Témoignages Shoah

Se souvenir de la Shoah, ça compte encore ?

27/04/2014 | par Emanuel Feldman

À quoi bon ressasser les souvenirs d’une horreur passée ? objectent les ennemis du peuple juif. Voici pourquoi ils se trompent lourdement.

Pour vous convaincre de l'importance du souvenir de la Shoah, il vous suffit de mesurer l’attention que lui accordent les ennemis du peuple juif et de contaster leur  quasi-obsession à vouloir effacer toute trace de son souvenir.

Agacés par le poids qu’elle occupe dans nos consciences, les voilà qui nous interpellent : pourquoi, vous autres Juifs, vous étendez-vous sur la Shoah ? Pourquoi ne pas oublier ces pénibles souvenirs et aller de l’avant ? Ces mêmes esprits qui ne furent en rien perturbés par l’assassinat de six millions d’hommes s’indignent à présent de l’ardeur avec laquelle nous perpétuons le souvenir de ces mêmes six millions d’hommes. Tirez un trait sur le passé, nous enjoignent-ils, et allez donc de l’avant. À quoi bon ressasser les souvenirs d’une horreur révolue ?

Ces tentatives d’effacer voire même de nier la Shoah s’expliquent par différentes raisons :

  • Son évocation confère des forces spirituelles au peuple juif.
  • Elle justifiel’existence de l’État d’Israël.
  • Elle génère de la sympathie à l’égard du peuple juif.
  • Elle élève au rang de héros les membres du peuple juif qui furent capable de traverser une telle tragédie, d’y survivre, mais aussi de prospérer.
  • Ceux qui sont dans le déni refusent d’admettre le potentiel obscur qui gît en eux etau sein de l’humanité.
  • Et peut-être la raison principale : une fois la Shoah oubliée, leur propre complicité  - qui s’exprime tout au moins par leur consentement silencieux - sera également oubliée, et ils se sentiront disculpés.

Et pourtant, la Shoah occupe une place primordiale, en raison des nombreuses leçons que nous pouvons tirer de cette sombre période de l’histoire.   

L’homme n’est pas né bon. Il devient bon en apprenant qu’il n’est pas seul au monde et qu’un Être supérieur se trouve au-dessus de lui.

Pour commencer, la Shoah nous a prouvé que le mal et la haine gratuitssont des réalités qui existent dans notre monde. L’être humain a une capacité à développer le mal telle que si on ne le stoppe pas, il peut en arriver à détruire le monde. L’idée que la bonté est une qualité innée et naturelle dans l’homme est non seulement naïve, mais également dangereuse et fausse.

La Torah même nous enseigne que : « le penchant du cœur de l’homme est mauvais depuis son enfance » (Genèse 8:21). L’homme n’est pas né bon. Il doit devenir bon - en forgeant son caractère, en pliant ses instincts les plus bas, en apprenant qu’il n’est pas seul au monde et qu’un Être supérieur se trouve au-dessus de lui. 

L’Holocauste nous montre ce que des êtres humains peuvent devenir lorsqu’ils permettent à la partie bestiale qui sommeille en eux de prendre le dessus.

Elle nous enseigne que nous devons être vigilants quant à l’existence du mal, à la fois chez autrui et en nous-mêmes. Car ce n’est qu’une fois conscients de cette réalité que nous pouvons œuvrer pour le déraciner. Les commandements de la Torah sont d’ailleurs destinées à permettre aux qualités spirituelles en nous de dominer notre côté bestial.

En outre, nous apprenons de cette tragédie qu’être silencieux devant le mal revient à y consentir, à l’encourager, et à l’aider à se renforcer. L’histoire nous enseigne que le mal triomphe lorsque les bons restent silencieux. Mais lorsque les bons s’élèvent contre le mal, le mal finit par disparaître et le bien l’emporte.

Ne mettez jamais en doute l’intention perverse des tyrans.

En apaisant l’Allemagne nazie dans les années 30, en fermant l’œil à l’égard de sa politique de discrimination, de haine, qui conduisit finalement au meurtre de masse des Juifs, le soi-disant monde libre encouragea les nazis à poursuivre leur œuvre perverse - avec pour résultat que non seulement six millions de Juifs furent brutalement exécutés, mais d’innombrables autres furent anéantis, et une souffrance humaine indicible fut engendrée. Nous commîmes la faute de ne pas croire ce qu’ils disaient. À un stade précoce, ils dévoilèrent précisément le contenu de leurs plans. Le monde n’aurait pas dû être surpris.

On ne devrait jamais mettre en doute l’intention perverse des tyrans. Aujourd’hui, lorsque nous entendons des discours sur une volonté de détruire Israël et de jeter son peuple à la mer, ce serait une folie de ne pas prendre ces avertissements en considération. 

De la Shoah, nous apprenons également que le mal, la haine et l’antisémitisme ne sont pas toujours le résultat de l’ignorance, mais qu’une société très cultivée, sophistiquée et baignant dans la culture peut tout aussi bien tomber sous l’emprise du mal. L’Allemagne comptait parmi les nations les plus avancées dans les domaines de la science, de l’art, de l’éducation, de la littérature, de la philosophie et de la musique. Mais cette supériorité culturelle ne fut en rien une garantiecontre la cruauté et la bestialité qui marqua sa conduite. Les gardes présents à Auschwitz écoutaient du Bach pendant que leurs victimes étaient gazées.

