Yom Kippour

Jonas et la baleine

05/10/2011 | par Tsipporah Heller

Jonas: un prophète dévoré par une énorme angoisse.

Le prophète Jonas vivait à l'époque du Premier Temple. Sa première mission, confiée par Elie, le plus célèbre des prophètes de l’époque (en l’an 705 avant notre ère), fut d’aller oindre Jéhu roi d’Israël. C’était une époque troublée. Le peuple juif vivait un déclin spirituel qui entraina la conquête des Assyriens et l’expulsion des 10 tribus. En l’an 607 avant notre ère, Jérusalem fut détruite, et ce fut le début de 70 années d'exil.   

En tant que prophète, Jonas connaissait mieux que quiconque l’issue inévitable de cette décadence, si aucun changement drastique n’était opéré. 

Voici qu’il était délégué pour venir au secours des ennemis jurés d'Israël !

Après l'échec de sa deuxième mission, qui était de réprimander Jéroboam II, successeur de Jéhu, une troisième et dernière mission lui fut confiée. 
Mais celle-ci, bien que divine, lui parut inacceptable : Dieu lui demandait de se rendre à Ninive, capitale de l'Assyrie, pour exhorter la population non juive à se repentir. Quelle étrange mission ! Son propre peuple était en décadence,  se dirigeait tout droit vers un abîme sans fin, et voici qu’il était délégué pour venir au secours d’étrangers qui, de surcroît, étaient les ennemis jurés d'Israël !   

Jonas redoutait davantage le succès de cette mission qu’il n’en redoutait l’échec. Comment pourrait-il supporter de voir, d’un côté, des Assyriens revenus vers Dieu par l’effet de ses remontrances, et de l’autre, des Juifs obstinés, refusant l’opportunité de remonter spirituellement la pente. Incapable de confronter cette douloureuse contradiction, Jonas tenta d'échapper à son destin.   

S’étant volontairement déconnecté de Dieu, il n’avait plus rien à Lui demander

Il s’enfuit d’Israël par bateau pour faire taire la voix de la prophétie qui ne pouvait se manifester qu’en Terre Sainte. Mais il fut bientôt contraint de reconnaitre que personne ne peut échapper à Dieu. En effet, la mer qui était calme au départ, se souleva soudain en une violente tempête et le bateau sur lequel il naviguait était sur le point de se briser. Pendant que les marins paniqués invoquaient leurs dieux, Jonas ne trouva pas mieux à faire que d’aller dormir.   

Il savait ce qui se passait. S’étant volontairement déconnecté de Dieu, il n’avait plus rien à Lui demander, et ne ressentait par conséquent aucun besoin de prier.  

Son comportement apathique ne manqua pas de susciter la curiosité des marins, à qui il finit par dévoiler son histoire : il avait foi en Dieu, mais il essayait de Lui échapper.  

Sachant pertinemment qu'il était la cause de cette tempête, il supplia les marins de le jeter par dessus bord afin qu'ils puissent être sauvés. Les passagers du bateau, qui étaient de braves gens, refusèrent de l’écouter, jusqu'au moment où, leur naufrage n’étant plus qu’une question de secondes, ils n’eurent plus d’autre choix que d’obtempérer. Lorsque Jonas fut jeté par-dessus bord dans les eaux tumultueuses, la tempête se calma instantanément. Jonas croyait le chapitre clos, mais il ne faisait en réalité que commencer.  

Un gigantesque poisson l’avala, mais il survécut miraculeusement. Dans les entrailles sombres et fétides de l’animal, il finit par reconnaître ce qu’il refusait de voir, même dans les moments les plus exaltants de sa prophétie : que Dieu connaît intimement, et chérit profondément,  tout être vivant  à chaque instant de son existence. Pour lui prophète, la bienveillance de Dieu n’était pas une nouveauté, mais il avait cette fois l’occasion d’en découvrir la profondeur. 

Jonas se repentit en revenant à Dieu et au meilleur de lui-même.   

Il était enfin prêt pour la résolution la plus importante de sa vie. 

Il reconnaissait maintenant que malgré la peine que lui inspirait le contraste entre l’attitude des Assyriens et celle des Juifs, la décision de Dieu ne pouvait être inspirée que par la miséricorde. Une fois cette vérité acceptée, Jonas fut disposé à rouvrir les portes de la prière qu'il avait fermées si résolument. Il était enfin prêt pour la résolution la plus importante de sa vie.  

Rejeté hors des entrailles du poisson, Jonas se retrouva sur les rives de Ninive.  

Il informa les habitants de Ninive de ce qui les attendait : s’ils n’opéraient pas un changement radical dans leur vie d’ici quarante jours, la ville serait détruite par la colère de Dieu.  

La Techouva des habitants de Ninive fut immédiate et totale. Le roi lui-même conduisit le peuple vers une réforme radicale des mœurs. La destruction de Ninive fut ajournée de quarante ans.   

