Monde Juif

Hadj Amin El Husseini, le mufti à la croix gammée

29/10/2015 | par Laly Derai

Au-delà de son physique aryen, le grand mufti de Jérusalem avait décidément tout pour plaire à Hitler : les deux partageaient la même haine viscérale pour le Peuple juif, et le même désir ardent de l’exterminer.

Le nom Hadj Amin El Husseini a fait le tour de la planète depuis le discours de Binyamin Nétanyaou selon lequel le mufti de Jérusalem aurait soufflé à Hitler l’idée du génocide du peuple juif. Pavé dans la mare volontaire ou pas, les propos du Premier ministre ont contraint les médias internationaux à se pencher sur le leader du mouvement pan-arabique palestinien, ses accointances avec les nazis, ses rencontres avec Hitler, son antisémitisme ardent, son fanatisme religieux et ses appels au meurtre de Juifs. Pour Hamodia, Laly Derai fait le point sur cet épisode assez méconnu de l’Histoire et rappelle qui était l’ancêtre de la « résistance » palestinienne.

Cheveux blond-roux, yeux clairs, Hadj Amin El Husseini aurait pu être aryen. C’est ce que fera d’ailleurs remarquer Adolf Hitler, juste après leur rencontre, en novembre 1941. Mais au-delà de son physique, El Husseini avait décidément tout pour plaire au leader nazi : les deux partageaient la même haine viscérale pour le Peuple juif, et le même désir ardent de l’exterminer.

C’est ce pan essentiel de la personnalité du mufti de Jérusalem que le discours de Binyamin Nétanyaou, prononcé mardi dernier devant le Congrès sioniste, a remis sur le devant de la scène, lorsqu’il a déclaré : « Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs à cette époque (1941 NDLR), il voulait les déporter. Hadj Amin El Husseini est allé voir Hitler [en novembre 1941] et lui a dit : “Si vous les expulsez, ils viendront tous en Palestine.” Hitler lui a demandé : “Que dois-je en faire alors ?” Et le mufti lui a répondu : ‘“Brûlez-les.” »

Et si dans un premier temps, le monde entier s’est insurgé devant ce qui a été compris comme une forme de dédouanement d’Hitler, il s’est ensuite – enfin – penché sur les motivations profondément antisémites du père de la cause palestinienne.

El Husseini a combattu toute sa vie la création d’un foyer juif sur la terre d’Israël.

Hadj Amin El Husseini est né en 1895 à Jérusalem dans une famille issue de la péninsule arabique. Une partie de sa famille vit aujourd’hui à Gaza et à Lod. En 1921, il est nommé par le Mandat britannique, imposé sur la Palestine un an plus tôt, grand mufti de Jérusalem. Un an plus tard, il cumule également le poste de dirigeant du conseil supérieur musulman de la Palestine mandataire.

El Husseini a combattu toute sa vie la création d’un foyer juif sur la terre d’Israël. Il est également l’instigateur des pogroms perpétrés à Jaffa en 1921 et à Hébron en 1929. Il a initié la révolte arabe entre 1936 et 1939, au cours de laquelle des massacres ont été perpétrés contre de nombreux Juifs. C’est d’ailleurs suite à ses activités contre le Mandat britannique (dans le cadre de la révolte arabe) qu’El Husseini est contraint de quitter la Palestine pour se réfugier en Allemagne nazie.

El Husseini, aryen d’honneur

Le 28 novembre 1941, il rencontre Adolf Hitler à Berlin, qui l’accueille avec tous les honneurs. À l’issue de cette rencontre, Hitler dira : « Le Grand Mufti est un homme qui en politique ne fait pas de sentiment. Cheveux blonds et yeux bleus, le visage émacié, il semble qu’il ait plus d’un ancêtre aryen. Il n’est pas impossible que le meilleur sang romain soit à l’origine de sa lignée. » Il obtient même le titre d’ « aryen d’honneur » en 1941.

Il fonde à Berlin et à Rome des antennes du conseil supérieur arabe, qui collabore activement avec les dirigeants de l’Axe et crée la 13e division de montagne de la Waffen-SS Handschar, une division SS entièrement musulmane.

Les forces de l’Axe s’engagent devant le mufti : 1. à reconnaître l’indépendance de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de la Palestine. 2. à annuler le plan de la Société des nations visant à créer un foyer juif en Palestine (le protocole de la rencontre entre El Husseini et Hitler est clair à ce sujet). 3. à empêcher la alya de Juifs et torpiller toute tentative de sauver des Juifs. Selon l’historienne Jenny Lebel, auteur du livre The Mufti of Jerusalem : Haj-Amin el-Husseini and National-Socialism, il existe des documents officiels prouvant la coordination entre le leadership nazi et le mufti pour empêcher l’immigration juive vers la terre d’Israël.

