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La ‘Halla – une pâte divine

31/07/2012 | par Tsipporah Heller

Comment la femme juive peut révéler la sainteté du pain

Il y a quelque chose dans la préparation d’une pâte que peut seulement décrire le vieux cliché d’« authentique ». Je trouve que le rythme du pétrissage et l’arôme des miches chaudes sont aussi proches que faire se peut de l’expérience musicale. Dans les foyers où le Chabbath constitue l’âme de la semaine, la confection du pain possède un cachet particulier, un élément indissociable de la manière dont le Chabbath relie les deux mondes – spirituel et physique ­– dans lequel nous évoluons tous.

Pour la plupart, nous connaissons les pains tressés du Chabbath répondant au nom de « ‘halla ». Littéralement, ce mot renvoie à une mitsva de la Torah (Nombres 15, 17-21) qui nous enjoint de mettre de côté une portion de pâte de chaque fournée que nous confectionnons, en vertu du verset : « Quand vous mangerez du pain de ce pays, vous prélèverez un morceau [de pâte] pour l’Eternel. »

En réalité, le mot « ‘halla » ne signifie pas pain, pâte ou tout autre terme qui semble décrire ces miches à l’arome divin. La racine du mot est ‘hol qui signifie ordinaire ou profane.

L’ordinaire existe-t-il vraiment ?

Enfant, lorsque j’allais en colonie, l’une de mes activités préférées était ce qu’on appelle « les randonnées dans la nature » dans laquelle un grand groupe de jeunes citadins invétérés étaient emmenés en balade dans les sentiers reculés des Catskills, une chaîne montagneuse située dans le Nord de l’état de New York. Pour passer le temps dans les routes poussiéreuses, nous chantions : « Nous sommes ici parce que nous sommes ici parce que nous sommes ici…. » (ad infinitum).

Pour la plupart d’entre nous, cette comptine représente notre vision du monde. Nous sommes désensibilisés aux merveilles de l’univers et à sa beauté, au point que l’ « ordinaire » décrit notre vision du monde : banal, anodin, et pire que tout « parce que il est ici. »

Nous avons l’autorisation d’exploiter le monde à condition d’en préserver son caractère sacré.

La Torah nous invite à une approche radicalement différente. Tout est par essence sacré, kodech, et le restera toujours. D.ieu nous donne la permission d’exploiter Son monde à des objectifs profanes, ‘hol, à une seule condition : que nous en préservions le caractère sacré.

Et quel est le mot qui décrit le monde après que nous ayons pris cet engagement ? ‘Hol, qui signifie ordinaire. La vie « ordinaire » possède une source sacrée, et il nous incombe de l’utiliser à bon escient.

Ce principe est d’autant plus vrai à propos du pain. Aucune activité n’est plus « ordinaire » que celle de manger. Et pourtant, sur le plan intuitif, nous pouvons nous relier à l’énergie mystique de la terre en confectionnant du pain, à travers la consistance et la texture de la pâte. Cette activité est sensée nous remuer en profondeur et la halakha (littéralement : la voie à suivre) nous dicte comment utiliser son pouvoir à bon escient.

Un microcosme du monde

Le Midrach (Bamidbar Rabba 15) nous révèle que la ‘halla est l’une des trois choses pour lesquelles D.ieu créa le monde. La Torah désigne la ‘halla par le terme réchit, « le commencement », faisant écho au tout premier mot de la Genèse Béréchit – « au commencement ». La ‘halla est appelée « commencement » parce qu’elle est primordiale au but du monde.

Le Maharal élabore cette idée en soulignant que le monde ressemble à un être humain aux proportions géantes et que chaque individu représente un mini-univers. Tout comme le globe terrestre est composé de terre est d’eau, ainsi l’être humain est-il composé de terre – comparée à la farine – et d’une âme – comparée à l’eau. Parce qu’ils forment une symbiose entre le corps et l’âme – la farine et l’eau – les êtres humains, s’apparentent à la pâte. En prélevant la ‘halla, nous sanctifions notre identité pluraliste, la « pâte ». En conséquence, D.ieu nous autorise à mettre à profit cette pâte dans le procédé de réparation de notre propre personne et du monde.

