Réflexions Pourim

Comment stopper les mariages mixtes ?

17/02/2013 | par David Zauderer

Haman vise en plein dans le mille de ce problème juif déconcertant.

J’aimerais poser une seule question à tous ceux que les taux aujourd'hui extrêmement élevés d'assimilation et de mariages mixtes alarment sérieusement : Pourquoi? Pourquoi tant d'inquiétude? Pourquoi le risque de cesser d'exister en tant que nation juive devrait-il nous perturber? Pourquoi ne pas laisser le Judaïsme s’éteindre? Ne serions-nous qu’en train de faire une simple partie d’un jeu appelé «religions du monde : la dernière qui reste remporte la partie » ?

Ce sont ces questions que soulèvent précisément Alan Dershowitz, professeur de droit de Harvard, dans son livre The Vanishing American Jew, (La disparition du Juif américain) datant de 1997 et auxquelles il tente de répondre. Elliott Abrams mit le doigt sur le nœud du problème dans sa critique du livre de Dershowitz. Il écrivit ainsi dans The Weekly Standard:

« Cela traduisait son effort pour définir la façon dont la communauté juive américaine devrait faire face à un terrible problème démographique, son nombre décroissant régulièrement du fait des faibles taux de natalité, de la hausse des mariages mixtes et de l’assimilation ».

Curieusement, le livre est aussi un hymne au Judaïsme laïc, Dershowitz avoue qu'il est Juif par émotion, de par son origine, la manière dont il a été élevé, son éducation - mais nullement par croyance. Il aime être juif – du fait de l’orthodoxie, des prières et des pratiques avec lesquelles il grandit et les études qu’il suivit, de la cuisine traditionnelle, des histoires et de l’humour. Il n'est pas, cependant, un homme religieux, et ne voit pas Dieu comme un élément central du Judaïsme.

Mais alors pourquoi quelqu’un qui n’aurait pas été élevé et éduqué de cette manière devrait-il rester juif, s’il n’est pas religieux? Alan Dershowitz est brillant et il est de plus un excellent professeur. Qu’il puisse écrire un livre sans pouvoir répondre à cette question est des plus curieux.

Le problème fondamental de ce livre – et qui est partagé par de nombreux Juifs tentant de trouver une solution pour enrayer les mariages mixtes – vient de l’histoire personnelle d’Alan Dershowitz. Il précise qu'il n’aurait pas voulu épouser une non-Juive, mais est incapable de transmettre ce sentiment à ses propres enfants, ne pouvant leur expliquer pourquoi eux non plus, ne devraient pas le faire. (D’ailleurs, Alan Dershowitz précise qu’un de ses fils a épousé une non-Juive.) Ses pensées confuses sur la question apparurent évidentes lors d’un débat avec le défunt rabbin Meir Kahane, qu’Alan Dershowitz pourtant brillant orateur, admet avoir perdu:

« Il me demanda si je voulais que mes enfants se marient avec des Juifs. J'ai répond oui sans hésitation. Puis il voulut savoir si mon désir était basé sur la Halakha [la loi juive]. Non, lui ai-je répondu. Il continua, sans me laisser de répit : « Dans ce cas » dit-il en pointant son doigt vers moi, « vous n'êtes rien d’autre qu’un raciste. » Je fus surpris par cette accusation véhémente, mais Meir Kahane m’expliqua: « Il existe des gens très bien qui ne sont pas juifs et qui feraient des conjoints merveilleux pour vos enfants. Pourquoi les repoussez-vous tous sans exception, si vous ne devez pas le faire pour des critères religieux? Si vous êtes tout simplement enclin à préférer quelqu’un de votre propre ethnie, votre attitude relève de la définition même du racisme. »

« Meir Kahane fut plutôt sévère dans son utilisation du terme « raciste », mais il n’en avait pas moins raison. Quelle pourrait être notre motivation pour rester juif, si (et surtout) des profondes racines culturelles et ethniques font défaut comme c’est le cas de nos jours chez les Juifs américains, hormis le fait de considérer le Judaïsme comme une religion? ».

