Réussir ses rencontres

L’embarras du choix

02/04/2013 | par rabbin Benjamin Blech

Quand trop de choix tue le choix : une réflexion sur la crise actuelle du mariage.

Avez-vous été invité à un mariage récemment? Si oui, alors sautez sur l’occasion parce que ce genre de célébration risque de devenir denrée rare.

Du moins, selon l’opinion de certains chercheurs. L’un d’entre eux, le professeur Charles Martel, professeur d'informatique à l'Université de Californie, est parvenu à cette conclusion après avoir soigneusement analysé les données recueillies par le Projet National sur le Mariage de l'Université de Virginie sur le taux des mariages aux États-Unis depuis 1960.

Les statistiques sont révélatrices. De 1970 à 2008, le nombre de mariages aux États-Unis a diminué de 76,5 à 37,4 pour 1.000 femmes non mariées. Non seulement les mariages sont en baisse mais en plus ce déclin s'accélère. Charles Martel en déduit, et c’est une première, que si la tendance actuelle se poursuit, quelque part entre 2028 et 2034 le taux de mariage américain frôlera le zéro!

Ridicule? Sans aucun doute. Les gens vont très certainement continuer à se marier. Mais nous ne pouvons ignorer la dure réalité des chiffres et la chute vertigineuse du nombre de ceux qui choisissent de se rendre sous le dais nuptial.

En 1960, 72% des adultes (âgés de plus de 18 ans) étaient mariés. Selon Pew, le prestigieux Centre de Recherche américain, ce nombre est aujourd'hui de 51% avec 5% de cette baisse enregistrés entre 2009 et 2010. Le taux de mariages diminue encore plus chez les jeunes adultes. En 1960, 59% des personnes entre 18 et 29 ans étaient mariés, pour seulement 20% aujourd'hui. L'âge moyen du mariage de nos jours est de 26,5 pour les femmes et 28,7 pour les hommes, contre 20,3 et 22,8 en 1960.

Que s’est-il donc passé?

Les gens n’ont tout simplement plus envie de s'engager.

Certains rejettent la faute sur l'économie. Ce serait la raison pour laquelle le mariage est tombé en disgrâce. Ils prétendent que c'est une des conséquences malheureuses, une de plus, de la grande récession que nous traversons actuellement. Mais pour qu’une tendance se perçoive de nos jours, il faut qu’elle ait débuté des dizaines d’années auparavant, et que le déclin enregistré ait été constant indépendamment des fluctuations économiques.

Il se peut en fait que les gens n’aient tout simplement plus envie de s'engager. J'ai échafaudé une théorie toute personnelle pour expliquer ce triste constat qui touche notre génération.

Je suis conscient que ma recherche n’est qu’anecdotique et que je n'ai aucune preuve pour étayer mes dires. Je suis cependant convaincu que nous n’assistons pas à l’émergence d’une nouvelle aversion culturelle au mariage et qu’il s’agit plutôt de toute autre chose. Le bonheur conjugal reste encore idéalisé. Les gens continuent toujours à s’imaginer la parfaite famille, à rêver au conjoint idéal qui partagera leur vie et avec lequel ils seront heureux jusqu'à la fin de leurs jours. Le déclin que nous constatons est plutôt le résultat d’un concept répondant aux initiales TDC (Trop De Choix), dérivé des résultats d'une étude remarquable réalisée par Sheena Iyengar, professeur à l’Université de Columbia, dans un document de recherche intitulé « La démotivation par le choix ».

Voici 10 ans que le professeur Iyengar analyse le processus des choix. Dans le cadre de ses recherches, elle effectua un jour avec son équipe un test pour lequel ils installèrent dans une épicerie un stand de dégustation gratuite de six confitures différentes. 40% des clients s’arrêtèrent pour les goûter. 30% d’entre eux en achetèrent.

Les gens sont 10 fois moins susceptibles d'acheter lorsqu’ils ont trop de choix.