Parce qu’ils forment une symbiose entre le corps et l’âme – la farine et l’eau – les êtres humains, s’apparentent à la pâte.

L’un des grands érudits mystique, le Chla, pousse cette idée encore plus loin. Il commence par soulever une question classique qui a été posée par les érudits de tout temps. Être vivant signifie que l’âme demeure dans le corps. Pour vivre, nous devons manger. Et pourtant, comment comprendre qu’est-ce qui, dans la nourriture, permet à l’âme (qui n’a évidemment pas besoin de nutriments) de se maintenir dans le corps ?

Le Chlah répond que tout ce que nous observons dans ce monde possède un parallèle dans le domaine spirituel. La nourriture qui maintient notre corps en vie assure parallèlement la subsistance de notre âme. « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole prononcée par D.ieu » (Deutéronome 8, 3). La Torah nous révèle que si le pain, à lui seul, a le pouvoir de maintenir le corps en vie, c’est la parole de D.ieu – enfouie dans les propriétés physiques du pain – qui assurent la subsistance de l’âme. Et c’est le fait de prélever la ‘halla qui initie ce processus de nutrition spirituelle.

Il est intéressant de noter que dans le texte biblique (Nombres chapitre 15), la mitsva de ‘halla est juxtaposée aux lois interdisant l’idolâtrie. Quel lien peut-il bien exister entre le fait d’élever le pain et le polythéisme ?

Le propre de l’idolâtrie est le fait de percevoir le Créateur comme étant détaché de Ses créatures. Les idolâtres isolent ce qu’ils perçoivent comme étant la force la plus belle ou la plus puissante dans la création, puis ils l’utilisent comme un vecteur dans leur recherche d’un Dieu qu’ils perçoivent comme étant ultimement inaccessible. Il est inconcevable pour eux que Dieu puisse se cacher au sein d’un univers qui semble hurler : « Nous sommes ici parce que nous sommes ici parce que nous sommes ici ». En prélevant la ‘halla, nous affirmons la présence de D.ieu ! Il est la source de nos âmes, de nos corps, et des forces qui assurent leur subsistance. Il est Un, et nul n’est séparé de son unité transcendante.

Le bâton de la vie

Une personne pourrait théoriquement vivre de pain et d’eau (contrairement à un régime composé exclusivement de bananes et d’eau). Voilà pourquoi, le pain est appelé « bâton de la vie ». Bien entendu, s’il assure notre subsistance physique, c’est à nous d’imprégner cette expérience de sens. Imaginez que vous êtes en train de savourer un moment de proximité avec D.ieu . A ce moment précis, le bébé se met à pleurer, le téléphone sonne et la minuterie commence à vous informer que c’est le moment de sortir les chemises du sèche-linge. Il est facile de tomber dans le piège consistant à penser que ce moment de proximité ne s’est jamais produit, que la vie n’est qu’une suite de mouvements accomplis sans raison dans laquelle aucun objectif n’est atteint (ou atteignable) pour plus de quelques minutes à la fois.

A la vérité, chaque moment de proximité avec D.ieu est authentique non seulement ici et maintenant, mais pour toujours. Lorsque le Machia’h viendra, nous jouirons de l’infinie beauté et de l’enthousiasme propres à la découverte de D.ieu à chaque seconde qui passera, même à travers une expérience aussi mondaine que la confection du pain. La lumière spirituelle jaillira de la matière, nous révélant comment le pain n’était qu’un moyen d’abriter cette lumière et de permettre à sa présence d’être ressentie de manière tangible dans le monde matériel.

Le pain de Sarah conservait sa fraicheur d’un vendredi à l’autre.

Notre matriarche Sarah accéda à ce niveau dans sa propre existence. Le Talmud nous dit que son pain conservait sa fraicheur d’un vendredi à l’autre. La force vitale à laquelle elle parvenait à s’identifier – la Che’hina, présence divine – ne s’éloignait pas. Dans son rôle de matriarche, Sarah posa les fondations pour le futur de l’odyssée spirituelle de chaque femme juive. D.ieu lui permit de profiter d’un miracle semaine après semaine – laissant une trace indélébile non seulement pour elle mais également pour le futur de chacune de ses descendantes.

