Yom Kippour

Le pardon, cette faculté à recoller les morceaux

26/09/2017 | par David Benkoël

À Yom Kippour, Dieu « passe l'éponge » sur nos erreurs passées. Saurons-nous en faire autant envers notre prochain ?

Nous nous trouvons entre Roch Hachana et Yom Kippour. De façon générale, cette période est propice à la remise en question, prélude à un progrès individuel, lui-même facteur d'un progrès collectif. Cette période est également propice à la notion de pardon [1].

Durant les « 10 jours de techouva » [2] qui vont de Roch Hachana à Yom Kippour inclus, quand commence le mois d'Eloul déjà, en fait tout au long de l'année, l'homme a le devoir de faire le point régulièrement pour mesurer si ses actes sont conformes à la volonté de son Créateur. L'existence dans son ensemble est une longue techouva, succession d'efforts vaillants éventuellement couronnés de victoires dont il n'est certes pas déplacé d'être fier [3], de périodes de doutes aussi, des moments de profond découragement, voire d'égarement, de déchéance. Mais peu importe le chemin, du moment que la direction est la bonne.

Or, faire le point n'est rien d'autre que se confronter à la vérité. Cette vérité, quelque peu crue, dérangeante, il ne faut pas craindre de l'accepter avec lucidité, pour reconnaître que l'on s'est éloigné du chemin idéal, que l'on a dévié de sa grandeur potentielle, pour se rabaisser à des aspirations de pacotille, si misérables, et si peu propres à rendre heureux. Survient alors la nécessité du pardon, dont l'année juive trouve justement son expression dans ce jour du pardon des fautes (Prières de Yom Kippour). Et il importe de bien réaliser ce qu'il advient quand on demande pardon à Dieu. Il pardonne !

Ceci ne peut pas, ne doit pas rester anodin. Car enfin, réalisons que rien, absolument rien ne justifie que Dieu, après avoir créé le monde à notre intention, après nous avoir façonnés de Sa propre main [4], après nous avoir placés dans le monde afin de réaliser Sa volonté avec le zèle d'un enfant pour son Papa bien-aimé, dans le seul but de nous octroyer une récompense prodigieuse dans le monde futur, absolument rien donc ne justifie que Dieu pardonne nos rébellions à Son égard. Il est Tout, et nous ne sommes rien… Alors comment réagir quand nous réalisons notre hardiesse d'avoir vécu selon le précepte exactement opposé ? Le saint jour de Yom Kippour venu, voici que nous sanglotons et demandons pardon. Nous réalisons nos erreurs, nous les regrettons, nous clamons notre envie de faire autrement, mieux en tout état de cause, parfois sans trop savoir la manière dont il faudrait s'y prendre. Nous demandons pardon, simplement, platement, presque trop facilement. Alors Dieu, que fait-Il ? Il pardonne.

Au passage, cette assurance, car c'en est une, que Dieu accepte de pardonner l'homme qui revient vers Lui avec sincérité, est une leçon que l’on peut aisément transposer dans les relations humaines. S'il peut être permis de s'exprimer ainsi, Dieu nous montre l'exemple. De notre côté, allons-nous pardonner de bon cœur celui qui vient nous demander pardon, ou allons-nous profiter d'une situation évidemment défavorable à l'autre, pour déverser sur lui notre rigueur ? « Je t'ai manqué de respect et ne t'ai pas fait confiance à de nombreuses reprises », nous avoue notre conjoint. « Je regrette d'avoir pris de l'argent dans ton porte-monnaie pour m'acheter des bonbons », reconnaît notre enfant. « Je vous ai emprunté votre téléphone sans autorisation et ai passé une communication coûteuse à l'étranger », nous révèle un collègue. Dans ces cas, et dans tous les autres tellement nombreux, que faire ? La réponse trouve son écho dans une autre question : qu'aurait fait Dieu ? Il aurait pardonné. D'année en année, il pardonne et pardonne encore. Nous autres, créés à Son image, ne devrions-nous pas lui ressembler ?

