Monde Juif

LA REINE ELIZABETH II & ISRAËL

10/06/2013 | par Shraga Simmons

En 60 ans de règne, pourquoi n’a-t-elle jamais fait de visite officielle en Israël?

La reine Elizabeth II a célébré l’an dernier son Jubilé de Diamant et sa côte de popularité est toujours bien placée car, croyez-le ou non, Sa Majesté est très en vogue sur Twitter.

Parmi toutes les festivités, cérémonies, dîners d'État, et moments phares du Jubilé, organisés un peu partout dans le monde, on ne peut s’empêcher de noter un fait surprenant, une absence inexplicable dans l’agenda de la reine: en six décennies de règne, elle se rendit en visite royale dans plus de 129 pays différents mais ne vint pas une seule fois en Israël.

Aucune nation, de statut comparable à Israël, similaire en importance et géostratégie, n’a été ignorée de façon aussi flagrante. On dénombre seulement deux apparitions de la famille royale britannique en Israël au cours des 64 dernières années : celle du Prince Philip lors d'une cérémonie en l'honneur de sa mère, et celle du prince Charles venu assister aux funérailles d'Yitzhak Rabin. Les Britanniques ont tenu, à ces deux occasions, à préciser qu'il ne s'agissait là que de simples visites privées, nullement officielles.

Les relations entre les deux pays ont toujours été orageuses et la tension omniprésente. Les théories sont nombreuses pour tenter d’en déterminer la cause.

Le goût amer du Mandat Britannique

En 1922, la Société des Nations mandatait les Britanniques pour établir « un foyer national pour le peuple juif ». Mais les Britanniques réduisirent considérablement sa superficie en allouant 70% des terres concernées à la création de ce qui est aujourd'hui la Jordanie.

Puis, les Britanniques publièrent en 1939 le Livre Blanc, limitant l'immigration juive en Palestine. Cette mesure se révéla si efficace, qu’elle empêcha des millions de juifs de venir chercher refuge en Palestine, les condamnant à périr dans les fours crématoires d'Hitler. Les Juifs qui tentèrent néanmoins de passer outre ce décret pour se rendre en Palestine, furent repoussés ou déportés par les Britanniques dans des camps de détention.

De peur de contrarier leurs alliés arabes, les Britanniques ne firent rien pour accélérer l’implantation du mandat qui leur avait été confié, bien au contraire. Les Juifs perdirent donc patience et exercèrent des pressions sur les Britanniques pour leur faire quitter le pays. Des groupes juifs clandestins rendirent ainsi l'occupation insupportable si bien qu’en Mai 1948, les Britanniques plièrent bagages.

Les Britanniques vécurent très mal, c’est certain, le fait d’avoir été chassés de la région par une entité aussi récente et minuscule. Quatre ans plus tard, la reine Elizabeth accéda au trône tandis que l’orgueil britannique, blessé au plus profond, pansait encore ses plaies. Le goût amer laissé par cette histoire, ainsi que les étroites relations qu’ont toujours entretenues les monarchies britanniques et arabes, pourraient-ils être un des facteurs expliquant le refus de la reine de se rendre en Israël?

Israël vu par la lorgnette du Colonialisme

L'Empire Britannique a conquis pendant des siècles d’autres terres, sur d’autres continents. Elle les maintînt sous son joug, tenant ainsi les rênes d'un quart du monde comprenant les Indes, les Caraïbes, Gibraltar, les îles Malouines, Singapour, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et diverses parties de l’Afrique. L’étendue de son influence et la superficie des territoires sous son contrôle, étaient telles que l’on disait que le « soleil ne se couche jamais sur l'Empire Britannique ».

De nombreux Britanniques soutiennent la cause des Palestiniens et leur « lutte de libération contre l'impérialisme israélien ». Pourrait-il s’agir d’une remise en question, peut-être inconsciente certes, du passé colonial de la Grande-Bretagne ? La comparaison est bien sûr, loin d’être exacte et les différences sont nombreuses : Israël est la patrie historique des Juifs et le contrôle des territoires contestés résulta d'une guerre défensive de la part d’Israël. De plus, Israël n'a jamais cherché à asservir ou exploiter la population arabe. Alors où est la logique dans tout cela?

