Ticha Béav

Construire notre propre Temple

22/07/2012 | par Aish.fr

Ma fille de onze ans est parvenue à une meilleure compréhension du sens réel de Ticha BéAv que la plupart d’entre nous.

Soyons honnêtes.

Pour apprécier pleinement cet article, il faut vraiment que vous connaissiez ‘Hanalé…et pas seulement parce que c’est ma fille. Mais il suffit de dire que tout ce qu’elle entreprend, elle le fait avec passion, enthousiasme et animation…et une bonne dose de tous ces éléments.

Ainsi, il y a quelques mois, lorsque son enseignante de sixième, Mlle Fried, exposa en détail les devoirs devant la classe, ‘Hanalé bondissait sur sa chaise comme une part grésillée de pizza atterrissant sur une langue étonnée.

« Le Tabernacle que nous étudions, édifié par le peuple juif dans le désert », expliqua Mlle Fried, « était semblable aux deux Grands Temples qui se tiendraient à Jérusalem de nombreuses générations plus tard. »

‘Hanalé et ses camarades de classe étaient exposées pour la première fois au concept de Temple, qui servait de point central de la vie juive, de la pratique et du service divin pendant 830 ans jusqu’à l’an 70 avant l’ère vulgaire. Les premières impressions peuvent durer toute une vie et Mlle Fried était particulièrement douée pour décrire aux filles de manière vivante chaque leçon capitale. Alors, dépeindre le Temple comme quelque chose de plus qu’une structure matérielle ornementée ou même une grande synagogue était un défi auquel elle prenait plaisir.

« Pourriez-vous imaginer si nous – notre classe de filles de sixième – pouvions réellement construire le Temple ? Ne serait-ce pas incroyable ? »

Tout le monde ne comprit pas pleinement ce que Mlle Fried entendait. Elles savaient qu’elles n’étaient ni entrepreneures, ni ingénieures, ni architectes, alors comment pouvait-on s’attendre à ce qu’elles construisent le Temple ? « En plus, » murmura une fille, « j’ai entendu que seul le Messie sera à même de construire le Troisième Temple ! »

« Laissez-moi vous expliquer. Je vais diviser les filles en petits groupes de travail. Chaque groupe se rencontrera le soir pour construire une petite maquette d’une partie du Temple. Puis, dans deux semaines, lorsque les parties seront achevées, nous nous réunirons. Chaque groupe apportera et présentera son projet à toute l’école. Nous joindrons alors les parties et créerons une superbe maquette de tout le Temple ! »

À ce moment-là, toute la classe était remplie d’un brouhaha mêlant l’impatience au délice. Mlle Fried annonça le nom des participantes de chaque groupe et la section qui leur était attribuée. ‘Hanalé et ses trois amies furent chargées de construire le Mizbéa’h Né’hochet, l’autel en cuivre, avec sa rampe énorme et majestueuse.

‘Hanalé eut beaucoup de mal à attendre son retour à la maison après l’école pour nous raconter son projet palpitant. En réalité, elle n’attendit pas, elle nous appela du téléphone public de l’école pendant la pause. Elle décrit dans le menu détail sa nouvelle mission sacrée et demanda si le groupe pouvait se retrouver chez nous (bien sûr) CE SOIR pour commencer à travailler sur la maquette. Comment dire non ?

Quelques heures plus tard, la porte d’entrée s’ouvrit violemment et quatre robustes ouvrières de construction en herbe déboulèrent en trombe dans le salon, s’interrompant et se bousculant les unes les autres. Quel spectacle !

« Je vais chercher des ciseaux. »

« Où est le panneau en chêne ? »

« Regarde ! J’ai trouvé un super diagramme en couleur du Temple dans ce livre ! »

« Pouvons-nous rester pour le dîner et pour la nuit ce soir, demain et après-demain ? »

Toute cette excitation était plutôt adorable. L’entrain avec lequel ces jeunes filles s’embarquèrent dans leur nouvelle entreprise était un témoignage vivant de l’enthousiasme de leur enseignante et de leur propre zèle à apprendre.

