Les Basiques Pourim

À la recherche de la Suse perdue

03/03/2015 | par Laly Derai

Voyage au cœur des différentes missions archéologiques dépêchées en Perse pour y découvrir le secret du Livre d’Esther. Quand l’archéologie reconstitue le récit biblique…

Assuérus, ses 127 provinces, son palais, ses richesses… Un empire dont il ne reste aujourd’hui qu’un tas de ruines. Les fouilles archéologiques entamées en 1884 par le Français Marcel Dieulafoy n’ont pas fini de livrer les secrets de la Suse antique. À l’occasion de Pourim, la rédaction s’est plongée dans les livres d’histoire et les journaux de bord des différentes missions archéologiques dépêchées en Perse pour y découvrir le secret de la Méguilat Esther. Quand l’archéologie reconstitue le récit biblique.

Dans le rôle de Barak Obama, Assuérus…

Dans le rôle de Barak Obama, Assuérus. Dans celui de la Perse, les États-Unis d’Amérique. Le parallèle peut sembler audacieux, mais peut-être pas tant que cela, au regard des récents événements qui bousculent l’ordre mondial. Manifestement, les dirigeants d’empires ont du mal à faire preuve d’autorité et se laissent souvent mener par le bout du nez par leurs conseillers. C’était le cas d’Assuérus, c’est aujourd’hui le cas d’Obama.

Quoi qu’il en soit, il y a quelque 2 500 ans, l’Empire perse est le centre du monde. Un empire s’étendant sur 127 provinces, de l’Inde à l’Éthiopie, dont la capitale, Suse (« Chouchane » dans la Méguila), se situe au carrefour entre la vallée du Tigre et le plateau iranien. En plein cœur de Suse, se trouve le palais du roi, que dans la Méguila on appelle « Chouchane Habira », le mot Bira signifiant, en araméen, la citadelle. Bien des siècles avant les archéologues, le commentateur Ibn Ezra affirme déjà qu’à chaque fois que, dans la Méguila, on parle de Chouchane, il s’agit de la ville elle-même, où habitaient majoritairement des Juifs, soucieux de vivre éloignés des autres peuples. Quand c’est Chouchane Habira qui est citée, il s’agit du palais du roi, l’endroit où vivaient des conseillers et ses proches, celui où s’est déroulée la majeure partie des évènements relatés dans la Méguila, là où le roi accueille durant 180 jours les grands personnages de son empire et où il organise, durant sept jours, un immense festin pour le peuple où il apparaît, revêtant les vêtements du Cohen Gadol.

Chroniques des rois perses

Ces ruines ont attendu plus de 2 000 ans pour livrer leurs secrets.

Les Perses étaient particulièrement méticuleux. Soucieux de laisser à la postérité le récit de leurs épopées, ils couchaient par écrit tout évènement les concernant. Les fameuses chroniques dont le roi Assuérus, en proie à l’insomnie, demande la lecture, sont là pour le prouver. Mais malheureusement, nous raconte l’historien grec Hérodote, les archives perses, conservées précieusement dans la seconde capitale de l’empire, Actabène, ont été entièrement brûlées durant les différentes conquêtes. Seules quelques inscriptions découvertes par les archéologues et les récits d’Hérodote nous permettent de comprendre ce qui se trouvait là où, aujourd’hui, on ne trouve que ruines et tas de poussière.

Ces ruines ont attendu plus de 2 000 ans pour livrer leurs secrets. Le premier archéologue à effectuer des relevés sur le site sera W.K. Loftusn, vers 1850, qui identifie le site grâce à une inscription découverte dans les ruines du palais. C’est un archéologue français, Marcel Dieulafoy qui, en 1884, entame les fouilles à Suse. Il faut attendre l’arrivée sur le site de Jacques de Morgan en 1897 pour que les fouilles débutent réellement. Depuis, les délégations d’archéologues se sont suivies sans pour autant découvrir de véritables trouvailles, sans doute à cause des méthodes de Morgan qui, occultant toutes les règles du parfait archéologue, ne se préoccupe pas des bâtiments qu’il rencontre, ne cherchant pas à les identifier, et se concentre avant tout sur la découverte d’œuvres d’art, et la recherche des preuves de ce qu’il pense être le site des origines de la civilisation. Il rase ainsi de nombreux niveaux archéologiques et les monuments sont donc irrémédiablement perdus.