Les femmes et la ‘Halla

Il y a une raison pour laquelle Sarah fut celle qui fit l’expérience de ce miracle et non pas Abraham. Chaque genre possède une direction spécifique dans sa voie spirituelle. Tandis que les hommes font descendre la lumière de l’au-delà ici bas, à travers l’étude de la Torah en tant que fin en soi, les femmes élèvent ce monde et lui permettent de se relier à la Source suprême de laquelle il est issu. A la mort de Sarah, le miracle ne se produit plus, bien que Abraham devenu veuf continuait à prélever la ‘halla de la pâte.

Aujourd’hui encore, les femmes ont la préséance sur l’accomplissement de cette mitsva. Parce que ce sont elles qui donnent la vie, elles ont le choix soit de réparer le monde en le reliant de nouveau à sa Source, soit de détruire son intégrité en ne concrétisant pas leur foi en la présence de Dieu. Ce sont elles qui pétrissent la pâte, et sentent comment leurs ingrédients de farine et d’eau – physique et spirituels – se réunissent.

Puissions-nous mériter de voir l’unité et la perfection – que la ‘halla incarne si profondément – redéfinir le monde blessé et fragmenté dans lequel nous vivons.

Le guide pratique du prélèvement de la ‘halla

La mitsva de « prélever la ‘halla » s’applique chaque fois que vous confectionnez une pâte (même pendant la semaine) contenant un kilo (2.2 livres) de l’une ou plus des cinq céréales suivantes : blé, orge, avoine, épeautre ou seigle.

Pour commencer, mélanger la farine et l’eau (et tout autre ingrédient que vous utilisez). Lorsque vous obtenez une pâte, prenez environ une poignée du mélange, séparez-là du reste, soulevez-là et déclarez : « Ceci est la ‘halla ». Ensuite, mettez de côté le bout que vous avez prélevé de la pâte (« la ‘halla »), et cuisez le reste.

A l’époque du saint Temple, cette portion était réservée à l’usage des cohanim (les prêtres) et leurs familles. Aujourd’hui, bien que le Temple n’existe plus concrètement, il demeure tout de même le point de mire de notre vision spirituelle, de notre identité en tant que peuple. Pour le commémorer, nous prélevons cette portion de pâte et nous la jetons (après l’avoir enveloppée afin qu’elle n’entre pas en contact avec le reste des détritus) ou la brûlons. Si vous la brûlez, vous devez l’envelopper dans du papier aluminium et ne rien cuire dans le four en même temps qu’elle.

Le moment suivant celui où la « ‘halla » est prélevée constitue un grand moment de proximité spirituelle avec D.ieu.

Le moment suivant celui où la « ‘halla » (nom donné au bout de pâte) est prélevée constitue un grand moment de proximité spirituelle avec D.ieu. C’est un pont entre la réalité de ce monde et un niveau d’existence qui dépasse de loin les quatre murs de notre cuisine. Nombreuses sont les femmes qui mettent ce moment à profit pour prier pour leur famille, pour notre peuple et pour la reconstruction du Temple ou pour toute personne qui a besoin d’un mérite particulier.

Si vous confectionnez une quantité importante de pâte (2.2 kilos / 5 livres selon la coutume ashkénaze, et 1.7 kilos / 4 livres selon la coutume séfarade), vous réciterez une bénédiction avant de prélever le bout de pâte. Voici cette bénédiction :

Barou’h ata Ad.onaï, Elohénou mélekh ha-olam, acher kidéchanou bémitsvotav, vétsivanou léhafrich ‘halla min ha-issa.

Béni sois Tu, D.ieu, Roi de l’Univers, Qui nous a sanctifiés par Ses commandements, et nous a ordonné de prélever la ‘halla de la pâte.

En invoquant le nom de D.ieu, la force de l’acte est encore plus grande. Pour cette raison précise, certaines femmes s’efforcent de confectionner une grande quantité de pâte afin de pouvoir réciter la bénédiction. Vous pouvez soit offrir les miches à des connaissances (je n’ai encore jamais entendu de plainte d’un bénéficiaire !), ou congeler l’excédent.