L’analyste politique Robin Shepherd écrivit dans le Washington Post: « l'Europe est rongée de culpabilité post-impériale. Si bien que la revendication d'Israël sur un lopin de terre au Moyen-Orient, pourrait raviver, il me semble, des souvenirs coupables, notamment parmi mes compatriotes anglais. Des images datant du 19e siècle ressurgissent ainsi à la surface : des Blancs Européens se découpant un morceau du Tiers Monde et asservissant les «peuples inférieurs. » Ceci ne peut qu’aboutir à la création, selon Shepherd « d’un cocktail explosif de sentiment anti-israélien ».

Quelle que soit la (ou les) motivation qui pousse les Britanniques à être hostiles envers Israël, on ne peut ignorer le fait que les diatribes les plus virulentes émanent aujourd’hui de Grande-Bretagne, qu’il s’agisse de sa délégitimation, sa diabolisation, ou le double-standard avec lequel Israël est jugé.

The London Guardian, le journal par excellence des universitaires de Grande-Bretagne et des élites intellectuelles, a suggéré en première page que le permis d'exister d'Israël vienne à expiration car: « L'établissement de [l'Etat d'Israël] a été acheté à un coût très élevé tant en droits de l'Homme qu’en vies humaines. Il doit être évident pour tous que la communauté internationale ne peut supporter ce coût indéfiniment. »

Un autre article du Guardian a fait remarquer qu'Israël n’a « aucun droit moral » et que son comportement « nie la possibilité même de l'existence d'Israël en tant qu'Etat juif. »

Pendant ce temps, Tom Paulin, présentateur de la BBC déclarait: « Je n'ai jamais cru au droit d’Israël d'exister. » (BBC News, la chaine d’actualités de la BBC, a balayé d’un geste cette déclaration, la qualifiant de plaisanterie, ajoutant que le « style provocateur de Paulin avait ébouriffé les plumes de l’aigle américain, chez qui la question juive est plus que sensible, comme tout le monde le sait. »)

Soucieux d’éviter une quelconque ambigüité, le Guardian titrait à la une « Israël n’a tout simplement aucun droit d'exister. », supprimant ainsi radicalement toute équivoque.

Un regard vers l'avenir

Ce qui nous amène aux festivités du Jubilé. On ne peut nier les nombreux aspects positifs présents dans les relations anglo-israéliennes et personne ne peut reprocher à la Couronne Britannique, d'être antisémite. Au fil des ans, rabbins et autres dirigeants communautaires juifs furent anoblis par la reine et nommés à la Chambre des Lords. Une vieille tradition, solidement ancrée parmi les membres de la Maison Royale de Windsor précise que chaque bébé de sexe masculin doit être circoncis par un mohel juif certifié.

Pourtant, le sentiment négatif envers Israël des Britanniques est indéniable. Un sondage de la BBC a montré que les deux tiers des personnes interrogées considèrent Israël comme une influence « essentiellement négative » dans le monde. Un autre sondage d'opinion réalisé par l'Union européenne a placé Israël en première position comme « menace pour la paix dans le monde » - surclassant ainsi l’axe diabolique que représentent la Corée du Nord et l'Iran.

Cette perception a certes pu être été exacerbée par six décennies de refus de la reine de se rendre en Israël.

Israël n'a bien évidemment, nul besoin de la reine pour sa reconnaissance ou sa légitimation. Cependant, la célébration de son Jubilé de Diamant aurait pu être un moment propice pour la reine Elizabeth de prouver par une visite en Israël, son soutien à l’Etat Juif. L’approbation du Foreign Office britannique (Ministère des Affaires Etrangères) aurait dû certes être nécessaire mais il est difficile d'imaginer qu'il aurait osé entraver le désir de la reine d’Angleterre en s’opposant à sa venue.

Une telle démarche aurait révélé l’effort entrepris pour dissiper le nuage persistant de délégitimation et écrire ainsi sous des cieux plus cléments, un nouveau chapitre sur les relations entre les deux pays. Cette main tendue, véritable geste d’apaisement, aurait rajouté sans nul doute un joyau supplémentaire à la couronne déjà prestigieuse de la reine.

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