Etre juif, passionnément

La réalité est que nous ne réussirons jamais à détourner nos jeunes Juifs des mariages mixtes aujourd'hui si nous ne pouvons leur fournir – ainsi qu’à nous-mêmes - une bonne raison de ne pas le faire. Nos parents utilisaient des arguments, rabâchés par les générations avant eux, du genre « Tes grands-parents ont été tués parce qu'ils étaient juifs, et maintenant tu veux te marier avec un(e) non-juif? » ou « Nous sommes Juifs, mariés avec des Juifs, depuis des milliers d'années et toi, tu veux rompre cette tradition? ». Mais de tels arguments sonnent creux et ne fonctionnent plus pour une nouvelle génération de Juifs, totalement ou presque déconnectés de leur patrimoine et de leur religion. Et si nous sommes incapables de trouver une raison convaincante pour laquelle ils ne devraient pas épouser la superbe fille non juive qu’ils ont rencontrée à l'université, nous pouvons passer très facilement pour racistes à leurs yeux.

Les non-Juifs peuvent nous voir comme un club élitiste n’admettant que des Juifs.

À vrai dire, ce n'est pas seulement le respect de nos enfants que nous perdons lorsque, sans aucune raison valable, nous leur enjoignons de ne pas se marier avec des non-Juifs. Nous perdons également celui des non-Juifs. Lorsque nous refusons de nous marier en dehors de notre foi, sans raison valable, le monde des non-Juifs ne peut s'empêcher de nous voir comme une sorte de "club" élitiste où seuls les Juifs sont autorisés à entrer.Si nous sommes par contre attachés à notre foi, passionnés par notre Torah et fidèles à l'observance des Mitsvot, les non-Juifs peuvent comprendre alors pourquoi nous n’épouserons pas leurs filles. Après tout, cela n’a rien de personnel - nous avons simplement besoin de partager nos vies avec ceux qui ont la même passion que nous pour le Judaïsme et sa mission, ce qui exclut en fait celui ou celle n’étant pas juif. Sans refléter un jugement de valeur sur le mérite des Juifs ou des non-Juifs. Comme le rabbin Michael Skobac de l’organisation Jews for Judaism (Juifs pour le Judaïsme) l’a une fois exprimé, « je n'aurais même pas épousé une Juive qui n'aurait pas été aussi passionnée que moi par son Judaïsme! ».

L’accusation d’Haman

Ce dernier point est particulièrement bien illustré dans un passage fascinant du Talmud (Meguilat 13b) révélant la conversation qui eut lieu en « coulisses » entre le premier ministre Haman et le roi Achashverosh (basé sur Meguilat Esther 3:8) : Haman convaint Achashverosh de lui permettre d'exterminer la nation juive tout entière et lui dit: « Les Juifs ont fait preuve de laxisme dans leur observance de la Torah ... [et] ils n’épousent pas nos filles ... ».

Les commentateurs soulignent une incohérence dans le propos calomnieux d'Haman contre le peuple juif. En effet, il commence par affirmer que les Juifs sont laxistes en observant la Torah et ses commandements, pour ensuite déplorer le fait que les Juifs refusent de se marier en dehors de leur foi!

Les sages expliquent qu’Haman voulait ainsi démontrer au roi le «racisme» dont faisait réellement preuve le peuple juif et le Judaïsme. Après tout, c'est une chose de suivre un commandement de la Torah qui intime aux Juifs l’ordre de ne pas épouser de non-Juifs. Mais s’il y a un relâchement dans leur observance des Mitsvot (comme en témoigne leur présence et la manière dont ils se sont conduits, sans se différencier des autres convives, au banquet de 180 jours que donna le roi) et que pourtant, ils continuent à ne pas épouser nos filles? Cela ne peut vouloir dire qu’une chose : ils ne sont qu’une bande de racistes.

La pérennité juive

Si nous voulons comprendre ce qui pourra sauver le peuple juif aujourd'hui de son autodestruction par l'assimilation et les mariages mixtes, nous n'avons qu'à regarder l'histoire de Pourim et examiner ce que les Juifs de l'époque avaient du faire pour échapper à l’extermination aux mains du cruel Haman. Car le monde juif se trouve après tout, aujourd'hui, dans une situation similaire à celle des Juifs de Perse il y a 2300 ans. Nous sommes laxistes dans notre observance de notre religion et avons perdu notre passion pour notre Judaïsme, ce qui correspond en tous points à la description faite par Haman des Juifs de l'époque. Et pourtant, beaucoup d'entre nous sommes contre les mariages mixtes, envoyant un message confus à nos propres enfants sur la signification d'être Juif.

La chose essentielle que le peuple juif, mené par Mordechaï et Esther, fit pour garantir sa continuité et être sauvé de la menace de destruction, fut de puiser de nouveau de la joie dans le fait d’être juif et d’en retrouver la beauté. Quand les Juifs retrouvent leur passion et leur enthousiasme d'être juifs, leur pérennité est assurée.

