Yom Hazikaron

Lettre à cœur ouvert d'une maman israélienne endeuillée

28/04/2017 | par Martha E. Lichtenstein

Il est facile et légitime de s'indigner. Mais il est beaucoup plus difficile de refermer cet immense trou noir qui s'est engouffré dans nos foyers.

Chaque enfant est une promesse. Chaque enfant est un projet. Un espoir. Nous les avons mis au monde, leur avons donné un prénom. Mais désormais ils ne peuvent plus nous répondre quand nous les appelons.

Ils ne sont plus. Et avec eux nos espoirs et nos projets. Éteints.

La mort les a fauchés un jour de guerre. Cible aléatoire d'un ennemi terrible qui n'hésite pas à utiliser des civils comme boucliers humains et à en rejeter la faute sur Israël.

Il est facile et légitime de s'indigner. Mais il est beaucoup plus difficile de refermer cet immense trou noir qui s'est engouffré dans nos foyers. Parce que lorsqu'un de ses enfants meurt, c'est tout Israël qui porte le deuil.

Voilà les pensées qui viennent brutalement à l'esprit d'un parent endeuillé. Son enfant pourrait être le vôtre ou le mien. Combien de fois avons-nous partagé cette douleur ! La blessure est toujours là, ardente, au fond de nous.

Août 2006

L'appel tant redouté, la porte qui s'ouvre sur le messager venu malgré lui porter la terrible nouvelle. La vie et la mort sont à leur apogée.

Tes surnoms d'amour, les berceuses que je te chantais pour t'endormir, nos rires et nos querelles, le personnage que j'avais imaginé pour te raconter les histoires que tu aimais tant. Le chaleureux sourire maternel que je t'adressais avec un dernier baiser et mon traditionnel « Appelle-nous quand tu peux ! ». Les larmes que j'ai versées avant même de savoir, qui semblaient jaillir d'un abîme d'angoisse, qui va les sécher ? Qui va pouvoir apaiser mon cœur ?

Nos amis nous appellent en permanence. Nous sommes heureux de pouvoir les rassurer, mais nos cœurs saignent, et ils le savent. Je leur suis reconnaissante de leur présence, mais je voudrais tellement rester seule avec toi, revoir ton sourire et tes espiègleries.

Notre cher rabbin a fait de son mieux pour trouver des paroles de réconfort ; je suis tellement désolée de n'avoir fait que pleurer en l'écoutant. Malgré tout, je dois, comme beaucoup de mères israéliennes, reprendre le cours normal de la vie avec mon cœur si lourd, en feignant d'ignorer ta dernière lettre, écrite avant que ton char ne soit touché. Cette lettre logée dans cet endroit précis de mon tiroir, et que je ne veux plus lire car je sais que je m'effondrerai sous le regard malheureux de ton jeune frère qui tentera de faire face courageusement.

Je n'ai pas la force de faire miens les mots de Camus ("Nous pouvons pardonner, mais pas oublier"). Je ne peux ni pardonner à tes assassins, ni oublier leurs desseins criminels.

Je n'en suis pas encore capable.

Il me faut être forte. Je dois faire face au challenge ultime de continuer à vivre, avec toi mon chéri, invisible, à mes côtés, dans mon cœur, dans un coin indestructible de mon âme. Si je ne survis pas, alors nos ennemis auront gagné. Je ne leur laisserai pas remporter cette victoire, mon enfant ne l'aurait jamais permis. Or je sais qu'il me voit, qu'il me donne le courage d'affirmer que je ressortirai de cette vallée de larmes pour crier au monde mon humanité et la brandir devant ceux qui en sont dépourvus.

Aujourd'hui, ta place à table est vide, mais nous nous reverrons bientôt, et nous verrons ensemble le soleil dissiper les ténèbres…

Une maman israélienne endeuillée.

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