Monde Juif

Abayudayas!

03/08/2011 | par Menou'ha 'Hana Levin

Ils sont Ougandais. Leur passion pour le Judaïsme est édifiante.

L'Ouganda est connu pour avoir été, il y a un siècle, le pays que Théodore Herzl pressentait pour y héberger un Etat juif. Il fut également le cadre de la spectaculaire « Opération Entebbe » qui libéra les otages Juifs du vol Tel Aviv-Paris détourné par des pirates de l’air en 1976. Aujourd'hui, on y trouve les Abayudayas. 

J'ai entendu parler de cette communauté il y a quelques années, suite à un mail que j’ai reçu.

Il s'agit d'une communauté de plusieurs centaines de personnes, qui ne sont pas converties au judaïsme, mais qui sont très attachées à ses valeurs depuis près d’une centaine d’années. Contrairement à d'autres groupes qui prétendent être les descendants des dix tribus perdues, ces Ougandais ont simplement choisi d’adopter le Judaïsme sans réserves. Bien qu’isolés et persécutés, les Abayudayas - terme ougandais qui signifie "Peuple de Juda» - pratiquent le judaïsme et aspirent pleinement à faire partie de la Nation Juive. 

J'ai entendu parler de cette communauté  pour la première fois il y a quelques années, suite à un mail que j’ai reçu. Intrigué, j'ai commencé à correspondre par email avec leur chef spirituel, Ribbi Enosh Keki Mainah, lequel m’a relaté l’histoire de ce groupe ainsi que ses coutumes, et qui m'a envoyé quelques photos.

Le groupe des Abayudayas a été fondé en 1917 par Sémeï Kakungulu, un chef guerrier très distingué, résidant dans l'une des provinces situées à l’Est de l'Ouganda. Après avoir étudié et médité les textes de la Bible, il développa un mode de vie basé sur un mélange de judaïsme et de christianisme. Suite à sa découverte d’un passage du prophète Isaïe (56,1-8) qui mentionne une bénédiction particulière destinée aux convertis observant scrupuleusement les Mitsvot, il décida de rejeter les éléments chrétiens. 

En 1919, Kakungulu et ses adeptes se firent circoncire – rite alors totalement étranger à leur culture

En 1919, Kakungulu fonda une secte connue sous le nom de Kibina Kya Bayudaya Katonda Absesiga ("la Communauté des Juifs Croyant en Dieu"). C’est avec une grande ferveur pour sa nouvelle foi, que Kakungulu et ses adeptes se firent circoncire – rite alors totalement étranger à leur culture. Il rédigea un livre de 90 pages contenant des lois fondées sur les principes de la Torah. Il comprenait en outre le respect du Chabbat et les lois de la Pureté familiale - censés régir la nouvelle communauté. Peu de temps après, en 1920, un Juif européen nommé Yossef se rendit en Ouganda, et leur enseigna les règles des fêtes juives et de la cacherout pendant les 6 mois que dura son séjour.  

Inspiré par les enseignements de Yossef, Sémeï Kakungulu décida de créer une école talmudique afin de promouvoir et garantir la transmission de la tradition juive. Malheureusement, à l’instar de tant d’autres rêves sur le point d’être réalisés, il ne connut pas d’aboutissement : en 1928, Kakungulu tomba malade et mourut. Bien que la plupart de ses projets l’aient suivi dans la tombe, il eut tout de même le temps d’établir les fondements de la communauté d’Abayudaya et d’instruire ses futurs responsables. 

Reb Samson montra lui-même l’exemple en appliquant cette loi à ses propres filles.

Ce fut l’un de ses disciples les plus dévoués, Reb Samson, qui prit la succession de Kakungulu à la tête de la communauté. Reb Samson promulgua une loi qui devait garantir la pérennité de cette petite mais brave communauté pendant plusieurs générations. Cette loi exigeait des membres de la tribu de ne se marier qu’entre eux. Reb Samson montra lui-même l’exemple en appliquant cette loi à ses propres filles. S’il avait permis les mariages mixtes, la communauté d’Abayudaya aurait certainement disparu aujourd'hui. 

Par ailleurs, Reb Samson forma des enseignants chargés de diriger d’autres synagogues Abayudaya  en Ouganda, activité qui contribua très certainement à la pérennité de ce groupe.  

Avant que ses plans ne se réalisent, le dictateur Idi Amin Dada s’empara du pouvoir.

Dans les années soixante, Reb Samson contacta l'ambassade israélienne de Kampala, capitale de l'Ouganda, dans l’espoir que certains membres de l’ Abayudaya soient autorisés à séjourner en Israël pour y étudier la Torah, se convertir et y recevoir une formation de rabbins. Toutefois, avant que ses plans ne se réalisent, le dictateur Idi Amin Dada s’empara du pouvoir par un coup d'Etat. Entre 1971 et 1979, le régime brutal mis en place s’illustra par l’application d’une politique extrêmement sévère. Amin Dada déclara les pratiques religieuses des Abayudaya illégales: toutes les synagogues furent fermées et les livres juifs prohibés. Il souhaitait rendre la vie des juifs insupportable afin de les inciter à rejoindre l'islam ou le christianisme.

La dictature d’Idi Amin Dada eut pour effet la soumission de 95% des Abayudayas à l'islam ou au christianisme, et mit un terme aux projets de Reb Samson en faisant quasiment disparaître sa communauté. Une minorité, décidée malgré tout à rester fidèle à sa foi, trouva refuge dans les buissons, les grottes ou les bananeraies. Là-bas, tard dans la nuit, on s’adonnait aux prières « illégales ».