La Shoah souligne un élément curieux : à chaque fois que le mal se manifeste dans le monde, il est invariablement dirigé contre le peuple juif. Les pires tyrans de l’histoire ont un seul but en commun : détruire les Juifs. Staline et Hitler du siècle dernier ne sont que les occurrences les plus récentes dans l’interminable démonstration d’un antijudaïsme virulent. D’une manière ou d’une autre, les ennemis de la liberté, de la paix, de l’amour, de la bonté et de la moralité, ont également été les ennemis des Juifs. 

Pourquoi les tyrans déchaînent-ils leur furie contre les Juifs ? Il y a dans le judaïsme un certain sens de la sainteté et de la dévotion dont l’existence même est un défi à l’essence même de la tyrannie. La haine du Juif est en réalité la haine de Dieu et de la moralité, de l’éthique et de l’autodiscipline qu’Il - par la Torah - a tenté d’introduire dans le monde.

Un peuple n’est pas jugé par ses amis, mais par ses ennemis. Bien que ce soit très douloureux, les Juifs supportent l’hostilité des tyrans du monde avec fierté et courage. Car cette hostilité ne fait que démontrer que les Juifs représentent une échelle différente de valeurs dans le monde, et constitue un défi formidable à la domination du mal. 

De ce fait, la Shoah est capitale. Le fait de s’en souvenir honore non seulement les martyrs qui sont tombés pour la cause du peuple juif, mais elle souligne également la conscience qu’en dépit de ses ravages, nous formons encore et toujours un peuple dynamique. Ceci nous renforce et consolide notre foi dans les promesses de Dieu quant à l’éternité du peuple juif.

La mémoire est partie intégrante de notre vie, le ciment de notre propre identité. Elle fait également partie intégrante de la vie d’un peuple, car un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir. 

À plus forte raison est-ce vrai pour les Juifs : pendant une grande partie de leur histoire, ils n’ont eu ni terre, ni drapeau, ni armée, ni protection. Nous n’avions que notre Torah, notre Dieu - et notre mémoire nationale. 

Étant donné que les Juifs sont un peuple du souvenir, nous n’oublions jamais nos origines. « Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite t’oublie… » dit le Roi David (Psaumes 137:5). Nous n’oublions jamais Jérusalem, nous n’oublions jamais notre histoire. Si nous l’avions oublié, nous aurions depuis longtemps cessé d’exister en tant que peuple. Peu importe le lieu où notre exil nous a conduits, nos prières ont toujours été dirigées vers Jérusalem. Nous n’oublions pas, et même dans nos plus grands moments de joie – lors de nos mariages – nous brisons un verre pour nous rappeler que tant que notre Temple n’est pas reconstruit et rétabli, notre bonheur est incomplet.

Même aujourd’hui, lorsque nous nous approchons des vestiges restants de notre ancien Temple, nous déchirons nos vêtements à l’instar des personnes en deuil. Et nous avons des jours particuliers de jeûne pour marquer les divers stades de la destruction de Jérusalem - non pas parce que nous souhaitons nous étendre sur nos douleurs passées, mais parce que nous savons ce qu’il se passe lorsqu’un peuple oublie son passé. C’est la mémoire nationale juive qui explique en partie la survie mystérieuse de notre peuple, envers et contre tout. Le fait que cette mémoire fasse partie intégrante de l’existence juive se voit dans la fréquence de son emploi dans la Bible. Le terme de zikaron, « souvenir » apparait plus de vingt fois dans les Cinq Livres de Moïse, et on relève plus de 300 variations du terme zakhor, « se souvenir » dans la Bible.

La Shoah nous rappelle certaines vérités, qui, en cas d’oubli, ont la faculté de détruire la civilisation.

Il est si vital de ne pas oublier le mal que sur les nombreux commandements liés au souvenir, l’un des plus catégoriques est la prescription de se souvenir de la tribu d’Amalek, qui tenta de détruire Israël lors de ses errances dans le désert.

Pourquoi est-ce si capital de ne pas oublier Amalek et d’effacer son souvenir ? Amalek représente en effet le modèle du mal, la force qui cherche à détruire tout vestige de Dieu dans le monde, y compris ceux qui se réclament des enseignements de Dieu, le peuple juif. Nous sommes priés de ne jamais l’oublier et de nous battre contre lui à chaque génération (Exode 17:14-16 ; Deut. 25:17). L’esprit d’Amalek vit encore, et c’est certainement son esprit qui donna des forces aux protagonistes de la Shoah.

La Shoah nous rappelle certaines vérités qui, si on les oublie, peuvent détruire la civilisation. Et cela rappelle aux Juifs que le but de la Torah est de faire passer l’homme du stade d’animal à celui d’être humain, et ce n’est qu’en se reliant à Dieu que le mal peut être contrecarré dans le monde.

C’est là une vérité que nous oublions à nos risques et périls.

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