Spiritualité

Kislev : unir les couleurs de l'arc-en-ciel

18/11/2014 | par Tsipporah Heller

Chacun de nous écarte l’obscurité à sa manière.

Les longues nuits d’hiver, blanches et silencieuses, ont une qualité presque mystique. Elles nous encouragent parfois à abréger notre journée en prenant un livre, en écrivant une page dans notre journal, ou tout simplement en écoutant. Le silence nous permet de capter les messages de notre cœur en l’absence des interférences de la vie quotidienne.

Nous avons tendance à nier l’impact de l’influence des saisons, à tuer leur message, depuis l’intrusion (et la bénédiction) de l’électricité. Nous avons changé l’été en printemps grâce à l’air conditionné. Avec le chauffage, nous vivons l’hiver en regardant par la fenêtre et sentons le froid en posant notre main sur la vitre. Nous prolongeons les jours en gardant les lumières allumées. Tout cela est, bien sûr, extrêmement profitable. Après tout, personne ne regrette ces étés étouffants qui nous vident de nos forces, nous laissent tendus et en nage, ni ces hivers qui nous emprisonnent dans des demeures glaciales à nous languir du soleil. Pourtant, il est parfois bon de prendre le temps d’écouter le monde qui nous entoure.

Chaque mois a son propre message. Le Ari zal, nous apprend que la force spirituelle de chaque mois est en parallèle avec chacune des 12 tribus (pour le mois de Kislev, c’est la tribu de Benjamin, bien connue pour sa foi en D.ieu inébranlable et sa capacité remarquable à combattre le mal) et le signe astral de chaque mois (en Kislev, c’est le sagittaire). Tout ceci nous permet de définir la nature d’un mois et peut-être même de découvrir un morceau de nous-mêmes (puisque chaque juif est un composite des 12 tribus).

Alors que les jours raccourcissent et s’assombrissent, nous sentons intuitivement que cette partie de nous qui est noire, vulnérable et incurable, se trouve plus près de la surface qu’en été. La science a d’ailleurs découvert un fondement biologique à ce sentiment. Ce qui nous échappe, c’est justement le caractère inappréciable de pouvoir entrer en contact avec cette partie de nous-mêmes.

Nous ne sommes pas simplement une sorte d’animal un peu plus évolué, nous sommes une espèce tout à fait unique.

D.ieu répondit à son acte, le premier jour de Kislev, en le bénissant, lui et sa famille. Il établit de nouvelles règles pour eux. Dès lors, l’homme pourra consommer de la viande et il sera responsable s’il a versé le sang d’un autre homme. Le fait que nous ayons été créés à l’image de D.ieu, doit laisser sa marque dans le monde. Nous ne sommes pas simplement une sorte d’animal un peu plus évolué, nous sommes une espèce tout à fait unique. L’étincelle d’éternité qui est en nous, ne peut jamais disparaître totalement. Quels que soient les déguisements que nous arborons en adoptant des comportements animaux, nous ne pouvons nous « convertir » et devenir des animaux, pas plus qu’un bouton de porte ne peut se changer en canari. Les animaux peuvent être tués et mangés, mais aucun être humain n’est un animal. D.ieu a promis de ne plus amener de déluge, scellant la promesse de notre existence continue par un signe - l’arc-en-ciel.

Pourquoi l’arc-en-ciel ?

Il y avait déjà des arcs-en-ciel avant le déluge. Ce qui a changé, c’est leur message. Que nous dit l’arc-en-ciel sur le territoire que nous foulons ? Il indique notre futur. Après le déluge, l’humanité doit évoluer autrement. Jusque lors, il n’existait pas de notion de nation, ni de cultures différentes. Dès ce moment, les peuples se sont différenciés progressivement. L’arc-en-ciel est une preuve vivante (une carte) de ce que cela signifie (le territoire). Un arc-en-ciel se forme quand la lumière blanche pure se réfracte en sept couleurs. Le rouge est la plus proche de la lumière blanche originelle, le violet la plus éloignée.

Ceci connaît un parallèle sur le plan humain. Certaines personnes sont plus proches de D.ieu et mènent une vie qui révèle leur intimité avec le Créateur. D’autres sont plus éloignées de leur Source, et rien dans leur vie n’indique leur relation avec Lui. En réalité, toutes viennent d’une même source, tout comme le rouge et le violet sont issus de la même lumière blanche.

Dans nos vies personnelles aussi, nous expérimentons la totalité du spectre de la lumière, qui s’étend du plus brillant au plus sombre. Trois heures de l’après-midi est peut-être le moment idéal - le travail bat son plein, le ciel est bleu, tout semble parfait. A trois heures du matin, c’est une toute autre histoire. Vous êtes étendu dans votre lit sans pouvoir dormir. Rien dans votre vie ne semble avoir d’importance, rien ne semble pouvoir changer. Parfois, ces moments de cafard sont déclenchés par des facteurs extérieurs - rejet, échec ou impression de rejet, d’échec - parfois, ils font simplement partie du cours de la vie. A chaque fois, nous sommes en mesure de voir que D.ieu a introduit en nous un rythme intérieur qui fait passer notre lumière interne du rouge éclatant au violet sombre, que notre âme reste éternelle et que notre vie a un sens. Chaque âme humaine est et sera toujours attachée à la vie, qu’est D.ieu Lui-même. Toutes les nuances de notre existence proviennent de cette même source de Lumière, bien que nous ne soyons pas toujours assez sages pour le voir.

