Israel

Le piège

30/10/2011 | par Yehuda Ifra'h

La situation semblait désespérée. Nous étions mitraillés comme des canards dans un cercueil de tôle roulant.

Si un miracle n’avait eu lieu ce vendredi là, alors que nous étions en route pour l’endroit où  nous allions passer Shabbat, l’article qui suit n’aurait jamais vu le jour. À sa place on aurait lu le descriptif classique d’une attaque terroriste: “Six membres d’une famille d’Amona tués”. La réaction des politiciens aurait été immédiate, les discours funèbres succincts mais émouvants. 

Mais une main venue du ciel a changé  le cours des choses, et c’est pour cela que je suis ici et que je peux raconter ce qui s’est passé ce jour là. 

Nous étions en route pour aller passer Shabbat dans l’école de préparation militaire de Névé Tsouf. Nous venions de passer l’intersection près de l’ancien poste militaire britannique quand je me suis pris à penser tout d’un coup aux attentats qui avaient eu lieu et dans lesquelles étaient mortes des familles entières. Je pensais aux Tsur, aux Sékhévtchov, aux Hutiel, puis je me suis demandé pour diable je me remémorais ces tristes évènements à ce moment précis. 

 

J’ai hurlé à ma femme et à mes enfants : « Couchez-vous ! On nous tire dessus ! »

Deux kilomètres après cette intersection, la route faisait une épingle et j’ai donc dû ralentir. Soudain, j’ai entendu des coups de feu tirés d’un endroit proche. J’ai hurlé à ma femme et à mes enfants : « Couchez-vous ! On nous tire dessus ! », en même temps que j’enfonçais l’accélérateur pour nous éloigner du danger. Mais à ma grande le moteur ne réagissait pas. Je rétrogradai et je me mis à pomper sur la pédale d’accélérateur, mais je me rendis compte que le moteur ne marchait plus. La première balle avait dû toucher un organe sous le capot (J’ai découvert par la suite que la balle avait traversé le radiateur et la pompe à huile, vidant au passage toute l’huile du moteur en quelques secondes). 

 

La situation semblait désespérée. Nous étions mitraillés comme des canards dans un cercueil de tôle roulant. 

Les terroristes continuaient à  nous tirer dessus méthodiquement, une balle toute les deux ou trois secondes. La voiture s’était transformée en piège mortel pour ma femme et nos quatre enfants complètement paniqués. Nous allions nous faire tuer en quelques minutes. 

Je ne pouvais rien faire : si je sortais de la voiture pour tirer avec mon petit revolver sur les attaquants invisibles, j’exposais ma famille davantage encore. Et il m’était impossible de quitter la scène avec un moteur en panne. 

J’ai compris que les coups de feu provenaient d’une hauteur sur ma droite, j’ai donc viré sur la gauche sur la voie opposée pour me rapprocher d’une proéminence rocheuse sur le bord de la route et échapper à la vue des Palestiniens. 

Quand la voiture cessa de rouler j’en sortis rapidement, puis je saisis les enfants et les lançai littéralement un par un dans les buissons autour du rocher. La petite se mit à  hurler « maman ! » en courant au milieu de la route,  complètement hystérique. Je lui courus après, la saisi dans mes bras et la remis à sa grande sœur. C’est seulement alors que je pus relâcher la détente de mon arme et me mettre à la recherche des terroristes. 

Il y eut ensuite une interruption dans les tirs. Je me suis dit qu’ils s’apprêtaient à venir vérifier le nombre de leurs victimes. J’ai donc avancé dans leur direction pour les empêcher d’arriver jusqu’à ma famille. C’est à ce moment là qu’ils ont recommencé à tirer. Pendant que je rebroussais chemin en rampant je me disais : « comment vais-je réussir à me battre contre un nombre inconnu d’assaillants, avec pour toute arme un petit revolver Gluck qui contient 10 balles ? » 

 

Les deux premières voitures appartenaient à des Palestiniens qui au lieu de s’arrêter manquèrent de m’écraser

Je ne parvenais pas à discerner les terroristes. Je suis donc revenu à la voiture, décidé  pour sauver ma famille à arrêter le premier véhicule qui passerait sur la route. Les deux premières voitures appartenaient à des Palestiniens qui au lieu de s’arrêter manquèrent de m’écraser en accélérant pour s’éloigner. Juste après, une patrouille de sécurité d’une implantation voisine s’arrêta. Il fit une rapide évaluation de la situation, puis nous aida à quitter la scène de l’attaque. Enfin un véhicule des garde-frontières arriva et bloqua la route avant de procéder à un ratissage des environs. Ce n’est qu’à ce moment que l’incident pris fin pour nous. 

 

Mais je ne pouvais pas me remettre du traumatisme. C’était clairement un miracle qui nous avait sauvés. Quand je repense à la configuration du terrain et de la courte distance qui nous séparait d’eux, je n’arrive pas à comprendre comment ils nous ont ratés. Ils se tenaient là, en surplomb de la route, à quelques mètres d’une auto qui ralentissait, tirant méthodiquement coup après coup sur notre voiture, et ils ont manqué  tous leurs tirs (hormis celui qui a mis le moteur en panne). 

Ce fut pour moi une expérience dérangeante. J’avais déjà eu mon baptême du feu à l’armée, mais la sensation était très différente. Ce vendredi-là, nous avons vu l’ange de la mort qui nous regardait droit dans les yeux. 

 

Comme tous ceux qui ont vu la mort de près, j’ai pris conscience de la valeur de la vie et de l’importance d’exploiter chacun de ses moments

Au lieu de lire ces lignes, on aurait pu lire nos éloges funèbres qui aurait décrit comment Ayelet avait terminé sa formation de coach et commencé à écrire un nouveau livre ; que Maayan était une élève excellente et écrivait le journal de la famille ; qu’Ateret avait finalement appris à faire du vélo sans roulettes ; que Raanana adorait chanter, et comment Malakhi, le petit bébé, venait de faire ses premiers pas.  

 

En repensant à ce vendredi fatidique, je me dis que notre dernier jour aurait été terriblement fade et conventionnel. Comme tous ceux qui ont vu la mort de près, j’ai pris conscience de la valeur de la vie et de l’importance d’exploiter chacun de ses moments, à ne perdre ni temps ni énergie pour de faux rêves ou des inepties. 

Mais je pense qu’au-delà de mon histoire personnelle se déroule une histoire plus vaste. Nous sommes en général préoccupés par notre vie personnelle, ce que j’appelle la Petite Histoire. Nous sommes pris par notre carrière, notre famille, et tout ce que la société attend de nous. La politique et les news nous passent au-dessus de la tête sans nous préoccuper ou nous intéresser outre-mesure. Mais la Grande Histoire est toujours là  en toile de fond. La Grande Histoire c’est celle de la Nation Juive, qui a enfin rétabli son existence après 2000 ans d’exil, mais dont les ennemis continuent d’exister, et de la poursuivre pour la détruire.

Il est des moments dans la vie de chacun où la Grande Histoire occulte la Petite Histoire. Ce sont des instants de clarté où les questions importantes prennent forme et où notre destin collectif prend le dessus.

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