Le Couple

Ici, on ne veut pas d'enfants.

16/11/2011 | par Feige Twerski

La mère est une prostituée incarcérée, le père est alcoolique. Recommanderiez-vous l’avortement ?

Chère Rebbetsen Feige,

Ma femme et moi sommes arrivés à la conclusion que nous ne voulons pas avoir d’enfants. Nous n’avons tout simplement pas le désir d’en avoir et aucun de nous n’a vraiment la fibre parentale. Nous savons que nous sommes supposés mettre des enfants au monde, rejeter notre tradition et nos enseignements nous met donc mal à l’aise. Ce qui nous préoccupe avant tout : quel genre de parents serions-nous ? Ma femme a grandi avec un sérieux manque affectif (en partie parce que sa mère était trop occupée à élever huit enfants toute seule) et ce contexte familial lui cause encore des problèmes émotionnels aujourd’hui. Nous ne voudrions pas reproduire la même chose avec nos enfants.

Qu’en pensez-vous ?

Sincèrement vôtre,

MZ

Cher lecteur,

Vos soucis et vos hésitations concernant une famille sont totalement légitimes, étant donné ce que vous percevez tous deux comme une absence de sentiments parentaux et étant donné le bagage insuffisant que votre femme a reçu sur le plan émotionnel.On peut affirmer sans le moindre doute que les enfants de parents abusifs reproduiront généralement ce comportement en élevant leurs propres enfants. Toutefois, aussi peu probable que cela puisse paraître, ce fait est loin d’être irrémédiable. 

Nous ne sommes pas des rats dans une boîte de Skinner

L’apanage de tout être humain est le libre arbitre, la capacité de pouvoir choisir ses réactions indépendamment de ses expériences passées. Nous avons tous le pouvoir de briser les schémas existants. De nombreuses personnes ayant soufferts d’abus parentaux sont d’ailleurs parvenues à compenser ce déficit, en déployant de grands efforts et en intensifiant leur vigilance face aux besoins de leurs enfants. 

Le fait d’être attentif permet à des réactions délibérées et précises de se mettre en place, ce qui nous donne le potentiel de sortir de la pathologie pour intégrer une catégorie saine. Notre éducation ne détermine donc pas forcément, ni ne dicte les termes de notre existence. Nous ne sommes pas des rats dans une boîte de Skinner, conditionnés et programmés de telle sorte que le choix n’a plus aucune valeur.

Rita, une étoile montante de l’opéra, a passé un repas le vendredi soir en notre compagnie. En partageant avec nous les divers détails de son mariage prochain, elle a exprimé le désir de ne pas avoir d’enfants. Elle nous a expliqué que sa mère avait souffert d’une maladie dégénérative et avait été absente pendant les années fondamentales de son enfance. Inquiète, quant à la probabilité d’un facteur génétique, Rita ne souhaitait pas imposer une mère émotionnellement compromise à la génération suivante.

En regardant cette jeune femme belle, intelligente et talentueuse, je n’ai pu m’empêcher de lui poser la question qui s’imposait : En rétrospective, vu la déficience parentale de sa mère, n’aurait-il pas mieux valu qu’elle ne voit pas le jour ? Aurait-elle préféré que sa mère décide de ne pas avoir d’enfants ?

Mon beau-frère, professeur de droit éminent, a présenté l’hypothèse suivante à l’un de ses cours d’éthique : « Une prostituée incarcérée souffrant de maladie vénérienne est tombée enceinte. Le père est un alcoolique dont les chances de réhabilitation sont inexistantes. Recommanderiez-vous l’avortement ? »

La classe a conclu à  l’unanimité que l’avortement était souhaitable. Le Professeur Twerski les a alors informé que leur verdict aurait tué Beethoven.

