Réflexions

Hanouka dans la France occupée

28/11/2013 | par Carola Schiff

Périgueux, 1942.
À la barbe et au nez de l’occupant nazi, un homme diffuse la lumière de Hanouka à ses frères juifs.

Mon père, le rav Méir Chlomo Sommer, Monsieur Sommer, comme on l’appelait en France, était un homme doté d’une foi et d’une conviction inébranlables. Il fut le directeur d’une école juive à Hamburg-Altona, en Allemagne jusqu’à la Nuit de cristal, lorsque les Nazis ordonnèrent la fermeture de l’établissement. En juillet 1939, lui et ma mère s’échappèrent en France pour fuir le règne la terreur nazie, grâce à un visa touriste d’une durée de deux semaines. Mais ils y furent internés séparément, dans divers camps de détention et de travail. Par le biais d’un miracle, ils furent tous deux relâchés et réunis en octobre 1940.

Compte tenu de leur statut de réfugiés juifs d’Allemagne, ils étaient considérés comme une menace pour la France et furent contraints de se cacher dans les faubourgs de Périgueux, cette petite ville du sud-ouest de la France.

En 1942, au paroxysme de la terreur nazie, les rafles devenaient constantes ; les Juifs étaient rassemblés sommairement et envoyés dans d’effroyables camps de détention, et de là, vers les infâmes camps de la mort d’Europe de l’Est. Des heures de couvre-feu étaient imposées et personne n’était autorisé à sortir la nuit dans la rue. Ce fut une lutte constante pour trouver des cachettes afin d’échapper aux nazis ainsi qu’à leurs collaborateurs français. « Sur une population d’environ 330 000 à la fin de 1940, presque 80 000 Juifs avaient été déportés ou assassinés en France. Ils représentaient plus de 24 pour cent de la communauté juive. » (The Holocaust, The French, and the Jews, Susan Zuccoti p.207).

Aussi bien lors de leurs périodes d’internement que lorsqu’ils se cachèrent, mes parents s’attachèrent à leur foi avec ténacité. Envers et contre tout, mon père maintint fermement ses principes de Torah, ne faisant jamais de compromis sur la cacherout, le Chabbat, ou les fêtes juives. C’était un homme fort et plein de bonté. Il était empli d’amour pour ses frères juifs, et tentait toujours d’apporter son aide à ceux dans le besoin. Il faisait fréquemment fi du couvre-feu imposé par la guerre, et au péril de sa vie, brava la terreur nazie afin d’enseigner la Torah aux enfants juifs cachés.

Après la guerre, mon père devint l’autorité spirituelle de Vichy.

Peu de temps après sa mort prématurée en 1956, nous reçûmes une carte de condoléances soulignant la bravoure de mon père et les efforts qu’il entreprit pour diffuser la lumière de ‘Hanouka dans cette sombre période de l’occupation nazie.

Hanouka 1942

1942, Périgueux : quelques hommes se dirigent à vive allure vers une baraque en bois. Tour à tour, chacun ouvre la porte en prenant soin de vérifier qu’il n’est pas suivi. Puis ils se rendent dans une pièce cachée située à l’arrière. Cette pièce sert de synagogue de fortune pour les plus courageux qui osent s’aventurer au dehors. Elle parvient de justesse à réunir un quorum d’hommes pour la prière.

Le cœur battant, les fidèles s’empressent de réciter la prière de Maariv, sachant qu’à tout moment les Nazis peuvent faire irruption et arrêter tout le monde. Puis un homme allume la Ménora tandis que les autres saisissent leurs manteaux pour regagner au plus vite leur domicile.

Soudain, un homme au fond de la pièce se lève, et d’une voix profonde et harmonieuse, se met à entonner le chant « Maoz Tsour. » Les fidèles sont apeurés et atterrés. Et s’ils étaient entendus ? C’est bien trop dangereux ! Mais rapidement, un autre homme se joint au chant, puis un autre, jusqu’à ce que tous les participants chantent courageusement et joyeusement, les larmes aux yeux.

Pour l’heure, la crainte des Nazis s’est dissipée. Pendant quelques instants furtifs, la splendeur de Hanouka emplit l’atmosphère, comme à l’époque de Juda le Maccabéen, où des hommes courageux résistèrent fièrement, faisant triompher leur foi sur le mal qui les entourait.

L’homme qui s’était levé pour entonner le chant n’était autre que mon père, rav Méir Chlomo Sommer, de mémoire bénie. Mon père ne nous avait jamais relaté cette victoire de Hanouka à cette sombre époque.

Longtemps après sa disparition, cette histoire continue de nous inspirer et de nous éclairer.

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