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Sortie d'Égypte : Pourquoi en faire toute une histoire ?

29/03/2018 | par Sara Yoheved Rigler

Chaque composante de la sortie d'Égypte a pour but de révéler une facette de de Dieu dans le monde.

Pourquoi le judaïsme fait-il tout un "plat" de la sortie d'Égypte? Il est bien sûr normal que cet évènement soit mis en vedette à Pessah. Mais il est aussi systématiquement rappelé à chaque Chabbat et à chaque fête, en plein Kiddouch, sans lien apparent. Nous rappelons quotidiennement la sortie d'Égypte, en récitant le Chéma Israël. Même l'un des 613 commandements de la Torah enjoint de s'en souvenir chaque jour.

L'histoire juive regorge d'épisodes extraordinaires : le sacrifice d'Isaac, la révélation au mont Sinaï, l'arrivée en Terre Promise. Pourquoi la sortie d'Égypte a-t-elle ainsi préséance ?

La conception juive de Dieu comporte deux dimensions :

1) Dieu a créé le monde

2) Dieu intervient dans les affaires humaines.

Chabbath est le témoignage de la première approche ; la sortie d'Égypte est la démonstration de la seconde.

Bien que le concept de Dieu en tant que Créateur ait été largement accepté dans le monde occidental depuis son introduction par les Juifs jusqu'à l'avènement de Darwin, la seconde approche a toujours posé problème : si Dieu est intimement impliqué dans les affaires humaines, pourquoi y a-t-il tant de souffrance dans le monde ?

Cette énigme a incité les philosophes à concevoir des théories accordant à Dieu le mérite d'avoir créé le monde, tout en Le discréditant sur le long terme. Il en est ainsi de la théorie de l'horloger : à l'instar de l'horloger qui fabrique une montre et met son mécanisme en mouvement, mettant là un terme à sa tâche, Dieu a ainsi mis en marche les lois de la nature. Après quoi, merci beaucoup, on a pu se passer de Ses services.

En d'autres termes, les lois de la nature créées par Dieu agissent indépendamment de Lui, produisant ainsi des effets aléatoires - tels que des enfants malades en phase terminale – sur lesquels Dieu ne peut pas intervenir. Dieu aurait ainsi remis les clés de la voiture à la Nature, et aussi imprudemment qu'elle conduise, Il resterait confiné sur la banquette arrière.

Un corollaire de cette théorie est que Dieu ne connaît ni ne se soucie de ce qui se passe dans la vie des individus. (Parce que si c'était le cas, tout le monde serait évidemment en bonne santé, riche et sage.)

Cetteapproche est l'antithèse du judaïsme. Le judaïsme proclame que rien ne se passe dans le cosmos - aucun électron n'entoure un noyau atomique, aucune cellule ne se divise, aucune étoile ne naît ou ne meurt - sans que le Divin ne l'anime à chaque nanoseconde. C'est le propos de la bénédiction récitée avant de boire un verre d'eau : « Tout existe par Sa parole. » En d'autres termes : Si Dieu ne voulait pas que ce verre soit plein de molécules de H2O en ce moment, pouf ! ce verre n'existerait tout simplement pas.

C'est ici le vrai sens de l'unicité de Dieu, sur laquelle le judaïsme insiste tant : il n'y a aucune force indépendante de Dieu. Point barre. Dieu a non seulement fabriqué l'horloge, mais c'est Sa volonté qui la maintient en marche, Son énergie qui anime atomes et molécules, et Sa providence qui décide de qui la possédera et pour combien de temps.

* * *

C'est là qu'intervient la sortie d'Égypte. Les Enfants d'Israël étaient esclaves de la plus grande dynastie de la terre. Comme le dit le Midrach, aucun esclave ne s'est jamais échappé d'Égypte, laquelle était entourée de puissantes fortifications et de déserts redoutables. D'après les lois de la nature, il était impossible aux esclaves israélites d'accéder à la liberté.

Tout le but de la sortie d'Égypte était que le peuple juif prenne conscience, une bonne fois pour toutes, que Dieu dirige le monde, du moindre détail au plus grand. Avec un soin ultime et une implication intégrale. « Dieu dit ainsi : Ainsi, vous saurez que je suis Dieu »Exode 7:17).

Chaque étape de la sortie d'Égypte a pour but de révéler une facette de la façon dont Dieu s'implique dans le monde. Ainsi, la plaie des poux, les plus petites créatures perceptibles à l'œil nu, est destinée à montrer que la surveillance de Dieu porte sur les plus petites êtres. Le fléau des grenouilles, où les amphibiens normalement amoureux de l'eau ont sauté dans les fours brûlants de l'Égypte, a montré que c'est la volonté de Dieu, et non l'instinct, qui règne sur le règne animal.

Voilà pourquoi la sortie d'Égypte est mentionnée à plusieurs reprises et est constamment rappelée : elle a démontré l'amour de Dieu pour l'humanité et la façon dont Il intervient dans la destinée, pour la rédemption collective et individuelle.

Ce n'est que dans une relation immature et instable que l'épouse demande sans arrêt à son mari de lui prouver son amour et sa fiabilité. Si à chaque fois qu'un Juif est confronté à un malheur, il doute de l'amour et de la proximité de Dieu, c'est un signe certain que la sortie d'Égypte a été oubliée.

Subsiste cependant le problème de la souffrance évoqué plus haut, un problème auquel nous sommes confrontés depuis des millénaires, comme en témoigne le livre de Job. Or la réponse juive à l'énigme de la souffrance est justement abordée à la table du Seder.

Dans cette fête de réjouissance de notre rédemption, les symboles de la souffrance abondent : les herbes amères, l'eau salée qui rappelle les larmes, la 'Harosset qui symbolise le mortier de nos travaux éreintants. Étonnamment, les symboles de la rédemption et de la souffrance sont inextricablement tissés ensemble. La 'Harosset, représentant le mortier et l'asservissement, est douce au goût. Les céleris (Karpass), représentant une nouvelle vie, sont trempés dans l'eau salée. Les herbes amères sont enrobées de Harosset sucrée avant d'être consommées.

Ceci est la morale du passage de la Hagaddah consacré aux cinq Sages participant à un Seder à B'nei Brak. Rabbi El'azar dit qu'il n'a jamais compris pourquoi le Seder devait avoir lieu la nuit, jusqu'à ce qu'un autre Sage lui explique que seule la totalité du jour et de la nuit, symbolisant la joie et la souffrance, peut produire la rédemption.

La sortie d'Égypte est notre introduction nationale à Dieu - qui Il est et comment Il agit, toujours avec un amour suprême et en prenant soin de notre bien-être ultime. De la manière la plus prosaïque possible, les participants au Seder goûtent la vérité voulant que la souffrance soit une partie intrinsèque du processus de rédemption – tant sur le plan national qu’individuel. 

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