C’était leur bébé et elles allaient poursuivre dans cette voie d’indépendance.

L’équipe travailla dur pendant plusieurs heures cette première soirée de travail, et le résultat n’était pas des plus brillants. Il faut préciser, à leur décharge, qu’elles travaillèrent toutes seules. La configuration instable ressemblait à une mixture entre un piano infirme et une création de jeunesse des Wright Brothers, mais aucune d’entre elles n’envisagea de nous demander notre aide ou notre opinion. Très bien. C’était leur bébé et elles allaient poursuivre dans cette voie.

Nullement découragé, le quartet se sépara enfin pour la soirée, déterminé à obtenir une meilleure maîtrise de la situation le soir suivant. S’endormir, pour ‘Hanalé du moins, ne fut pas chose aisée ; trop d’excitation, d’attente et d’adrénaline. Nous entendîmes que le reste du groupe eut des expériences similaires.

Les quelques soirs suivants, le progrès fut lent, mais régulier, alors que la créativité des filles commençait à s’éveiller. À la fin de la première semaine, la maquette commença à ressembler à quelque chose de presque « reconnaissable. » Et comme bonus, le groupe commença aussi à se pencher sur l’objectif, la splendeur et le sens du service du Temple dans sa relation à l’autel et à ses diverses offrandes.

Mais le temps passait. À quelques jours de la date de remise du projet, les filles travaillaient à un rythme effréné. Le sol de notre salle à manger avait été littéralement transformé en usine de fabrication/ chaîne de montage à plein temps, avec des quantités variées de polystyrène, d’allumettes, de scotch double-face, de cellophane, de rubans à mesurer, et de copeaux de bois éparpillés partout.

Leurs propres diagrammes bruts servaient de plans à leur sainte entreprise, et à en juger par le ton animé qui marqua les dernières heures de production, ces jeunes dessinatrices de onze ans apprenaient des leçons incroyables tout autant sur la collaboration et la déférence, que sur le design et l’assemblage. Il fallait le voir et l’admirer.

Alors que la deuxième semaine touchait à sa fin, l’autel, la rampe, tous les compartiments et extras étaient sur le point d’être achevés. Tout avait été mesuré, coupé, formé et attaché. Le travail de détail était en réalité assez impressionnant.

Nous étions le soir avant le jour J et les sourires sur leurs petits visages en disaient long sur leur détermination, leur réalisation et leur fierté. ‘Hanalé eut du mal à articuler ces mots :

« Nous sommes prêtes à peindre ! »

Armées de pots de peinture en bombe et protégées par des tabliers de sainteté, nos héroïnes marchèrent triomphalement au dehors, transportant avec assurance leur création par notre porte d’entrée. Mon épouse et moi observions de la cuisine, regrettant de n’avoir pas filmé l’occasion pour la postérité. Elles y étaient vraiment arrivées, et toutes seules.

C’était presque l’heure du dîner et les ombres de l’automne avaient presque achevé de transformer le jour en obscurité. Nous savions que tout le processus de la peinture ne serait pas très long et que bientôt, la petite troupe allait nous appeler du dehors pour que nous admirions le produit fini.

Mais ensuite, l’appel survint – ce n’était pas celui que nous attendions. Les cris perçants nous firent frissonner jusqu’aux os.

« MAMAN !!! PAPA!!! OH! NON! »

Nous volâmes au dehors de la maison et trouvâmes nos quatre filles hystériques, leurs visages inondés de larmes.

« Regarde !! » hurla ‘Hanalé, pointant du doigt vers le bas de l’immeuble.

Nous penchâmes la tête vers la droite et vîmes la maquette, déjà en plusieurs pièces, rebondissant le long de la rue, prise au piège dans un coup de vent. Certaines parties étaient bloquées sous des voitures garées, d’autres coincées dans des buissons. Certaines pièces étaient apparemment parties pour toujours.

