mère de passer en premier en murmurant doucement : « Les femmes d’abord. » Elle s’avança et quitta le magasin ; pour sa part, elle continua à faire passer clandestinement des Juifs hors de la zone de danger, munie désormais d’une nouvelle paire de gants Hermès.

« Ne confondez jamais culture et moralité. »

« Ne confondez jamais culture et moralité, » me disait ma grand-mère. « Goering avait-il de la culture ? Certainement ! Il était issu d’une famille aristocratique. Il était un mécène soutenant les arts, allait à l’opéra, et pleurait probablement en écoutant les belles compositions de Wagner ! Et de toute évidence, il laissait toujours passer les femmes d’abord. Mais était-il doté d’un sens moral ? Pas le moins du monde ! Il fut le personnage officiel le plus haut placé de la hiérarchie nazie à autoriser sur papier la Solution Finale. La moralité et la culture n’ont rien à voir. La décence et la moralité proviennent d’une source divine, et aucune culture ne peut les remplacer. »

Nous pouvons découvrir la même leçon dans le premier des Dix Commandements : « Je suis le Seigneur, votre D.ieu, qui vous ai fait sortir d’Égypte, la maison d’esclavage. » Cela semble redondant : nous savons que l’Égypte est la maison de l’esclavage ! Peut-être D.ieu veut-Il nous dire : regardez les Égyptiens, représentant l’apogée de la culture dans le monde. Ils possèdent des papyrus, des pyramides, une technique d’embaumement incroyable, l’astrologie, l’art, les hiéroglyphes, la chirurgie du cerveau et ils ont accompli des exploits dans tous les domaines possibles. Mais malgré tout, ils sont encore la maison de l’esclavage, l’endroit où vos jeunes garçons ont été jetés dans le Nil, vos bébés mis dans les murs en guise de briques lorsque les parents ne fabriquaient pas suffisamment de briques par eux-mêmes. D.ieu nous enseigne que si nous voulons nous contenter de suivre la culture dominante actuelle, nous pouvons fort bien finir par devenir les barbares les plus cultivés du monde. 

De nombreuses civilisations florissantes cachent un barbarisme incroyable. Les Grecs et les Romains matraquaient leurs enfants jusqu’à la mort s’ils étaient nés avec une quelconque malformation, ou parfois, si leurs femmes mettaient au monde des filles. Ils exultaient de joie en observant des milliers de gens s’entretuer dans le cadre des « jeux » dans les colisées. Les Allemands étaient le peuple le plus cultivé du monde avec leurs compositeurs, leurs scientifiques, leurs poètes et leurs savants, tenant un rôle de dirigeants dans le monde grâce à leurs performances ; or nous avons vu ce dont ils furent capables pendant l’Holocauste.

À Pessa’h, nous célébrons la rédemption du peuple juif qui est passé d’un lieu de simple culture à un monde reposant sur la morale. Ils quittèrent les pyramides, les hiéroglyphes, une agriculture avancée et la musique d’une culture dominante et se rendirent dans le désert pour s’imprégner des préceptes éthiques d’une véritable humanité et civilisation provenant d’une source unique, le Créateur de l’humanité.

À Pessa’h, notre mission consiste à considérer que nous venons de quitter l’Égypte. Nous devons suivre les traces mêmes de nos ancêtres, en nous détournant de la culture dominante, refusant de penser qu’elle a automatiquement raison, car c’est la « culture », et nous tourner plutôt vers les valeurs morales de la Torah. C’est ainsi que nous pourrons découvrir la vraie liberté et libérer notre âme des entraves de la « servitude culturelle. » 

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