Monde Juif

Le rav Ovadia Yossef, commandant en chef de la Torah

09/10/2013 | par 'Haim Levy

Le monde juif déplore la disparition de l'une des plus grandes sommités spirituelles de la génération.

Né en 1920 à Bagdad, en Irak, fils de rav Yaakov et Georgia Ovadia, ‘Hakham Ovadia Yossef émigra avec sa famille à Jérusalem à l’âge de quatre ans. À l’âge de l’adolescence, il étudie à la yéchiva Porat Yossef. Il obtient le titre de rabbin à l’âge de 21 ans, et trois ans plus tard, il épouse Margalit Fattal. (Elle décéda en 1994 après qu’ils eurent élevé ensemble 11 enfants).

En 1947, on demanda au ‘Hakham Ovadia de se rendre au Caire, en Égypte pour enseigner et diriger le Bet Din (tribunal rabbinique). En 1949, il retourna en Israël, devenu entretemps l’État d’Israël et poursuivit ses études tout en occupant un poste au tribunal rabbinique de Peta’h Tikva. Il publia également à cette époque le premier de sa série de livres ‘Hazon Ovadia et Yabia Omer. Entre 1958 et 1965, il occupe la fonction de juge rabbinique au Bet Din de Jérusalem, jusqu’à ce qu’il rejoigne la Cour suprême religieuse où il œuvra jusqu’en 1968, date à laquelle il fut élu grand-rabbin sépharade de Tel-Aviv. Il poursuivit cette fonction jusqu’en 1973, date à laquelle le rav Ovadia fut choisi comme grand-rabbin sépharade d’Israël.

En 1984, ‘Hakham Ovadia fonda le parti politique Shass, actuellement le quatrième plus grand parti à la Knesset.

Destiné à la grandeur

À la yéchiva Porat Yossef, l’absence d’un jeune élève pendant quelques jours se fit remarquer. L’équipe enseignante n’avait aucune idée où il se trouvait. Après plusieurs jours, le célèbre Roch yéchiva, le ‘Hakham Ezra Attia (1885-1970), l’un des plus grands érudits en Torah du vingtième siècle dans le monde sépharade (on comptait parmi ses élèves le ‘Hakham Ben Tsion Abba Chaoul, le rav Kadouri et d’autres) fut gagné par l’inquiétude et décida de se rendre au domicile de l’élève.

Lorsque le ‘Hakham Attia s’adressa au père, ce dernier expliqua que la famille possédait une petite épicerie et qu’il avait besoin de l’aide de son fils comme garçon livreur. Le ‘Hakham tenta de convaincre le père de l’importance de l’étude de la Torah, et essaya de trouver une solution au problème de main-d’œuvre, mais en vain. Le père n’en démordait pas.  

Le lendemain matin, lorsque le père se rendit au magasin, il fut stupéfait de découvrir ‘Hakham Attia, le Roch yéchiva en personne, debout devant le magasin en habits de travail. Interrogé par le père, le rav répondit : « L’étude de votre fils est incontestablement plus importante que la mienne et vous assassinez le prochain Gadol (grand rav) de la future génération. Alors, je serai votre garçon livreur à sa place. Renvoyez simplement votre fils à la yéchiva ! »

Le père comprit le sérieux de la requête du rav et renvoya son fils à la maison d’étude. Ce garçon devint le rav Ovadia z’’l.

Un prodige en Torah

Le ‘Hakham Ovadia est peut-être particulièrement célèbre pour l’étendue de ses connaissances, comme le prouvent ses responsa en Loi Juive. Dans une responsa ordinaire, il peut citer plus de 50 sources sur un sujet donné. J’ai eu le privilège de fréquenter son domicile et de prier avec lui. On ne voyait ni les murs, ni le papier peint, mais uniquement des milliers de sefarim (livres de Torah) rangés selon un ordre particulier. De temps en temps, j’en prenais un et regardais à l’intérieur : je découvrais dans chaque livre, au bout de trois pages, les commentaires du rav écrits à la main. 

Une fois, un invité entra et annonça à la ronde : « Rav, j’ai entendu que vous avez une mémoire photographique. Est-ce vrai ? Connaissez-vous tous ces livres par cœur ? »

Ceux qui étaient présents dans la pièce le mirent au défi d’essayer de dérouter le rav. « Prenez n’importe lequel de ces milliers de livres, commencez à lire une ligne et le ‘Hakham Ovadia la finira, » affirmèrent-ils.

Alors que l’homme se dirigeait vers une série du Shass (le Talmud), tout le monde commença à sourire. « Vous voudrez peut-être tenter quelque chose de plus difficile, » lui dirent-ils.  

Son fils, le ‘Hakham David Yosef chlita m’a confié une fois au nom de son père : « Il souhaiterait que tout le monde sache que sa maîtrise de la Torah n’est pas seulement due au fait qu’il est un prodige ; elle tient aussi à ses efforts infatigables et son labeur dans la Torah. » Un matin, ses enfants assistèrent à une scène très étrange ; le rav Ovadia se leva à toute allure, courut en direction de l’évier pour se laver les mains, récita la Birkat HaTorah (bénédictions récitées avant l’étude de la Torah) et se précipita pour regarder une responsa du Rivach. Les enfants étaient très curieux d’obtenir une explication. « Nous connaissons ton amour pour la Torah, » lui dirent-ils, « mais pourquoi une telle urgence ? »