Lorsque les Juifs perdent leur passion pour le Judaïsme, ils deviennent vulnérables et risquent la destruction.

Nous le voyons dans l'histoire de Pourim (Meguilat Esther 6:13) lorsqu’Haman revient chez lui, la tête basse, humilié de s’être vu forcer de conduire le Juif Mordechaï sur son cheval à travers la rue principale de Shoushan. Il raconte à sa femme Zeresh ce qui s’est passé, ce à quoi elle répond: « S'il [Mordechaï] est de la race des Juifs, tu ne pourras rien contre lui. » Les commentateurs se posent la question pourquoi Zeresh aurait-elle remis en question l’appartenance de Mordechaï au peuple juif, lorsqu’il était évident pour tous qu'il était juif.

Mon grand-père, Rabbi Yossef Mordechai Baumol zal, a expliqué le sens des paroles de Zeresh : elle voulait dire à Haman que sa seule chance de détruire les Juifs - ou de les faire se détruire eux-mêmes – réside sur la perte de leur passion pour leur Judaïsme. Lorsque cela se produit, rien ne peut les empêcher alors de se marier avec des non-Juifs et de s'assimiler jusqu’ à ce qu’ils disparaissent tout bonnement. Si les seules personnes qui continuent de s’intéresser au Judaïsme sont des octogénaires disant le Kaddish dans la synagogue tandis que les jeunes prennent leurs jambes à leur cou pour sortir de là le plus vite possible, il ne leur reste plus aucun espoir. Et si c’est le cas, toi, Haman, continue Zeresh, sortira alors vainqueur. Mais « si les nouvelles graines des Juifs », c'est-à-dire leurs jeunes gens, sont à nouveau enthousiastes, se passionnent pour le Judaïsme et sur ce que cela signifie d'être juif, alors tu ne pourras jamais les battre.

S'enivrer à Pourim

Nous pouvons à présent tenter de comprendre l’étrange Halakha relative à Pourim mentionnée dans le Talmud et dans le Code de Lois Juives. Il est y précisé qu’une personne est obligée de boire à Pourim au point de ne plus pouvoir discerner Haman le maudit de Mordechaï le béni. De nombreuses explications ont été suggérées pour saisir le sens de cette halakha difficile à comprendre et la raison pour laquelle les Sages ordonneraient la Mitsvah de devenir quasiment ivre à Pourim.

À la lumière de ce qui précède, je voudrais suggérer que les Sages voulurent nous rappeler chaque année le jour de Pourim pourquoi nous furent sauvés et ce qu’il nous avait fallu faire (et qui reste toujours d’actualité) pour empêcher notre destruction aux mains de notre ennemi ou de notre propre fait, par l'assimilation.

Comme nous l'apprend l'histoire de Pourim, si nous voulons survivre et prospérer en tant que nation juive, il ne nous suffit pas d’être juif à cause du « maudit Haman », parce que nos grands-parents furent tués par les nazis parce qu'ils étaient juifs. Il ne nous suffit pas non plus de nous marier avec des Juifs dans le mérite du « béni Mordechai », parce que nos grands-parents et leurs grands-parents avant eux, étaient tous fiers d’être Juifs. Ces raisons intellectuelles évoquées pour ne pas se marier en dehors de la foi juive ne sont pas convaincantes – elles ne l’étaient pas pour les Juifs de l'époque et le sont encore moins pour les Juifs d'aujourd'hui.

La seule façon de garantir la continuité de notre peuple est de transcender le niveau intellectuel et d’aller au cœur même de l’essence de ce qu’est d’être juif, d’en sentir la joie au plus profond de notre être. Un jour par an lors de la fête de Pourim, qui célèbre la continuité du peuple juif, les Sages ont ordonné que l'on boive au point de ne plus pouvoir expliquer de façon cohérente pourquoi nous sommes toujours juifs - parce que de toute manière, ces raisons ne suffisent pas pour nous le faire rester - mais au contraire, de nous permettre d’atteindre le point où nous ressentons toute la Simcha d'être juif au plus profond de notre être.

Et si nos enfants sont témoins de cette joie et ressentent ce que nous ressentons non seulement le jour de Pourim, mais aussi tous les autres jours de l'année, nous aurons résolu le problème des mariages mixtes pour toujours. C’est promis.

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