El Husseini obtient du troisième Reich des armes, qu’il emmagasine en Libye, en Égypte et à Rhodes. À partir de 1939, il installe au sud de Berlin une radio qui émet en arabe vers le Proche-Orient, diffusant des programmes antisémites. En 1940, il écrit: « L’Allemagne et l’Italie reconnaissent aux pays arabes le droit de résoudre le problème juif. » Durant toute la Seconde guerre mondiale, il ne cesse de souligner les points communs entre l’islam et le nazisme.

En 1943, lorsque Heinrich Himmler veut échanger 20 000 prisonniers allemands contre 5 000 enfants juifs destinés à émigrer en Palestine, le grand mufti s’insurge contre ce projet, qu’il parviendra à torpiller, de même qu’il empêche plusieurs milliers d’enfants juifs bulgares, roumains et hongrois, d’émigrer en Palestine.

El Husseini suivait de près la méthode nazie d’extermination du peuple juif.

El Husseini suivait de près la méthode nazie d’extermination du peuple juif. Ainsi, il a visité, aux côtés d’Adolf Eichmann, le camp d’Auschwitz. Eichmann, dont le procès conduit la philosophe Hanna Arendt à déclarer : « Les connexions du grand mufti avec les nazis étaient de notoriété publique, parce qu’il espérait qu’elles l’aideraient à exécuter une variante de la Solution Finale au Proche-Orient ».

Selon Jenny Lebel, qui se base sur des documents officiels de l’époque, le grand mufti recevait une pension mensuelle de 75 000 marks, financée par les biens confisqués aux Juifs européens. C’est dans le cadre de cette collaboration intense qu’est planifiée, en octobre 1944, l’opération Atlas : des parachutistes de la Waffen SS et des arabes, munis d’une dose de poison susceptible d’entraîner la mort de près de 250 000 personnes, atterrissent le 6 octobre près de Jéricho. Leur objectif : empoisonner les sources d’eau potable desservant la région de Tel Aviv. Mais ils sont capturés le 16 octobre par les soldats du mandat britannique dans une caverne, près de Wadi Kelt.

Après la guerre, le grand mufti parvient à s’échapper en Suisse, puis à retourner en Palestine où il fonde le « gouvernement de toute la Palestine » à Gaza, puis au Caire, où il rencontre Yasser Arafat pour la première fois.

Il quitte ensuite l’Égypte suite aux dissensions qui l’opposent au président égyptien Djamel Abdel Nasser. Il rejoint le Liban, où il décède en 1974.

Sur qui se base Nétanyaou ?

Malgré tout ce qui est dit plus haut, les propos du Premier ministre restent surprenants, voire choquants. Sur quels historiens Nétanyaou s’est-il basé lorsqu’il a prononcé ce discours controversé ? Manifestement sur le livre Nazis, Islamists, and the Making of the Modern Middle East, écrit par Barry Rubin et l’historien américain Wolfgang G. Schwanitz.

« C’est un fait historique que la collaboration du grand mufti de Jérusalem avec Hitler a joué un rôle important dans la Shoah. »

Ce dernier, dans une interview accordée au site Middle East Forum, a déclaré que, bien que n’ayant jamais entendu parler de la « conversation »   rapportée par Nétanyaou, « c’est un fait historique que la collaboration du grand mufti de Jérusalem avec Hitler a joué un rôle important dans la Shoah » et qu’il était « le plus important conseiller non européen dans le processus de destruction des juifs d’Europe. » Selon lui, il est absurde d’ignorer le rôle joué par Hadj Amin el-Husseini, un criminel de guerre, qui a encouragé et exhorté Hitler et d’autres dirigeants nazis à exterminer les Juifs d’Europe.

Nétanyaou s’est également appuyé sur le témoignage de l’adjoint d’Adolf Eichmann au bureau des affaires juives, Dieter Wisliceny, au procès de Nuremberg. Il avait alors déclaré : « Il me semble que le grand mufti, qui a vécu à Berlin à partir de 1941, a joué un rôle, d’une importance non négligeable, dans la décision du gouvernement allemand d’exterminer les Juifs d’Europe. »

Ce n’est pas la première fois que Binyamin Nétanyaou souligne l’implication du père de la « résistance » palestinienne dans la Solution finale. Mais ses propos n’avaient pas soulevé le remous enregistré depuis son discours devant le Congrès sioniste. Et si le Premier ministre avait choisi délibérément de prononcer une phrase controversée, en anglais, pour éveiller le débat et contraindre le monde à se pencher sur l’antisémitisme patenté de Hadj Amin El Husseini ? Si tel était son objectif, il l’a largement atteint... 

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