Il répondit que la nuit précédente, il s’était efforcé de comprendre deux phrases apparemment contradictoires du Rivach, qui lui semblaient insolubles. Après avoir réfléchi à ce sujet pendant un certain temps, il résolut la contradiction. « Dans mon sommeil, » poursuivit ‘Hakham Ovadia, « le Rivash m’est apparu en rêve et a affirmé : "Tu as en effet compris mes intentions, il n’y a pas de contradiction entre mes deux affirmations. Tout est clarifié dans une autre source que j’ai écrite." Dès mon réveil, je suis allé vérifier la source qu’il a mentionnée et en effet, je l’ai trouvée. »

Une soif intarissable

Le rav Ovadia avait une soif pour la Torah qui est un exemple pour nous tous. Un matin, très tôt, son fils se leva et vit son père étendu sur le sol en train d’étudier. Inquiet, il demanda à son père : « Pourquoi le rav est-il par terre ? »

Et le ‘Hakham Ovadia de répondre : « Je me suis levé tôt pour étudier, j’ai grimpé sur une échelle pour prendre un livre et je suis tombé par terre. J’ai essayé d’appeler à l’aide, mais mes douleurs étaient trop fortes et personne n’a entendu mon appel ; alors plutôt que d’être allongé simplement sur le sol et de me contenter de me tordre de douleur et de perdre mon temps, j’ai attrapé le premier sefer que je pouvais atteindre dans cette position et j’ai décidé d’étudier. » On découvrit plus tard qu’il s’était cassé un os et qu’il devait subir une opération.

Un cœur dévoué au peuple

Il y a dix ans environ, le rav Ovadia subit sa première attaque cérébrale et on le transporta d’urgence à l’hôpital. Les médecins décidèrent qu’ils devaient l’opérer immédiatement. Le rav Ovadia implora le report de l’opération de trois heures et demanda à être reconduit chez lui. Le rav Arié Derhi fut pris au dépourvu par cette étrange requête et tenta de convaincre le rav de ne pas attendre. Après l’opération reportée, le ‘Hakham Ovadia révéla la raison de sa demande : à la maison, il était occupé à écrire une responsa pour une agouna (une femme dont le statut de femme mariée d’après la Loi juive est incertain) et en raison de la crise cardiaque, il n’avait pas pu la finir. « Il se peut que je ne sorte pas vivant de cette opération, et qu’adviendra-t-il de cette pauvre femme ? Elle sera piégée pour le reste de sa vie, incapable de se remarier. Je devais absolument finir la responsa avant l’opération. » 

Mais le caractère exceptionnel du rav Ovadia se situe au-delà de son intelligence et de sa compassion. Il possédait quelque chose d’autre qui lui confère son caractère irremplaçable : il était le commandant en chef de la communauté mondiale de la Torah. Quel que soit l’aspect de la vie juive concernée, il était l’adresse où tous se rendaient.  

‘Hakham Ovadia possédait cette faculté unique : il pouvait s’entretenir non seulement au niveau des hommes les plus sages de la génération, mais s’adresser tout aussi bien aux hommes du peuple. Il ménageait un temps pour chacun, et tout le monde se reposait sur lui pour la sagesse de la Torah. De Menakhem Bégin, qui sollicita son conseil avant de rendre le désert du Sinaï à l’Égypte, à des premiers ministres et des Présidents actuels qui prenaient conseil auprès de lui avant de prendre des décisions majeures. Il était courant de voir la rue bloquée en raison de la visite de responsables de haut rang venus chercher conseil et bénédiction auprès du rav.

En tant que résident de Har Nof, j’ai eu le privilège de vivre dans le même pâté de maisons que ce Sage de la Torah, et j’étais habitué à ce phénomène, ainsi qu’à celui de nombreux Israéliens non religieux qui bloquaient la rue pour la brit-mila de leur fils qui avaient le rav Ovadia comme sandak.

Rien d’étonnant donc à ce qu’entre 850 000 et 1 million de personnes ont assisté à ses obsèques, tandis que 200 000 autres personnes se sont retrouvées bloquées à l’extérieur de la ville de Jérusalem qui avait été fermée à toute circulation (c’est le plus grand enterrement de l’histoire d’Israël). Depuis des Juifs traditionnels qui assistaient à ses milliers de cours à des Juges de la Cour suprême juive qui lui présentaient des cas qu’ils n’arrivaient pas à résoudre, près de 15% de la population de l’État d’Israël est venue lui rendre hommage.

La grandeur du ‘Hakham Ovadia ne tenait pas seulement à ses connaissances en Torah et à son caractère exceptionnel, mais aussi à ce qu’il fut capable de prouver au monde, dans toutes les situations possibles, que la Torah a des réponses à tout. Cela s’est clairement reflété dans ses obsèques : par le grand nombre de participants et l’incroyable diversité de ceux-ci. Des Juifs de tous horizons et de tous les milieux possibles étaient présents, solidaires avec leur prochain, pleurant la perte d’un si grand homme.

Lors de la chiva d’un grand Sage en Torah à Jérusalem, j’entendis une fois le rav Ovadia Yossef expliquer le concept suivant : « Nous disons : HaMakom yinah’em ot’hem betokh chaar avlé Tsion véYérouchalayim - Que le Lieu (le Tout-Puissant) vous réconforte parmi ceux qui sont en deuil pour Sion et Jérusalem. On interprète généralement HaMakom comme une référence au Tout-Puissant qui est "Le Lieu" de l’univers. Mais le rav Ovadia expliqua que cela peut aussi signifier : « la place » de la personne dans le Monde futur vous consolera, à savoir la place éternelle qu’elle a acquise grâce à sa Torah et ses mitsvot.  

Puisse la place à laquelle le rav Ovadia a conduit le judaïsme mondial, et en particulier le monde sépharade d’aujourd’hui - à un niveau que l’on ne pouvait pas même concevoir quelques années auparavant – nous apporter une certaine mesure de réconfort afin que nous puissions perpétuer son héritage.

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