Monde Juif

Un milliard d’ennemis, et moi et moi et moi…

30/06/2014 | par Aish.fr

Selon la récente enquête menée par l’ADL, plus d’1/4 de la population mondiale nourrit d’intenses sentiments antisémites. De quoi tirer la sonnette d’alarme ?

Créteil, Sarcelles, Romainville, Paris, Antony… Au Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme (BNVCA), les plaintes pour agressions antisémites pleuvent à n’en plus finir.

Dernière en date, celle survenue le 25 mai, tout juste quelques heures après la fusillade du Musée juif de Bruxelles, quand deux frères portant kippas et costumes se font rouer de coups à proximité de la synagogue de Créteil.

Ou encore, celle d’un frère et une sœur voyageant dans un RER B bondé qui se font traiter de « sales Juifs » par un individu qui se présente comme « un Nazi, un Allemand » avant de lancer : « Vive Hitler, on va vous gazer. Il n’a pas fini son job ». Arrivés aux alentours d’Antony, les victimes se font ensuite frapper et gifler par deux autres agresseurs…

Ce ne sont là que deux cas, parmi tant d’autres, qui illustrent le climat franchement hostile qui règne au pays des droits de l’homme.

Un climat qui n’a rien de surprenant quand on garde à l’esprit les résultats de la récente enquête globale sur l’antisémitisme publiée par la Ligue contre la Diffamation (ADL). Car comme l’atteste cette étude, ce serait plus d’un quart de la population mondiale qui nourrirait d’intenses sentiments antisémites. Autrement dit, il semblerait qu’1,1 milliards d’individus vouent une haine féroce au Juif, bien que, soit dit en passant, 70% des personnes interrogées avouent n’en avoir jamais rencontré de toute leur vie.

Ces chiffres devraient-ils nous alarmer ? Y a-t-il de quoi tirer la sonnette d’alarme ?

Récemment, l’institut de recherche Pew a publié une autre étude sur l’Europe. Elle révèle que dans l’ensemble du continent européen, le sentiment musulman dépasse de loin le sentiment antisémite. En France par exemple, 66 % des personnes ont un avis défavorable sur les Roms et 27 % ont un point de vue hostile aux musulmans. Quant à la proportion des individus nourrissant un sentiment antisémite, elle s’élève à 10 % (voir tableau ci-dessous).

Ces statistiques indiquent donc que les Juifs ne sont pas les seules et uniques victimes du sectarisme. La haine existe partout, et l’antisémitisme ne semblerait être qu’une facette parmi tant d’autres de cette haine. Et puis, comme le relèvent de nombreux visiteurs d’Aish.fr à la lecture d’articles consacrés à la résurgence de l’antisémitisme, cette situation n’a rien de surprenant. Nous savons bien que de nombreux non-juifs détestent les Juifs. La haine du juif sera toujours présente, alors pourquoi s’inquiéter outre-mesure de l’enquête ADL ?

La haine du Juif est unique en son genre en terme d’intensité et de virulence.

En réalité, l’antisémitisme est foncièrement différent des autres formes de racisme. Tout au long de son histoire mouvemente, les Juifs n’ont pas seulement souffert de l’antisémitisme, ils ont été incinérés. Ils ont été brutalement assassinés, en masse, par leurs propres voisins. Ils furent la cible de nombreux génocides, la Shoah étant simplement l’exemple le plus récent de cette haine.

Un exemple parmi tant d’autres rapporté dans l’ouvrage terrible de Jan Gross : « Voisins : la destruction de la communauté juive de Jedwabne, Pologne »:

Le 10 juillet 1941, la moitié de la ville de Jedwabne exécuta brutalement l’autre moitié de la population : 1600 hommes, femmes et enfants. Certains Juifs furent matraqués puis furent la cible de jets de pierre meurtriers. Des Polonais coupèrent la tête de la plus jeune fille de l’enseignant du Talmud-Torah local, puis la trainèrent à terre. La majorité des Juifs furent conduits de force dans une grange qui fut ensuite mise à feu.

Les Juifs de Jedwabne ne furent pas tués par des nazis anonymes ; ils furent assassinés de sang-froid par leurs voisins qui les connaissaient, conduits par le maire de la ville, Marian Karolak, et sanctionnés par le conseil municipal. L’ouvrage de Gross démontre de manière irréfutable que ce fut la population locale qui commit ces atrocités, déclenchant un débat national.