Une semaine plus tard, ils refirent le même test dans le même magasin, avec cette fois 24 confitures différentes. 60% des clients s’arrêtèrent pour les goûter. Mais seulement 3% en achetèrent.

Les gens sont 10 fois moins susceptibles d'acheter lorsqu’ils ont trop de choix.

Pendant longtemps, le concept d’un excès de choix n’existait pas dans notre pays. Mais les psychologues et les économistes se sont penchés sur la question, et ils aboutirent à la conclusion qu'un trop-plein d'options peut en fait paralyser les gens ou les pousser à prendre des décisions qui sont contre leur propre intérêt. TDC - trop de choix - nous effraye et nous empêche de prendre une décision, n’importe laquelle, nous faisant redouter la découverte par la suite, d’avoir fait le mauvais choix et d’avoir ainsi à vivre avec cette constatation pour le restant de nos jours.

Une fois avoir opté pour un choix ou un autre, nous excluons les possibilités de procéder à d’autres jugements et de continuer à contempler les nombreuses autres options restant sur la table qui pourraient éventuellement se révéler meilleures.

TDC nous paralyse de peur, nous privant ainsi de notre confiance en la sagesse de notre décision. Nous finissons par préférer ne rien faire plutôt que d'avoir à vivre avec le remords d’avoir pris une mauvaise décision. Le professeur Iyengar résume la situation en ces termes: « La présence de choix peut séduire en théorie, mais en réalité, les gens peuvent considérer l’abondance de choix paralysante. »

Si cela est vrai pour quelque chose d'aussi mineure que le choix d’une confiture, il est facile de comprendre combien cela peut s’avérer exact dans le choix d’un conjoint. Du temps des mariages arrangés, on présentait aux jeunes gens une demi-douzaine de candidats possibles retenus en se basant sur leurs antécédents familiaux, leur éducation et leurs valeurs religieuses. Dans les communautés dans lesquelles tout le monde se connaissait, les jeunes gens pouvaient choisir parmi ceux qui étaient leurs voisins : le garçon ou la fille d'à côté étant considéré candidat potentiel parmi ce que l’on pourrait appeler un marché restreint.

Le monde a changé depuis, pour le meilleur et pour le pire. La mondialisation, l'Internet, les services de rencontres avec leurs profils de personnes du monde entier, littéralement, offrent aux célibataires un choix illimité. Nous ne parlons pas seulement de 24 genres de confitures différentes. Nous parlons de la possibilité d’éventuellement découvrir parmi des centaines de milliers d’individus, celui ou celle qui pourrait bien être la personne idéale que nous recherchons.

Lori Gottlieb, l'auteur du livre Marry Him : The Case for Settling for Mr. Good Enough (Epousez-le : savoir se contenter de Mr. Pas Trop Mal), est parvenu à la conclusion que beaucoup trop de femmes - son livre s’adresse aux femmes, mais c’est tout aussi vrai pour les hommes – « pensent qu’il leur suffit de choisir le bon. Au lieu de se poser la question: « Est-ce que je suis heureuse? », elles s’interrogent : «Est-ce vraiment ce que je peux faire de mieux? » Et comme elles n'ont pas encore regardé toutes les autres « confitures » disponibles sur le marché, elles estiment que pour se donner toutes les chances, elles ne doivent pas se précipiter et préfèrent différer toute décision. Et donc, elles continuent à attendre et attendre et attendre, tandis que leur quête de la parfaite confiture se poursuit et qu’elles puissent enfin s’autoriser à s’engager.

Cela ne peut qu’engendrer une frustration permanente, car comme dit ce proverbe dont nous devons méditer sans cesse le bien-fondé : « Les seules personnes parfaites sont les épouses des célibataires et les enfants des vieilles filles. »

Quelqu’un dont la peur de s'engager dans un choix est causée par la réalisation de l’existence de multiples autres options, n’est pas seulement voué à l'échec, mais ignore, d'un point de vue spirituel, la vérité fondamentale sur l'implication de Dieu dans les affaires humaines.