Jonas demanda à Dieu de mourir afin qu’il ne puisse assister à la destruction de son peuple

Tout ce que Jonas appréhendait était en train de se réaliser. Le contraste tant redouté fut encore plus frappant dans la réalité que dans sa prophétie. Comme dernière requête, il demanda à Dieu de mourir afin qu’il ne puisse assister à la destruction de son peuple par les Assyriens qu’il venait de sauver. Si les Juifs ne prenaient pas exemple sur Ninive, la démonstration de leur insensibilité serait faite, et leur destin serait scellé. Dieu ne répondit pas à la demande de Jonas verbalement, mais par un acte.   

Lorsque Jonas quitta Ninive, il s’établit à l’Orient de la ville où il se construisit une cabane à l’ombre d’une plante de ricin. Dieu l’avait fait pousser là pour l’abriter et le consoler de sa douleur, démontrant ainsi sa grande compassion à son égard. Mais le lendemain, Dieu suscita un ver qui rongea le ricin et le dessécha.  

Accablé, Jonas souhaita plus que jamais mourir. Dieu le réprimanda : «Tu te chagrines à propos d’un ricin qui ne t’a coûté aucune peine... Quant à moi, ne devrais-je pas avoir pitié de Ninive, cette grande ville habitée par plus de 120000 êtres humains incapables de distinguer leur droite de leur gauche, ainsi qu’un bétail considérable ? "   

Chaque personne fait partie d’un écosystème  spirituel

Par ses propos, Dieu enseignait à Jonas que l’iniquité des habitants de Ninive ne les rendait pas pour autant indignes de vivre. Chaque personne fait partie d’un écosystème  spirituel, et profite au monde au moins autant que le ricin à Jonas.   

Le Yalkout Chim’oni, le Midrash le plus encyclopédique (rédigé au XIIIème siècle par Rav Chimon HadarChan) nous présente l’aveu le plus pénétrant de la vie de Jonas :  

A ce moment, il tomba sur sa face et dit, «Dirige Ton monde par l’attribut de la miséricorde», ainsi qu’il est écrit " à toi, Dieu, est la clémence et la miséricorde." 

Le message de la prophétie de Jonas nous concerne tous. Le Gaon de Vilna nous enseigne que le voyage de Jonas est en réalité notre voyage. Nous venons au monde avec le sentiment profond que nous avons une mission à accomplir. Mais nous cherchons à lui échapper, parce que cette mission est souvent une mission  que nous craignons d’avoir à réaliser.  

L'histoire de Jonas nous rapporte que les villes qu’il cherchait à atteindre étaient Yaffo et Tarshish. Ces lieux existent de nos jours et sont connus sous les noms de Jaffa et Tarsis, qui signifient littéralement «beauté» et «richesse».   

La baleine symbolise la confrontation ultime avec notre prise de conscience que la mort constitue notre destinée finale

Dans notre fuite devant la conscience intuitive de notre mission, nous cherchons un répit passager dans la poursuite de l’esthétique et du matériel. Notre corps est comparé au navire de Jonas qui, au cours d’une vie, doit confronter des moments où sa fragilité est inéluctable, dans la maladie ou dans les moments de danger, qui semblent durer une éternité jusqu'à ce qu'ils soient résolus.  

Les marins sur le navire sont les talents et les atouts qui agissent en notre faveur. Ils ne peuvent, eux non plus, nous sauver de nos tentatives futiles d’échapper à nous-mêmes. La baleine symbolise la confrontation ultime avec notre prise de conscience que la mort constitue notre destinée finale. Cette prise de conscience est ressentie par certains presque comme un refuge bienvenu. Pour d'autres, confronter l’idée de la mort les pousse à vivre plus intensément encore !  

A l’instar de Jonas, la reconnaissance de notre vulnérabilité peut nous conduire à transcender notre ego, à renoncer au contrôle des événements, et à accepter enfin d’accomplir notre mission sur terre, quelle qu’elle soit.  

Nous pouvons subir les vicissitudes de la vie, et reconnaître que nous avons nous-mêmes provoqué  ces tempêtes qui nous malmènent. Nous pouvons aller de l'avant pour atteindre notre objectif, mais nous ne serons libérés de nos conflits et de notre anxiété, que lorsque nous prendrons conscience de la compassion divine qui nous enveloppe à chaque étape de ce parcours.  

C'est alors que nous serons prêts à revenir à Dieu. Chacun de nous possède une voie qui lui est propre, jamais encore explorée par quiconque. Mais Jonas, lui, connaissait le début et la fin de l’itinéraire que nous allons tous parcourir. 

Yom Kippour est le jour où chacun de nous peut revivre l’itinéraire de Jonas. Avançons vers la prochaine étape de l’accomplissement de notre mission, cette mission pour laquelle nous avons été créés. Et profitons de cette opportunité pour revenir à Dieu avec joie et amour.

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