Réflexions Pessah

Pessah et le zodiaque

30/03/2017 | par rabbin Benjamin Blech

Êtes-vous de ceux qui se ruent sur la rubrique horoscope de leur quotidien favori ? Attention, la fête de Pessah risque de bousculer vos habitudes…

Êtes-vous de ceux qui se ruent sur la rubrique horoscope de leur quotidien favori ? Êtes-vous de celles qui n’envisagent pas une relation sérieuse avec un garçon avant de s’être dûment renseignée sur son signe astrologique ? Avez-vous tendance à attribuer vos réussites ou vos échecs aux caprices des planètes ? Vous sentez-vous des atomes crochus avec les personnes du même signe du zodiaque que vous ? Pensez-vous que Shakespeare avait raison d’affirmer que « ce sont les étoiles tout là-haut qui gouvernent notre existence » ?

Si vous vous êtes reconnu(e) dans l’une ou l’autre de ces descriptions, sachez que vous êtes en bonne – ou en mauvaise – compagnie. Selon un sondage BVA, plus d’un Français sur quatre (28 %) a l’habitude de lire ou d’écouter son horoscope pour voir ce que lui réserve l’avenir. Près de la moitié (46 %) considèrent que les traits de caractère sont dus aux signes astrologiques, et 58 % considèrent carrément l’astrologie comme une science.

Les historiens nous disent que l’astrologie est presque certainement la plus ancienne et la plus répandue de toutes les pseudosciences dont les origines remontent à la première moitié de la dynastie d’Hammourabi en Babylonie, il y a environ 3500 ans. Pourtant, paradoxalement, l’âge d’or de l’astrologie ne correspond pas aux temps anciens où la science était méconnue, ni au Moyen-âge, où l’homme moyen était plongé dans les ténèbres de l’ignorance et de la superstition. Il se situe plutôt aux 20ème et 21ème siècles, où la plupart des citoyens connaissent vraisemblablement les rudiments de l’astronomie et sont conscients que les planètes sont des univers similaires à la Terre plutôt que des forces indépendantes qui nous confinent à des destins prédéterminés.

Nos ancêtres hébreux en Égypte, dont nous commémorons le voyage de l’esclavage à la liberté pendant la fête de Pessah, vécurent dans une culture obsédée par le règne des étoiles et le pouvoir qu’ont les planètes de prédire l’avenir. La Torah nous raconte que Pharaon interrogeait ses astrologues quant à la signification véritable des événements que lui et son peuple vivaient.

C’est dans ce contexte précis que les commentateurs bibliques interprètent le rituel apparemment étrange ordonné par Dieu à son peuple afin de garantir leur délivrance.

Dieu dit à Moïse d’ordonner aux Juifs « que chacun se procure un agneau pour sa famille paternelle, un agneau par maison » (Exode, 12, 3). Ils durent abattre rituellement l’agneau et enduire de son sang les deux poteaux ainsi que le linteau de leurs maisons. C’est seulement ainsi que Dieu « passerait au-dessus » des maisons des Hébreux dont le Tout-Puissant épargnerait les vies des premiers-nés.

De toute évidence, Dieu n’avait guère besoin d’une marque rouge pour déterminer si une maison était occupée ou non par un Israélite. Cette exigence constituait en fait un test. En effet, l’agneau était une divinité très chère aux Égyptiens. Pour mériter d’être sauvé, il fallait impérativement démontrer au grand jour son rejet de l’idole – et de l’idéologie – égyptiennes. Seuls ceux qui eurent le courage d’agir ainsi furent dignes d’être libérés.

Il est fort étonnant que les Égyptiens aient choisi l’agneau comme divinité principale. Qu’est-ce qui a pu inciter un peuple belliqueux connu pour ses prouesses militaires dues à ses chars et chevaux à révérer un animal apparemment aussi docile et pacifique ?

