Réflexions Souccot

Les sept héros de Souccot

03/10/2017 | par rabbin Benjamin Blech

Pourquoi les Juifs convient ces sept héros bibliques à tour de rôle dans la Soucca.

Oprah Winfrey, la célèbre animatrice américaine, a le chic de dénicher la question idéale à poser à ses invités pour les connaître sous leur vrai jour. Mais parmi l’arsenal fourni dont elle dispose, sa préférée reste indubitablement la suivante :

« Si vous aviez la possibilité de convier un personnage de l’histoire passée ou présente à un dîner que vous organisez, qui choisiriez-vous ? »

Bien avant Oprah, les Juifs se posèrent la même question pour y fournir une réponse collective pendant la joyeuse fête de Souccot. Souccot est un moment où nous quittons nos demeures afin de nous installer dans des cabanes de toute beauté où amis, invités et étrangers sont les bienvenus. En cette saison de l’engrangement, nous tenons absolument à partager notre bonne fortune avec les autres. Et pour mettre en relief la mitsva de ha’hnassat or’him – l’hospitalité – nous avons un rituel connu sous le nom d’Ouchpizine. Son principe ? Pendant chacun des sept jours de la fête, nous invitons un autre héros biblique à nous rejoindre comme « invité d’honneur » dans la Soucca.

Alors, comment les Juifs répondent-ils à la question d’Oprah ?

J’espère que vous profiterez de l’occasion pour convier ces sept invités recommandés par la tradition juive : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Aaron et David. Pour certains, cette invitation est un moyen de se pencher sur leur rôle dans l’histoire de notre peuple, et sur la portée de leurs vies dans la constitution de notre identité spirituelle. Pour ceux qui s’intéressent davantage à la mystique juive, les Kabbalistes enseignent que les âmes de ces illustres invités descendent littéralement dans la Soucca et se rapprochent de leurs descendants, réaffirmant ce faisant le lien entre le passé et le futur.

Les Juifs ne manquent pas de héros. Pourquoi ces sept personnages bibliques furent-ils choisis pour cette distinction unique à Souccot ?

Permettez-moi de vous livrer mes suggestions personnelles tandis que nous nous pencherons vers chacun de ces invités de marque. Ces héros bibliques s’adressent à nous dans le langage des Juifs du 21ème siècle et de leurs besoins spécifiques, nous montrant comment insuffler davantage de sens et de spiritualité dans notre vie.

Abraham, Isaac et Jacob – veuillez nous accorder, chacun à votre tour, un jour pour partager avec nous la joie que vous avez découverte en instaurant le concept de la prière.

Ce fut toi, Abraham, qui comme nous le révèle le Talmud fus le premier à t’adresser à Dieu à travers la prière de cha’harit, récitée le matin, au moment où nous ouvrons les yeux pour redécouvrir les gloires de l’univers et éprouvons le besoin d’exprimer le sentiment de gratitude qui nous envahit à cette vision. Ce fut toi, Abraham, qui nous enseignas que si nous ne prenons pas chaque jour le temps de passer en revue tous les bienfaits dont Dieu nous comble, nous finirons par succomber à l’ingratitude pour ne garder à l’esprit que nos infortunes. Nous nous concentrerons sur ce qui nous manque et vivrons dans un perpétuel état de tristesse parce que nous n’en aurons jamais assez.

Ce fut toi, Isaac, qui récitas pour la première fois la prière de min’ha en après-midi, quand le soleil commençait à décliner. Nous devons apprendre de toi, Isaac, comment gérer les moments où la vie semble basculer de la lumière à l’obscurité, de la réussite à l’échec apparent, de la bonne fortune qui sourit à chacune de nos décisions à ces pénibles jours d’épreuve qui menacent nos accomplissements et notre bien-être. Isaac, l’homme qui se sentait si proche de Dieu qu’il fut prêt à sacrifier sa vie sur l’autel si tel était le souhait du Tout-Puissant, est l’invité dont nous voulons nous inspirer quand notre foi se met à vaciller et qui est là pour nous rassurer qu’à chaque crépuscule succède un glorieux lever du soleil.

Et ce fut toi, Jacob, qui établis maariv, la prière que nous adressons à Dieu le soir, le moment où règnent la peur, la terreur, la frayeur et l’anxiété. La prière du soir nécessite la plus grande marque de foi de toutes. Maariv fut la prière de tous ces hommes qui, au cours des derniers mois, ont affronté ouragans et déluges, secousses et tremblements de terre, ainsi que des pertes inimaginables. Nous avons besoin que Jacob nous révèle le secret du courage qui le soutint depuis les attaques d’Esaü dans sa jeunesse jusqu’aux tribulations de l’histoire de Joseph et au premier exil juif en Égypte dans sa vieillesse.