Pendant des décennies, la Pologne tenta de couvrir le pogrom, reportant la responsabilité du massacre sur les soldats nazis et la Gestapo. 60 ans après le massacre, le 10 juillet 2001, la Pologne commémora le souvenir des morts en inaugurant un monument sur le site du massacre, modifiant le texte du mémorial d’origine en pierre qui rejetait la responsabilité sur les Allemands. Voici ce qu’on y lit désormais : « À la mémoire des Juifs de Jedwabne et des environs, les hommes, femmes et enfants, résidents de cette terre, assassinés et brûlés vivants ici le 10 juillet 1941. » Remarquons qu’il n’est pas spécifiquement fait mention des Polonais.

En septembre 2011, le mémorial fut profané par une croix gammée et un graffiti qui portait cette inscription : « Ils étaient voués à être brûlés » et « Je ne demande pas pardon pour Jedwabne. »

La haine du juif n’est pas une simple forme de racisme, elle peut dégénérer en génocide.

Moralité : le racisme existe indéniablement, mais la haine du Juif est unique en son genre en terme d’intensité et de virulence, aussi bien qu’en raison de son universalité et de sa longévité. Comme l’écrit le révérend Edward Flannery dans son ouvrage « L’angoisse des Juifs » (The Anguish of Jews) : « Lorsqu’un historien de l’antisémitisme évoque le passé des millénaires d’horreurs qu’il a consigné, une conclusion inéluctable s’impose. L’antisémitisme est différent en raison de sa durée et sa constance. »

En outre, l’antisémitisme est totalement irrationnel. La haine d’un certain groupe racial peut remonter généralement à des raisons concrètes, bien définies (et erronées). En revanche, les racines de l’antisémitisme sont contradictoires. Les Juifs sont un objet de haine en ce qu’ils sont considérés comme un peuple fainéant et inférieur, mais ils sont également accusés de dominer l’économie et d’exercer un contrôle du monde. Les Juifs sont détestés en raison de leur maintien borné d’une séparation, et lorsqu’ils s’assimilent, ils représentent une menace à la pureté raciale par les mariages mixtes. Les Juifs sont perçus aussi bien comme pacifistes que bellicistes ; comme des capitalistes qui exploitent autant que des communistes révolutionnaires ; ils possèdent une mentalité de peuple élu, autant qu’un complexe d’infériorité.

Comme l’écrit Clemens Heni, un jeune chercheur allemand, auteur du livre : « L’antisémitisme, un phénomène spécifique » (Anti-Semitism: A Specific Phenomenon) écrit : « Aucun autre groupe, hormis les Juifs, n’a été épinglé et accusé simultanément d’avoir des idées qui s’excluent l’une l’autre, comme le capitalisme et le communisme, ou bien le libéralisme et l’humanisme. »

Il nous est difficile d’imaginer des non-juifs tuer leurs voisins juifs en raison de leur judaïté. Mais la ville de Jedwabne ne se trouvait pas sur une planète différente, et ce massacre ne s’est pas produit il y a mille ans. La Shoah fut planifiée et mise à exécution par des êtres humains comme vous et moi, qui haïssaient suffisamment les Juifs pour les assassiner. Nous ne pouvons fermer les yeux sur l’antisémitisme et penser naïvement que les gens sont différents de nos jours.

L’enquête de l’ADL a beau révéler que 46 % de la population mondiale n’a jamais entendu parler de la Shoah, il est impératif que nous la gardions en mémoire et en tirions les bonnes leçons : la haine du juif n’est pas une simple forme de racisme, elle peut dégénérer en génocide.

Un juif aura beau vouloir s’assimiler, les non-juifs seront toujours là pour lui rappeler qui il est.

Et puis la haine du juif n’est pas rationnelle, car ses racines transcendent la pensée humaine. Dieu a conclu une alliance avec le peuple juif : nous sommes une nation éternelle. Il ne nous laissera pas disparaître en tant que nation, en dépit de l’influence incessante de l’assimilation et des mariages mixtes. L’antisémitisme est l’un de Ses moyens de nous rappeler que les Juifs ne peuvent jamais s’assimiler totalement dans le monde non-juif ; d’autres se chargeront toujours de rappeler aux Juifs qu’ils sont foncièrement différents des autres.

Ou pour reprendre des propos attribués au rav ‘Haim de Volozhyne : si le Juif ne fait pas le Kidouch (la sanctification du Chabbat et des fêtes effectuée sur une coupe de vin), alors c’est le non-juif qui se chargera de faire la Havdala (la prière récitée à la fin du Chabbat, établissant une distinction entre le Chabbat et les jours de la semaine). En d’autres termes, un juif aura beau vouloir s’assimiler, les non-juifs seront toujours là pour lui rappeler qui il est.

(D’après un article du rabbin Nechemia Coopersmith : A Billion People Hate Me)

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