Sur plus de 3000 membres à son apogée, seuls 150 Abayudaya restèrent fidèles à leurs croyances. Le groupe adopta alors l’appellation « Kahal Kadosh She'erit Yisrael » -  « Sainte Communauté des juifs rescapés » 

Le Village des Jeunes

Les huit ans de terreur qui suivirent virent l’assassinat sauvage de plus de 300 000 Ougandais. Puis Idi Amin Dada fut renversé et c’est le lieutenant général Museveni qui lui succéda. Le nouveau président déclara immédiatement la liberté de culte en Ouganda, ce qui encouragea les jeunes d’Abayudaya à redynamiser leur communauté.

Les parents envoyèrent leurs enfants dans une colonie agricole à Nabugoye Hill, gérée par des jeunes et créée sur le modèle du kibboutz israélien. Pendant la journée, les enfants étudiaient les matières profanes dans des écoles à six kilomètres de là. La nuit, ils étudiaient le judaïsme et l'hébreu au clair de lune. Ce village de jeunes prospéra. Ils y construisirent la « Synagogue de Moïse » et établirent une ferme autonome.

Malgré l'optimisme ambiant, ce village fut l'objet d'agressions antisémites. En 1989, alors qu’un groupe de jeunes étaient endormis dans une Soukka, ils furent l’objet d’une agression par onze hommes armés. Les assaillants les accusaient de cacher un homme recherché. Après plusieurs heures d’angoisse pendant lesquels ils furent frappés et séquestrés, les garçons furent finalement libérés. 

Des officiels volaient régulièrement leurs provisions, programmant leurs raids délibérément le jour du Chabbat.

L'approvisionnement alimentaire provenant de la production locale fut également menacé. Des officiels volaient régulièrement leurs provisions, programmant leurs raids délibérément le jour du Chabbat pendant que les jeunes étaient à la prière. Ils durent se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement, mais au bout d’un certain temps, l’entretien du village devint trop onéreux. En 1991, la majorité des enfants d’Abayudaya avaient quitté Nabugoye Hill, et ce fut la fin des espoirs concernant ce village pour jeunes.

La Tradition de la Torah 

Aujourd'hui, la principale communauté Abayudayas, qui compte 150 membres, est installée dans le village de Putti, dans la région de Pallisa. Quelques centaines de membres vivent dispersés dans quatre autres localités. Ils sont pour la plupart agriculteurs, ou ouvriers emplyés dans la fabrication de matériaux de construction et d’articles de Judaïca. En guise de maison, ils habitent des huttes aux toits de chaume. Une particularité les distingue cependant des autres habitations d’Afrique: des Mezouzot sont fixées aux linteaux des portes d’entrée. Un généreux voyageur de passage dans la région, Simon der Hollander, leur en a fait cadeau. 

   
Le Abayudayas prient trois fois par jour, et les hommes portent Talith et Téphillines chaque matin. Les enfants apprennent à réciter «Modé Ani " et "Chéma Yisrael". Les femmes mariées se trempent au Mikvé – bain rituel. La veille de Shabbat ils allument les bougies, récitent le Kiddouch et évitent toute activité interdite le jour du Shabbat, comme voyager ou allumer un feu.  

La pauvreté des Abayudayas est inconcevable pour le monde occidental.

Les Abayudayas observent les lois de la cacherout alimentaire. Ils ne commencèrent à consommer de la viande qu’après que de deux Cho’hatim- abatteurs rituels- d'Israël, leur eurent enseigné les lois relatives à l’abattage. Les fidèles se déchaussent avant d'entrer dans la synagogue, une coutume juive qui date des temps bibliques. Les évènements majeurs de la vie, tels la circoncision des garçons, ou les cérémonies d’enterrement, prises en charge par la Hevra Kadisha - sont également conformes à la tradition juive.  

Les Abayudaya sont acclamés pour leur musique originale, qui combine les rythmes africains classiques aux prières et psaumes traditionnels. Leur album, intitulé "Abayudaya : la musique des juifs d'Ouganda", a été nominé aux Oscars en 2005.

Comme de nombreuses communautés africaines, la pauvreté des Abayudayas est inconcevable pour le monde occidental. Conscients que l'éducation est la clé de l'avenir, les fidèles ont lancé un appel dans l’espoir de recevoir des manuels d'instruction et des CD en hébreu, ainsi que des manuels en anglais dans toutes les matières.

Les Abayudayas ne sont pas vraiment juifs, mais leur plus grand rêve est d’accéder à une conversion halakhique, qui leur permettrait de devenir « membres à part entière de la tribu ». Quelques Abayudayas se sont même rendus en Afrique du Sud. Là-bas, un rabbin à écrit à leur sujet :  

"De mon côté, jamais je n'ai rencontré de gens ayant une telle ferveur pour le Judaïsme."

«J'ai été impressionné par leur histoire mais plus encore par leur sincérité. Ils n’ont visiblement pas d'origines juives, ni ne prétendent en avoir. J’ai réussi à organiser pour eux une rencontre avec un Tribunal Rabbinique. Nous avons eu une discussion préliminaire, mais aucun processus officiel de conversion n’a été initié pour l’heure. J'espère qu’un juge rabbinique leur prêtera une oreille attentive, car de mon côté, jamais je n'ai rencontré de gens ayant une telle ferveur pour le Judaïsme."  

Leur chef spirituel, Énosh Keki Mainah, m'avait fait part de son plus grand rêve: " Nous aspirons à nous rendre en Eretz Yisrael - foyer du peuple juif. Je prie que Dieu nous délivre bientôt et réunisse nos frères dispersés aux quatre coins du monde ».

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