Le palais

Les travaux menés par la délégation de Delafoy au cœur du palais des rois perses, sous les ruines de Suse, confirment la description fournie par la Méguila : les archéologues découvrent donc un palais (Chouchane Habira), surplombant la ville et s’étendant sur la superficie d’une petite ville. Ils mettent à jour l’entrée du palais, où se tenaient les gardiens du roi (Esther 2, 21) ainsi que le jardin du palais. Ils découvrent une cour extérieure (6, 4) et une cour interne (4, 11) où, selon la description des historiens de l’époque, seuls ceux qui y sont autorisés ont le droit de pénétrer.

Chroniques des rois perses

La cour royale semble être le lieu par excellence du pouvoir dans l’Empire perse : c’est là que vit le roi, avec sa famille et ses familiers. C’est également là que les nobles doivent résider, que sont prises les décisions administratives et stratégiques, que les gouverneurs des provinces sont convoqués ou reçus.

Chouchane Habira s’étend sur une très grande superficie. En son centre le palais, au nord, un bâtiment où se tenait manifestement le trône du roi qui y accueillait ses invités et à l’est, la « maison des femmes », où Esther s’est préparée durant un an à sa première rencontre avec Assuérus.

Lorsque Dieulafoy compare les résultats des fouilles avec la description faite dans la Méguila, il affirme alors : « Jamais un bâtiment n’a été décrit avec autant de clarté ».

Hasard du sort ? Durant les fouilles, les archéologues ont découvert des dés, sur lesquels avaient été gravées des inscriptions, prouvant que les Perses avaient bel et bien coutume de tirer au sort. Plus encore, il s’avère que le mot « Pour » signifie bien en akkadien – le langage utilisé en diplomatie à cette époque – « tirage au sort ».

Jamais un bâtiment n'a été décrit avec autant de précision !

Lorsque les archéologues du 19è siècle découvrent que l’immense palais du roi Assuérus était entouré d’un canal, ils ne se doutent pas qu’ils viennent d’expliquer un verset jusqu’alors difficile à comprendre de la Méguila… En effet, lorsqu’Esther (4, 16) entend qu’Aman veut assassiner son peuple, elle demande à Mardochée de « réunir tous les Juifs ». Dans le verset suivant, on peut lire : « Et Mardochée traversa, et fit tout ce que lui avait demandé Esther ». Pour expliquer ce terme de « traversa », qui semble a priori déplacé, les Sages nous enseignent (Méguila 15a) : « Il traversa un canal d’eau ». Grâce aux découvertes archéologiques, nous sommes donc en mesure de comprendre l’intention des rédacteurs du Talmud : autour du palais du roi avait été creusé un canal, pour l’isoler du reste du pays et le protéger. Mardochée qui vivait dans le palais, mais ne souhaitait pas que l’on sache qu’il allait prévenir ses frères, n’emprunta donc pas la voie normale, mais traversa le canal pour ne pas avoir à rendre de comptes aux gardiens de la cité royale.

Nous n’avons certes pas besoin des découvertes archéologiques pour imaginer le destin d’Esther, femme juive, seule face au roi humain le plus puissant de la terre. Esther, qui parvint non seulement à sauver son peuple, mais aussi à venger l’humiliation du festin d’Assuérus, servi dans les ustensiles du Beth-Hamikdach. Cyrus, le grand-père d’Assuérus, avait déjà ouvert les portes du retour d’Israël sur sa terre, mais seule une poignée de personnes, menées par Zorobabel, quitta la Babylonie. Il fallut attendre Artaxerxés 1er, fils d’Assuérus et Esther, pour que ce retour se réalise, lorsque le roi perse confia à Ezra une lettre de décret lui donnant ordre de prendre en charge les affaires civiles et ecclésiastiques de la nation juive. Ezra a alors quitté Babylone, pour se rendre à Jérusalem et y constituer le noyau de la communauté juive revenue d’exil.

Par sur le magazine Hamodia – Édition française

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