Notre tradition nous enseigne que Dieu est le plus grand des entremetteurs matrimoniaux. Les Sages posent la question: à quoi Dieu passe t-il Son temps depuis la création du monde? Et ils répondent ainsi: Il s'occupe de la tâche sacrée d’arranger les mariages. Le bonheur humain est un but céleste. La Torah nous enseigne que Dieu a voulu que tout soit tov, bon, et que justement, « il n'est pas bon pour l’Homme d'être seul. »

C'est pourquoi le Talmud précise que 40 jours avant la naissance, une voix céleste se fait entendre et proclame: « La fille d’untel et untel est destinée au fils d’untel et untel  » Les mariages sont réellement faits au ciel. Dieu a créé quelqu'un pour chaque personne ici-bas.

Il existe un mot magnifique en Yiddish pour exprimer ce concept de l'âme- sœur choisie par En-Haut : bashert. Nous avons tous un bashert et Dieu, dans Sa bonté infinie, fait en sorte de placer cette personne sur notre chemin au moment approprié durant le courant de notre vie.

Et cette perspective peut faire toute la différence au monde quand nous sommes confrontés à cette paralysie provoquée par TDC - trop de choix.

Sans notion de bashert, nos choix sont entachés du doute qu’il se pourrait que personne ne soit assez bien pour nous. Nous sommes alors tentés de continuer à chercher sans aucune assurance que nous finirons par trouver quelqu'un n’ayant nullement besoin de s’améliorer. Il se peut que nous ayons déjà rencontré M. ou Mme LE BON aux yeux de Dieu et que nous les ayons ignorés parce que nous étions plutôt à la recherche de M. ou Mme PARFAIT – lesquels bien sûr, n'existent pas. (Et même s'ils existaient théoriquement, pourquoi mériterions-nous de les rencontrer, nous qui sommes loin d’être parfaits?)

Le fait d’avoir un bashert nous rassure sur la décision que nous sommes censés prendre, puisque Dieu a déjà fait ce choix avant même notre naissance. Notre recherche de l’autre accentue l’importance de trouver celui qui a été désigné pour nous au lieu de découvrir des raisons d'exclure tous ceux ne correspondant pas à nos normes irréalistes. Au lieu de trouver à redire sur ceux que nous rencontrons et de tous les rejeter , nous devrions être rassurés de savoir que quelqu'un ici-bas est parfait pour nous, malgré le fait qu'il ou elle ne soit pas parfait. Dieu nous donne, telle la pièce manquante d’un puzzle, ce dont nous avons besoin pour compléter une belle image - une pièce qui s’adapte à nos propres forces et faiblesses, de sorte qu'ensemble avec notre bashert, nous puissions trouver le bonheur et nous épanouir. Le but des rencontres est de trouver cette personne qui, en dépit de tous ses défauts, parvient à nous faire nous sentir complet durant la vie que nous partageons avec elle.

J'ai parlé à d'innombrables célibataires qui m’ont tous assuré qu'ils cherchent désespérément à se marier. « Qu'est-ce qui vous en empêche dans ce cas? » leur ai-je demandé. La réponse est presque toujours la même. « Je ne suis pas convaincu de ne pas pouvoir trouver mieux. » Leur phobie de l'engagement ne provient pas de l’insatisfaction ressentie en compagnie de ceux rencontrés jusqu'à présent, mais tout simplement de la peur qu’une fois le  « oui » prononcé, ils ne pourront plus continuer à chercher une confiture de qualité supérieure – si bien qu'ils mènent une vie solitaire et se privent du plaisir d’avoir à leur cotés un partenaire.

La paralysie provoquée par TDC est une maladie qu’il nous faut guérir impérativement pour réussir à préserver les idéaux du mariage et de la famille. Pour cela, les célibataires doivent garder à l’esprit que leur besoin de choisir avec discernement, ne doit pas au bout du compte les empêcher de choisir tout court.

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