« C’est venu de nulle part, » crièrent les filles hystériques.

« Nous pulvérisions la peinture, et une minute après, tout était parti. »

« J’ai essayé de lui courir après, mais le vent était trop rapide pour moi. »

Je filai le long de l’immeuble pour sauver l’irréparable, mais en vain. Quelques instants plus tard, je revins avec des restes brisés d’un projet vaillant qui, d’une certaine manière, ne devait pas voir le jour. Inutile de préciser que les filles furent inconsolables.

Le nettoyage fut triste. Nous sauvâmes certains vestiges de valeur, plus comme souvenir que pour l’utilité, et après quelques minutes, nous regagnâmes péniblement l’intérieur de la maison. Il n’y avait pas grand-chose à faire. Notre impuissance traduisait tout d’une certaine manière.

Les quelques heures suivantes, les filles furent désorientées. Elles rentrèrent chez elles les mains vides. ‘Hanalé sauta le dîner et se coucha. Au dehors, le vent était calme.

Mon cœur était brisé pour elle lorsque je m’assis à côté d’elle et caressais ses boucles tristes qui avaient été mises en désordre par ses joues trempées de larmes. Son sentiment de perte était profond et je le traitais comme celui de n’importe quel parent du défunt au sens plein du terme.

Nous passâmes en revue les événements des deux dernières semaines et nous souvînmes de tous les détails horribles et joyeux de cette entreprise. Ensemble, nous évoquâmes l’aspect de la structure dans ses premiers jours et elle rit à cette pensée. La guérison avait commencé. Il était évident que la douleur allait rester pour un certain temps, mais je savais aussi que la guérison suivrait peu de temps après.

Peux-tu imaginer un instant ce que tout le peuple juif ressentit, il y a deux mille ans, lorsque le vrai Temple fut détruit ?

Je l’embrassais et lui souhaitais bonne nuit en lui affirmant combien j’étais fier d’elle et combien je l’aimais. Je pouvais voir son sourire dans la faible lueur de la nuit. Franchissant la porte, je pensais à une chose que je pouvais lui dire. Je m’arrêtais et pensais aux implications. Était-ce trop tôt? Était-ce quelque chose qu’elle pouvait entendre maintenant ? En faisais-je trop ? Je n’étais pas sûr, mais je décidai de me lancer.

Je revins sur mes pas et retournai vers son lit. Je m’assis à nouveau.

« Tu sais, ‘Hanalé, ce soir a été très triste pour toi et tes amies. Vous souffrez toutes beaucoup pour le moment. Et lorsque tu es blessée, maman et papa sont aussi blessés. Un jour, lorsque tu seras une maman, tu le comprendras encore mieux.

« Mais autant que vous puissiez être peinées maintenant, peux-tu imaginer pour un instant ce que tout le peuple juif ressentit, il y a deux mille ans, lorsque le vrai Temple fut détruit ? Vous avez construit la maquette d’un autel en deux semaines, et eux, ils ont tout perdu. Le Temple était leur maison pendant plus de quatre cents ans ! »

Sa réaction ne se fit pas tarder. Son visage était un mélange étrange d’étonnement et d’angoisse. Elle leva ses yeux vers moi et couvrit sa bouche. Je crus entendre un halètement. Elle avait compris.

Je l’embrassais à nouveau et quittais la pièce. Je ne lui suggérais pas que peut-être, peut-être seulement, D.ieu avait choisi la destruction de la maquette comme véhicule pour lui enseigner à elle et ses amies, à ses parents, à sa classe et à un nombre incalculable d’autres, l’impact des événements de Ticha BéAv et de la destruction des deux Temples. Comment pouvais-je savoir si c’était vrai ?

Mais j’ai le sentiment que ces petites filles, ce soir venteux, dans leur peine accablante, sont parvenues, plus que n’importe lequel d’entre nous, à une perception du sens réel de Ticha BéAv.

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