[Si vous vivez en dehors d’Israël et avez oublié de prélever la pâte mais n’avez aucun autre pain à utiliser le Chabbath, vous pouvez enlever un petit morceau (sans dire « ceci est la ‘halla » ni réciter la bénédiction) et manger le pain. En Israël, le pain est considéré comme impropre à la consommation jusqu’à que la bénédiction appropriée soit récitée après Chabbath.]

Recette de ‘halla testée et approuvée

Ingrédients :

  • 3 verres d’eau

  • 50 grammes de levure boulangère (ou 4 cuillerées à soupe de levure sèche)

  • Un verre de sucre ou de miel (ou un mélange des deux)

  • 3 œufs (cette recette marche aussi sans les œufs !)

  • Un verre d’huile

  • 3 cuillerées à soupe de sel (n’essayez pas de réduire le sel dans cette recette)

  • 2.2 – 2.5 kilos de farine (ou un sachet de 5 livres de farine – environ 12 verres)

(J’utilise de la farine complète, mais cette recette marche aussi avec de la farine blanche ou un mélange de farine blanche et de farine complète.

Si vous aimez la ‘halla salée, vous pouvez ajouter un mélange d’oignons frits, d’ail et d’olive. Dans ce cas, saupoudrez avec du zatar plutôt que de la cannelle et réduisez de moitié ou plus la quantité de sucre selon vos préférences personnelles. N’éliminez pas entièrement le sucre, sinon la pâte deviendra lourde (le sucre active la levure).

  1. Diluez 50 grammes de levure dans un verre d’eau tiède, un verre de farine et un verre de sucre. Attendez que le mélange mousse – environ 10 minutes. (Voilà l’occasion rêvée pour passer à un coup de fil à une amie ou une connaissance âgée).

  2. Ajoutez 2 autres verres d’’eau, un verre d’huile, 3 œufs et un paquet de farine. Utilisez le crochet à pétrin de votre robot-ménager ou les deux mains que D.ieu vous a données.

  3. Ajoutez 3 cuillerées à soupe de sel et le reste de la farine. Continuez à malaxer jusqu’à ce que vous découvrez que vous n’êtes plus en train de malaxer mais bien en train de pétrir. Continuez jusqu’à obtention d’une pâte lisse et non collante (C’est le moment d’ajouter le mélange d’oignons si vous désirez obtenir des ‘hallot salées)

  4. Occupez-vous pendant au moins 3 heures, ou jusqu’à ce que la pâte ait doublé de volume. Vous pouvez cuisiner le reste de votre Chabbath, ou mettre la pâte au frigo, faire une sieste, et passez à l’étape suivante le lendemain.

  5. Enfoncez la pâte avec votre poing et laissez-là lever de nouveau (ça ira plus vite que la première fois).

  6. Prenez le morceau de pâte que vous allez prélever et sanctifier en tant que ‘halla. Récitez la bénédiction si la quantité de farine utilisée est suffisante (voir plus haut) et jetez-là tel que prescrit. Mettez à profit la sainteté de cet instant pour vous laissez envahir par la joie – tandis que vous faites l’expérience de la bonté de D.ieu, la vitalité de la pâte, et votre rôle de maillon dans la chaîne de tradition qui remonte jusqu’à Sarah.

  7. Formez des tresses ou des nœuds selon votre souhait. La tradition de tresser la ‘halla (avec soit trois soit six rouleaux par miche) prend sa source dans une coutume ancienne mentionnée par le Arizal d’utiliser 12 miches, pour symboliser les 12 tribus d’Israël. En tressant la pâte, vous utilisez soit 12 rouleaux par repas, soit 12 rouleaux pour les deux repas principaux.

  8. Laissez les pains tressés lever pendant environ 30 minutes, puis posez-les sur des plaques de cuisson après les avoir légèrement saupoudrés de cannelle. Dorez-les avec du jaune d’œuf dilué dans de l’eau et saupoudrez-les de grains de sésame.

  9. Cuisez à forte température pendant 10 minutes puis diminuez à température moyenne. Les ‘hallot sont cuites lorsqu’elles ont l’air bien dorées et sonnent creux quand vous tapotez dessus. Selon leur taille, le temps de cuisson peut varier entre 30 et 60 minutes.

Chabbath Chalom !

 

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