Sciences

Hello ! Il y a quelqu'un ?

09/10/2011 | par Avi Shafran

Et si les patients que l’on croyait plongés dans un état végétatif entendaient et pensaient ?

Les gravats sont immobiles ; tout est silencieux. Mais un faible tapotement se fait entendre par en dessous. Vous criez : « Vous m’entendez ? », ce qui provoque d’autres tapotements.

Vous avez alors une idée. Vous hurlez : « Si vous me comprenez, tapez une fois. » On entend un seul tapotement. « Si vous êtes blessé, tapez deux fois. » Deux tapotements. Il y a quelqu’un là-dedans. 

Cette scène rappelle les suites d’une catastrophe naturelle comme les tremblements de terre d’Haïti ou du Chili survenus en 2010. Mais elle pourrait aussi constituer une métaphore fascinante pour la découverte d’un être humain luttant pour être entendu à travers les décombres d’un corps qui est tout simplement trop rigide pour bouger. 

On peut maintenant entendre le tapotement d’un cerveau emprisonné dans un corps ne réagissant plus

Un groupe de scientifiques européens a employé des moyens, relevant de la haute technologie, leur permettant d’entendre le tapotement d’un cerveau emprisonné dans un corps ne réagissant plus. Il a été démontré que quatre patients ayant été diagnostiqués en état végétatif et léthargique étaient en fait conscients, en dépit de leur incapacité à se mouvoir ou à signaler leur conscience en esquissant le moindre mouvement, ne serait-ce un clignement de l’œil.    

Cette découverte fut obtenue grâce à l’utilisation créative de ce que l’on appelle l’Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui montre l’activité cellulaire dans les régions du cerveau. Elle démontre que les patients entendaient, pensaient et qu’ils pouvaient communiquer.

La découverte des chercheurs s’appuie sur le fait que lorsqu’une personne pense à un mouvement actif, des cellules dans l’une des parties du cerveau deviennent actives ; lorsqu’elle se visualise se déplaçant dans un endroit familier, une autre zone montre une activité cellulaire. Les chercheurs ont demandé aux patients n’ayant plus de réactions physiques d’imaginer d’abord qu’ils frappent une balle de tennis avec une raquette, puis de se visualiser en train de se déplacer d’une chambre à une autre de leur maison. L’examen effectué par IRMf a mis en évidence une activité dans les deux zones du cerveau respectives et distinctes liées à chacune de ces pensées. 

Les résultats furent stupéfiants. Les réponses fournies étaient toutes exactes

Ces résultats sont déjà  impressionnants en soi. Mais les chercheurs ont ensuite posé à chaque patient une série de questions factuelles dont la réponse serait oui ou non, comme s’il avait un parent, un frère ou une sœur de tel nom, et lui ont demandé de répondre « oui » en s’imaginant en train de jouer au tennis et d’associer le « non » à son déplacement à l’intérieur de son logement. Chaque patient reçut l’instruction de concentrer l’activité de sa pensée sur le « oui » ou sur le « non » durant trente secondes, une durée qui dépasse de très loin l’artefact de n’importe quelle activité cervicale aléatoire. 

Les résultats furent stupéfiants. Les réponses fournies par les quatre patients, qui faisaient partie d’un échantillon de 54 personnes testées, étaient toutes exactes, démontrant ainsi qu’un niveau de conscience peut résider dans un corps qui semble coupé du monde extérieur. Avant l’apparition de l’IRMf, une telle assertion n’aurait constitué rien de plus qu’une affirmation basée sur la foi. Mais c’est à présent un fait. Libre à nous de spéculer sur les possibilités d’une future technologie encore plus sensible d’être un jour en mesure de mettre en évidence un niveau de conscience, même chez des patients dont le cerveau ne peut plus générer de signaux détectables par les méthodes habituelles.

Personne ne connaît le degré  de conscience persistant dans un corps incapable de bouger. Mais nous savons à présent qu’un certain degré peut subsister dans certains de ces corps, appartenant à des personnes que beaucoup aurait auparavant considérées comme étant moins qu’un être humain. 

Les médecins et la société ne sont pas prêts à accepter le principe "J’ai une activité cérébrale, donc je suis."

Toutefois, certaines personnes ne sont, en fait, toujours pas convaincues de leur statut d’êtres humains. Dans un éditorial du New England Journal of Medicine, Dr. Allan H. Ropper, un neurologue, nous met en garde contre les propos du New York Times qui « assimile l’activité neuronale [comme celle observée dans les images des cerveaux des quatre patients] à l’identité [humaine]. »  Il affirme que « les médecins et la société ne sont pas prêts à accepter le principe "J’ai une activité cérébrale, donc je suis." Ce serait sérieusement prendre à parti Descartes. »  Un amateur de calembours, ce Dr. Ropper ; mais le sujet est en fait bien plus sérieux. 

Dans le quotidien britannique The Guardian, le professeur en Lois et éthiques de l’Université de Glasgow, Sheila McLean, ne traite pas « l’activation du cerveau » aussi à la légère que le Dr. Ropper. Au contraire, elle affirme que des patients comme ceux qui ont communiqué leurs réponses aux scientifiques européens sont réellement capables de penser. Néanmoins, elle se demande : « Lorsque la guérison est vraiment impossible, est-ce faire preuve de compassion que de maintenir en vie des personnes dans de telles conditions ? »

« Honnêtement, dit-elle, la seule chose qui est pire que d’être dans un état végétatif doit être de l’être tout en en étant conscient. »

Peut-être.  Mais à nouveau, peut-être pas. Le professeur McLean est bien trop prompte à ne pas tenir compte de la valeur d’une vie même emprisonnée physiquement comme celle-là. Car, seuls nos mouvements auraient dès lors vraiment de l’importance ? 

Mettre fin à une vie de pure contemplation, est-ce moins condamnable que si elle comprend une activité physique ?

Des hommes et des femmes se retrouvent souvent, in extremis, à devoir faire face à la question du sens de la vie. Ce n’est pas tout le monde qui, à la fin de sa vie, bénéficie d’une révélation, mais tout le monde a la possibilité d’y accéder. Et nombre d’entre nous, même immobiles, physiquement sans réaction et sans espoir raisonnable de guérison, pourront néanmoins s’impliquer dans des domaines extrêmement importants, tels que le pardon, le repentir, l’approbation, l’engagement, l’amour, D.ieu, qui sont peut-être les questions les plus capitales que nous ayons jamais eues à aborder au cours de notre existence. De tels sujets vitaux ont-ils moins de valeur dès lors que l’on ne peut courir ou sauter ? Mettre fin à une vie, si elle est de pure contemplation, est-ce moins condamnable que si elle comprend une activité physique ? 

Et, comme le note le Professeur McLean : « La conséquence d’un diagnostic d’état végétatif permanent réside dans le fait qu’il puisse être légitime de suspendre tout système de nutrition et d’hydratation assistées », ce qui entraînerait, bien entendu, la mort du patient.

Revenons à notre catastrophe naturelle.  Qu’aurions-nous pensé d’une personne qui observe les décombres immobiles, entend un faible tapotement… et s’en va comme si de rien n’était ? 

 

 

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