L’illustre sage juif Nahmanide nous fournit une réponse brillante. Le tout premier signe du zodiaque est le Bélier ou l’agneau. Étant le premier, il constitue la clé de tous les signes qui suivent ; la source du pouvoir des 11 autres signes du zodiaque.

Et c’est la raison pour laquelle les Hébreux eurent l’ordre de sacrifier l’agneau pascal. Ce fut le moyen le plus éloquent d’exprimer leur rejet d’une école de pensée qui plaçait l’action humaine sous le pouvoir des planètes célestes, une croyance qui se situe aux antipodes de l’idée d’un libre arbitre humain qui est si fondamentale à la théologie du judaïsme.

L’astrologie nous transforme en marionnettes, perpétuellement ballotées par des ficelles qui ne peuvent pas être influencées par nos propres désirs intimes ou nos forces de volonté.

L’idéal de la liberté humaine que nous célébrons pendant Pessah ne renvoie pas seulement au concept de la libération des contremaîtres égyptiens, mais aussi à l’affranchissement de décrets prédestinés par des forces planétaires que nous ne maîtrisons absolument pas.

En bref, croire à l’astrologie et au zodiaque c’est demeurer à jamais esclave – esclave d’un destin face auquel nous sommes impuissants et que nous ne sommes pas libres de modifier par nos bonnes actions, par la prière, ou par le repentir.

L’astrologie nous transforme en marionnettes, perpétuellement ballotées par des ficelles qui ne peuvent pas être influencées par nos propres désirs intimes ou nos forces de volonté.

Un message que l’on retrouve de manière édifiante dans la déclaration de Dieu à Abraham au cours de la célèbre scène biblique de « l’alliance des morceaux » : « [Dieu] le fit sortir en plein air, et dit : "Regarde le ciel et compte les étoiles. "» (Genèse, 15, 5). Selon le Midrach, Abraham avait dit à Dieu que selon les signes astrologiques, lui et Sarah n’étaient pas aptes à engendrer un enfant. Suite à quoi, Dieu avait annoncé au patriarche qu’il était « élevé au-dessus des étoiles » en lui disant : « Sors de ton horoscope tel que tu l’as vu inscrit dans les astres. Les Israélites ne sont pas assujettis aux planètes. Le serviteur de Dieu n’est pas asservi aux étoiles. »

Le judaïsme n’est pas d’accord avec l’ignoble Edmond dans « Le Roi Lear » de Shakespeare qui déclara : « C’est bien là l’excellente fatuité des hommes. Quand notre fortune est malade, souvent par suite des excès de notre propre conduite, nous faisons responsables de nos désastres le soleil, la lune et les étoiles : comme si nous étions scélérats par nécessité, imbéciles par compulsion céleste, fourbes, voleurs et traîtres par la prédominance des sphères, ivrognes, menteurs et adultères par obéissance forcée à l’influence planétaire, et coupables en tout par violence divine ! » Une telle croyance nous réduirait à de simples pions dans un échiquier divin dans lequel la responsabilité du moindre de nos mouvements serait confiée exclusivement au Maître suprême qui guiderait nos trajectoires d’en-haut.

Et c’est là le véritable sens de la célèbre déclaration talmudique de Rabbi Yohanan selon laquelle « il n’y a pas de mazal pour Israël » – elle ne signifie guère que nous n’ayons pas de chance, mais plutôt que le peuple Israël n’est pas assujetti au mazal, c’est-à-dire aux déterminismes astraux que nous ne maîtrisons pas.

Bien que l’absence de notre Temple nous empêche de sacrifier concrètement un agneau pascal, à l’approche de Pessah, il est important que nous « égorgions » métaphoriquement les prétextes que nous nous donnons à nous-mêmes en attribuant nos imperfections à leur prédétermination. Nous devons nous rappeler que nous sommes libres – libres d’être les héros de nos vies.

Car ce ne sont pas les étoiles qui dictent les scénarios de nos années. C’est nous qui pouvons choisir de devenir les étoiles de notre foi et de notre peuple.

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