Torah de Vie

Je parle donc je suis

Tazria (Lévitique 12-13 )

À la différence de Descartes qui définissait l’homme comme un être pensant, la Torah le positionne comme un être social.

La Paracha de cette semaine nous parle notamment de la tsaraat, une affection de la peau qui touchait un individu ayant tenu des propos médisants. Cette maladie lui donnait le statut de métsora et le contraignait à l’exclusion. Ce qui est surprenant ici c’est que la médisance est le seul interdit dont la transgression se manifeste concrètement sur l’homme. En règle générale, si une personne enfreint la volonté divine, seule son âme en pâtit. Son aspect physique, lui, reste inchangé. Pourquoi donc cette exception dans le cas d’un discours diffamatoire ?

Pour répondre à cette question, nous devons revenir au récit de la création qui nous rapporte que lorsque D.ieu insuffla dans les narines de l’homme un souffle de vie, ce dernier fut défini en tant que « néfech ’haya », une âme vivante.  (Genèse II, 7). Pour donner plus de consistance à cette définition, la traduction araméenne de la Torah propose de comprendre cette expression dans le sens d’« être doué de la parole ». Ainsi, à la différence de Descartes qui définissait l’homme comme un être pensant (« je pense donc je suis »), la Tora le positionne comme un être social. La définition du philosophe va générer l’orgueil et l’égocentrisme alors que celle de la Torah posera les fondements de la relation humaine dans sa plus noble expression : le dialogue. En tenant compte de cette donnée essentielle, il nous est possible de comprendre la gravité de la faute de médisance et la portée de ses conséquences. L’exclusion de la communauté venait signifier qu’avec des propos médisants, le métsora avait porté atteinte à la définition même de son existence, à sa raison d’être. Dès lors, s’il pervertit cette dimension, il doit naturellement s’attendre à être rejeté de la communauté des hommes, n’ayant pas assumé son rôle social. De même, son aspect physique s’en trouve affecté tant sa faute touche à sa quintessence.

À chacun son rôle

Nos Maîtres dégagent de cette déduction une autre idée, tout aussi importante, et relative à l’essence même du judaïsme : chaque être humain a été créé avec un but spécifique dont il ne peut, en aucune façon, se départir. Cette adéquation entre l’individu et la fonction qui l’accompagne est déterminante pour l’équilibre de la Création. Ce qui signifie entre autres que dès que l’un d’entre nous n’assume pas cette fonction, il entraîne un dysfonctionnement et un désordre dans le monde qui affecte son environnement personnel et l’humanité dans son ensemble. Il est donc urgent, à tout instant, d’encourager chaque individu à pratiquer les commandements de la Torah car leur négligence peut causer du tort à son auteur comme à son prochain et cela même si ce dernier est physiquement loin de lui.

L’arme de la parole

Pour aller plus loin, on peut développer une troisième idée qui explique notre étonnement rapporté au début de cette réflexion. Comment une parole peut-elle avoir une incidence sur le monde physique ? Il est évident que cette conséquence n’est pas palpable de prime abord. Chacun d’entre nous est malheureusement souvent amené à tenir des propos médisants sans que pour autant cette dérive soit visible à l’œil nu. Si à l’époque du Temple cette corrélation était flagrante, de nos jours, ce phénomène miraculeux ne se produit plus. Toutefois cette idée porte en elle une certaine vérité qui peut s’appliquer même aujourd’hui, quoique  partiellement. La force de la parole réside dans sa position par rapport aux deux autres moyens  par lesquelles un être humain s’exprime. De nombreux textes de la tradition juive expliquent que l’homme manifeste son identité par trois canaux : la pensée, la parole et l’action. La pensée est une expression immatérielle alors que l’action affecte le monde physique. Entre ces deux extrêmes se situe la parole qui possède en elle une partie des caractéristiques des deux autres moyens  d’expression. D’une part,  la parole n’est pas un phénomène palpable, les mots n’ayant aucune consistance matérielle, mais  elle est aussi le fruit d’un mouvement physique des lèvres, de la langue, de la gorge et des dents. C’est la raison pour laquelle elle peut avoir une influence sur le monde physique, voire même le transformer. C’est dire, combien nous devons redoubler de vigilance avant de parler.

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