Il est clair que seul Dieu dans Son insondable sagesse, peut entrevoir la raison cachée des évènements que nous vivons. Si nous écrivions le script, des enfants naîtraient sûrement aux nombreux parents qui languissent désespérément et dépensent tant d’efforts pour en avoir. Si cela ne se produit pas et bien que cela soit douloureux à entendre, c’est que D.ieu a décidé que les dons et les talents de ces personnes doivent s’exprimer autrement, par des voix différentes. D.ieu a de toute évidence d’autres projets concernant leur contribution à la vie.

Vous mentionnez également l’absence de fibre parentale. Bien des familles ne ressentaient pas le désir, ni la nécessité d’avoir des enfants, mais le fait de les avoir a changé toute l’équation. Ils ont vu s’éveiller en eux les sentiments et l’intuition que tout parent ressent et qui leur étaient jusqu’à lors inconnus.

Dans la société narcissique qui est la nôtre, il est important d’évaluer, honnêtement et objectivement, où réside la vérité. En se laissant porter par l’air du temps, il est facile de rationaliser et d’interpréter la tendance à ne pas s’encombrer, à rester libre, à se plonger et à se concentrer uniquement sur nous-même, comme étant animée d’intérêts idéalistes et altruistes favorisant la compétence et l’adéquation. Notre culture est préoccupée uniquement par le soi. Tout ce qui endigue cette poursuite est considéré comme une contrainte et doit être évité.

Il est clair qu’être parent est une tâche accaparante et pleines de défis, qui consume temps, énergie et investissement. Avec l’apparition d’une famille, la vie change radicalement et requière de nombreux ajustements. Indubitablement, il existe des couples jusqu’alors sans enfant qui « jouissent » de ce statu quo et qui ne souhaitent pas ébranler leur confortable navire. Certains défendront leur position en invoquant la surpopulation et les intérêts écologiques. Dans ce cas, ils peuvent mettre l’honnêteté de leur position à l’épreuve en considérant l’adoption. De nombreux enfants dans le monde bénéficieraient certainement d’un foyer attentionné et aimant.

Mon cher lecteur, vous laissez entendre intelligemment et à juste titre que si un juif choisissait délibérément de ne pas avoir d’enfants, il serait en désaccord avec notre tradition (ceci exclut tous les cas de santé physique, psychique ou mentale que seule une autorité rabbinique compétente peut identifier comme étant des contre-indications). Il faut peu d’efforts pour constater que dans l’ordre naturel tel que D.ieu le conçoit, la propagation des espèces est mandatée. De plus, logique et justice dicteraient avec raison que nous transmettions ce privilège de vie dont nous avons été gratifiés à la génération suivante.

Une appréhension raisonnable face au rôle formidable de parents est légitime. Rappelons l’histoire de cette communauté qui, lors du décès de leur rabbin âgé, s’enquit des services d’un jeune sage prometteur parmi eux. Le jeune homme refusa respectueusement prétextant de sa jeunesse et de son inexpérience. De plus, la pensée que la tâche de dirigeant puisse l’entraîner à égarer ses concitoyens par des conseils mal avisés le terrorisait.

Les habitants de cette ville, convaincus de sa stature morale et de ses qualifications exemplaires, insistèrent qu’il était le meilleur candidat. Suite à son refus, ils allèrent demander au rabbin vénéré de la communauté voisine de les départager. Le rabbin entendit les arguments de la communauté, puis ceux du jeune candidat qui exprima sa crainte de ne pas faire justice à une tâche tellement ardue.

Le sage se tourna ensuite vers lui et lui demanda de façon poignante : 
« Suggérez-vous que cette tâche soit donnée à une personne qui ne possède pas la crainte et le sens de responsabilité qui conviennent à un tel travail ? »

La réticence et l’hésitation émanent de la conscience de la responsabilité parentale et c’est justement ce qui qualifie un couple par-dessus tout.

En conclusion, retenez simplement : Qu’attend-on de nous ? De prendre la vie comme elle vient, de faire de notre mieux et de prier abondamment pour que le Ciel nous vienne en aide.

Je vous souhaite que tout aille pour le mieux!

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