Les trois premiers jours de Souccot, durant lesquels nous renouons avec nos patriarches, chargent nos prières de fête de davantage de sens. Leurs vies constituent la meilleure réponse à la question que l’on posa un jour à un homme pieux : « Qu’as-tu gagné en priant régulièrement à Dieu ? »

Et ce dernier de répondre : « Laissez-moi plus tôt vous dire ce que j’ai perdu : la colère, l’égo, l’avidité, la dépression, l’insécurité et la peur de la mort. » Parfois, la réponse à nos prières n’est pas ce que nous gagnons, mais ce que nous perdons, ce qui représente le plus grand gain.

N’oublions pas d’inviter Joseph, le seul personnage que la tradition juive désigne par le titre Hatsadik – le juste. Enseigne-nous, Joseph, comment tu as été capable de résister aux avances séductrices de la femme de ton employeur ? Comment as-tu été capable de maintenir ta foi non seulement en Dieu mais en aussi en la bonté de l’homme après ce que tes propres frères t’ont fait subir en te vendant comme esclave ? Et la question qui est sans doute la plus pertinente pour nous dans le monde contemporain, comment as-tu empêché ta réussite inimaginable de détruire ta personnalité morale ? Par-dessus tout, comment as-tu été capable de pardonner à tes frères leur crime horrible et de trouver en ton cœur le courage d’absoudre leur péché. D’aimer ton prochain comme toi-même, même après qu’ils t’aient traité si sévèrement ? Viens dîner avec nous, Joseph, et fais-nous savoir comment tu as relevé de tels défis.

Moïse et Aaron, à une époque où nous avons si désespérément besoin de dirigeants dignes de leur position, nous sommes impatients de vous avoir à notre table. Moïse, tu es le seul et unique homme à avoir parlé à Dieu « face à face ». Qu’as-tu ressenti à ce moment ? Peux-tu nous en révéler plus que ce que Dieu t’a enseigné comme étant Ses treize attributs de miséricorde ? Et comment as-tu affronté un peuple rebelle qui n’a jamais su t’apprécier à ta juste valeur ? Moïse, nous ne savons même pas où tu es enterré parce que Dieu ne voulait pas que nous adorions ta tombe au lieu de ta Torah. Aide-nous à devenir des juifs meilleurs en faisant plus ample connaissance avec toi.

Quant à toi, Aaron, rappelle-nous comment tu as gagné l’amour de tout un peuple en tant que grand-prêtre qui se souciait de tout le monde – pécheurs y compris – et qui, comme nous le dit le Talmud, fut même prêt à mentir pour rétablir l’amitié entre deux Juifs. « J’ai entendu l’homme que tu considères comme ton ennemi me dire comme il est peiné et comme il est désolé pour le malentendu qui vous oppose. Il veut désespérément s’excuser mais se retient de le faire parce qu’il a honte. » Voici ce qu’Aaron disait à chacun des deux adversaires, même si ce n’était pas vrai. Aaron était convaincu qu’il y a des moments où la vérité peut être compromise dans l’intérêt de l’amour, où un mensonge peut même devenir une mitsva s’il peut transformer des ennemis en amis.

Souccot ne serait pas Souccot si nous ne réservions pas un jour pour le roi David. David est destiné à être l’ancêtre du Messie. Il a assurément gagné cette distinction par ses innombrables contributions à l’histoire juive. Son règne fut dans l’ensemble exemplaire. Son livre des Psaumes est un chef d’œuvre de prière et de poésie. Mais à mon sens, il y a une chose qui se démarque de toutes les autres. Confronté par le prophète Nathan pour sa faute avec Bethsabée, David s’effondra et répondit sans la moindre hésitation par un seul mot : ‘Hatati – j’ai fauté. Pas d’explications, pas d’excuses, pas de revendication de pouvoir. Pas de duel Roi contre Prophète. David reconnut publiquement que Dieu est plus grand que n’importe quel souverain et que la loi divine l’emporte sur tous les défauts humains.

À une époque marquée par la glorification du pouvoir, par le culte des personnalités et des célébrités, par l’autoglorification et les « selfies », la confession du roi David est sans doute le meilleur moyen de clore la période de fête qui nous demande de nous rapprocher de Dieu à l’aube de la nouvelle année.

Dans le judaïsme, le chiffre sept incarne la perfection. Il représente la sainteté du Chabbat. À Souccot, ce même chiffre réunit les sept géants de l’histoire juive dont les valeurs et les récits de vie ont forgé notre identité et qui constituent la clé de notre survie.

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