L’officier de police dit à Sammy qu’il avait deux appels. Sammy resta silencieux. Ses yeux coururent du néon au bureau usé en formica brun. Ils se posèrent partout sauf sur le téléphone. A 19 ans, il se sentait vieux, mort et répugnant. Il n’avait personne à appeler. Ni son père, qui ne l’avait pas vu, ni ne lui avait parlé depuis son plus jeune âge, ni sa mère furieuse et à moitié folle.

La femme policière le considéra avec un étrange mélange d’impatience et de pitié. « Appelez votre avocat ou un membre de votre famille. Nous ne pouvons vous laisser sortir tant que quelqu’un n’est pas venu signer et verser la caution. Il peut s’écouler plusieurs mois jusqu’à votre jugement. »

Il ne répondit pas, il ne devait pas. Elle comprit. Sammy n’avait personne à appeler sur la terre toute entière. Les yeux bruns et las de la femme rencontrèrent ceux du jeune homme, l’espace d’un instant. Il voulait crier sur elle et sur tous les gens normaux, surs et condescendants qu’il avait connus. Sa haine était intense et profonde, mais elle n’était rien comparée à la haine dévorante qu’il ressentait pour lui-même. Un numéro lui revint en mémoire. Celui du directeur de son école de Migdal haEmek qui l’avait trouvé endormi sur un banc il y a cinq ans et l’avait convaincu d’aller au dortoir de l’école. La dernière fois qu’il lui avait parlé, c’était au cours d’une entrevue houleuse dans son bureau qui s’était conclue par le départ de Sammy vers son propre chemin.

Il ne savait quoi dire. Il composa le numéro les mains tremblantes. Il voulait que le téléphone sonne simplement, pour ne pas avoir à faire face à cette femme de la police qui en savait trop, mais aussi pour éviter d’entendre l’indifférence ou la colère inévitable d’une personne que l’on réveille à 4 heures du matin. Le téléphone sonna huit fois, puis le Rabbin Grossman décrocha.

 – C’est Sammy.

 – Que se passe-t-il ? Où es-tu ?

Il débita son histoire sordide jusqu’au bout et conclut par l’incontournable : « Ils me garderont ici jusqu’à ce que quelqu’un signe et paie la caution. » En quelques heures, le rabbin Yts’hak David Grossman, rabbin légendaire de Migdal haEmek, fut à Tel Aviv, deux heures de route quand la circulation est fluide. Il savait ce que Sammy ne savait pas et croyait en une chose à laquelle Sammy n’avait jamais cru; Sammy n’a pas de prix, il est une manifestation éternelle et éblouissante du Créateur.

La lumière de Hanouka

Le deuxième évènement qui marque le mois de Kislev est Hanouka. Ce fut l’un des moments les plus sombres de notre histoire. Nous avions, d’une certaine manière, perdu de vue tout ce qui était réel et durable. Un pourcentage significatif de notre peuple se définissait comme helléniste, adorateur de la culture grecque. Les Grecs avaient étudié la carte mieux que toutes les nations qui les avaient précédés. Ils voyaient les collines et les vallées ; l’esprit et le corps. Ils étaient dotés d’une exactitude peu commune et représentaient ce qu’ils voyaient avec une beauté et une force sans pareil.

Ils déclarèrent la circoncision hors-la-loi, parce qu’elle impliquait que le corps humain n’est pas parfait et requiert le perfectionnement de l’homme.

Mais ils ne connaissaient pas le terrain. Moralité, divinité, spiritualité dépassaient leur entendement. Et le pire, c’est qu’ils trouvaient l’idée même de spiritualité menaçante et dangereuse pour leur monde qui était centré sur l’homme. Ils déclarèrent la Torah hors-la-loi, parce qu’elle invitait chaque personne qui décidait de l’observer, à se voir comme faisant partie d’un monde qui doit rendre des comptes à son Créateur, plutôt que comme un membre du monde des hommes qui ne tient pas compte de la moralité. Ils déclarèrent la circoncision hors-la-loi, parce qu’elle impliquait que le corps humain n’est pas parfait et requiert le perfectionnement de l’homme.

Au cœur de tout cela, nous avons expérimenté la renaissance et la découverte nationale. Puis, le miracle s’est produit. Les Grecs ont profané la Ménora, symbole de l’esprit, comme ils avaient profané tout le Temple. Quand le Temple fut repris, l’une des premières choses que les combattants hasmonéens (autrement dit les descendants d’une famille de prêtres du nom de ‘Hachmonaï) firent, fut de rallumer la Ménora. Pourquoi était-ce si important pour eux ? Ils ne luttaient pas pour leur indépendance nationale, ils luttaient pour le renouveau spirituel. Allumer la Ménora était leur réponse à l’obscurité.

L’huile d’un jour en dura huit.

Chacun de nous doit combattre l’obscurité à sa manière. Aucun de nous n’est semblable ; chacun de nous est un monde en soi. Usons de ce temps pour voir les arcs-en-ciel, produits d’une rencontre entre le soleil et la pluie. Usons de ce temps pour allumer la Ménora toujours présente dans nos cœurs.

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