Réalisons la portée du pardon. Quand on se fâche, quand on se dispute, quand on se vexe, quand on ne parvient pas à se comprendre, quand on se hait, on passe de l'unité à la dualité. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'en hébreu, langue de l'essence même des choses, le nom « haine » et l'adjectif « deux » ont la même racine. Essentiellement, haïr c'est séparer, couper, partager. Eh bien, ces morceaux apparus sous l'action de la haine, le pardon a le pouvoir de les rassembler. Non pas d'une manière approximative, à l'instar de ces ustensiles brisés qui, même une fois soigneusement recollés, gardent les stigmates du choc, mais d'une manière totale, en fait comme si aucune séparation n'avait jamais eu lieu.

Pour reprendre la thématique de Yom Kippour, le pardon divin a donc pour effet de « réconcilier » l'homme avec son Créateur. En accordant Son pardon à l'homme désireux de s'améliorer et donc de se rapprocher de Lui, Dieu concrétise pleinement ces velléités de rapprochement, et renouvelle pour lui un flux de bénédictions [5].

Pour étendre notre réflexion à la thématique des relations sociales cette fois, le pardon a pour effet de donner une seconde chance à une relation quelque peu ternie. Si le pardon est total [6], la haine, comprendre l'opposition des volontés, disparaît tout bonnement. À la suspicion et à l'agressivité fait place l'espoir d'un rapprochement unanimement profitable. Le passé douloureux est effacé dès lors que le pardon a fait triompher la vie sur la mort, l'union sur la coupure [7].

Car la dispute, entre autres facteurs aptes à catalyser la séparation, installe des sentiments négatifs qu'il est impensable de dissiper d'un simple revers de main. Ce n'est pas tant la dispute ou l'incompréhension qui éloigne les gens. C'est plutôt la déception, la confiance trahie, mais aussi le remord devant tout ce que l'on aurait pu faire ou partager ensemble et qui n'adviendra jamais. C'est aussi l'amour-propre meurtri, et qui peut saigner des années durant sans cicatriser. Tout cela, on ne le répare pas facilement [8]. La blessure est intime, oui, intime, touchant à la fragile intimité de l'individu. Comment donc soigner une plaie qui ne se voit pas, une plaie de l'être plus qu'une plaie du corps ? Par le pardon, tout simplement. 

Enfin, « tout simplement », pas tout à fait. Reconnaissons-le : de par sa capacité à rendre ce que l'on aurait cru condamné de nouveau possible, le pardon est pour le moins un miracle, comme une sorte de résurrection. Plus que panser les plaies, le pardon les guérit. Plus qu'atténuer l'opposition, le pardon unit.

Soyons heureux d'avoir pour Dieu, ce Dieu Qui accorde le pardon aussi facilement, d'année en année, à qui fait un pas vers Lui ! Et puis, montrons-nous dignes d'être Ses serviteurs en sachant, à notre tour, accorder le pardon de bonne grâce, que l'autre fasse un pas vers nous ou qu'il aspire à le faire mais sans en être capable, pour quelque raison que ce soit. Après tout, refuser la dualité au sens de la division, œuvrer donc pour l'unité, c'est démontrer clairement combien nous souhaitons l'avènement de ce jour tant attendu où Dieu sera un et Son Nom sera un (Zekharia 14,9), jour à partir duquel la vie changera puisqu'elle sera vraiment la vie, pleine et heureuse.


Notes

[1]  Nous invitons au passage le lecteur à lire un précédent article dans la même veine. Nous y répondions à une internaute qui confiait avoir gardé rancœur après une dispute.

[2]  Littéralement, « techouva » signifie « retour ».

[3]  Et pour lesquelles il importe de remercier Dieu, Qui, seul, procure la victoire (Tehilim 118,15), l'effort qui précède revenant par contre à l'homme.

[4]  Voir Berechith 2,7.

[5]  C'est-à-dire l'octroi de tous les moyens aptes à aider l'homme à réaliser la volonté de Dieu plus aisément, plus entièrement.

[6]  C'est d'ailleurs à cela que l'on mesure s'il l'est vraiment !

[7]  Le fait de mentionner ici la mort ne procède nullement d'un effet de style grandiloquent. Comme nos Sages l'enseignent, la mort c'est la séparation.

[8]  Ce qui au passage incite à refuser la dispute, tant il y a de choses à perdre…

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