Monde Juif

Loin Des Sentiers Battus

29/03/2011 | par Robin B. Zeiger

Il faut parfois sortir des ornières pour avancer.

L’autre jour je me suis senti obligée de retrouver les mots du poème de Robert Frost ‘ Hors des Sentiers Battus’. Du fond de ma mémoire poussiéreuse, j’entendais bien son refrain, mais j’étais incapable de me souvenir du poème en entier. Il fallait que je le retrouve pour ressentir à nouveau son sens profond.

Cela fait maintenant un an que nous sommes sortis des 'Sentiers Battus’. Moi, mon mari et nos quatre enfants avons pris la grande décision de monter en Israël, de faire notre Alya. Nous avons quitté notre maison, nos brillantes carrières, nos tonnes d’amis, pour nous lancer sur une route complètement nouvelle.

Ce n’est peut être pas un hasard si j’ai maintenant mon propre petit 'sentier' désert. Les Israéliens sont les rois des raccourcis pour éviter les bouchons, et moi aussi j’ai le mien. Je quitte généralement le village par une route, ou plutôt un chemin de terre, qui longe l’autoroute sur une petite distance. Le truc, c’est qu’au bout de cette route j’arrive au feu, je prends à gauche et hop! j’ai dépassé le bouchon.

Au volant de ma bonne vieille et nonchalante Toyota, je me prends souvent à réfléchir sur la symbolique de mon raccourci, et je me dis qu’il est a l’image de notre vie.

Un beau jour, alors que je me trouvais être particulièrement en retard pour mon cours d’Hébreu, j’ai dû arrêter net ma voiture : des tas de graviers noirs bloquaient ma route sans que je puisse les contourner. Il m’était difficile de faire demi-tour ou marche arrière, mais je l’ai fait quand même. Le lendemain, sans savoir pourquoi, j’ai re-tenté mon raccourci, et cette fois les graviers noirs étaient partis. Une partie de la route était devenue beaucoup plus confortable grâce aux gentils ouvriers gravillonneurs, qui qu’ils fussent. Toute heureuse, j’ai appelé la maison et je leur ai annoncé : ils ont réparé ma route ! Vous me trouverez un peu égoïste, mais a partir de cet instant là c’était devenu MA route.

Comme j’emprunte souvent ce trajet au volant de ma bonne vieille et nonchalante Toyota, la route me parle. Elle exprime le changement et la transformation, elle exprime la simplicité, et elle suggère des lendemains plein de possibilités. Il n’y a pas si longtemps je n’aurais jamais imaginé prendre le volant sur un tel chemin, ni échanger mon beau Chrysler Voyager contre cette vieille Toyota. Encore moins habiter dans un village qui sent la vache et où les montons viennent paître dans le parking de l’école.

Nous avons sauté dans le grand bassin avant de savoir nager

Mais mon mari et moi aimons les difficultés semble t’il. Nous sommes venus en Israël alors que nos enfants étaient adolescents – ça c’est très difficile à gérer. Et tout ça en abandonnant notre carrière professionnelle pour repartir à zéro. En fait, nous avons décidé  de sauter dans le grand bassin avant de savoir nager. Les bonnes âmes de Nefesh BeNefesh (une organisation qui assiste les nouveaux immigrants), ont bien essayé de nous faire atterrir en douceur. Ils nous ont recommandé de nous installer plutôt à Modiin ou Beit Shemesh, où vivent tant d’autres anglophones avec leurs enfants -  qui ont en plus l’âge des nôtres. Mais nous avons préféré les vaches, l’Hébreu et la compagnie des Israéliens de souche. C’est certainement un défi – mais c’est aussi un enseignement quotidien.

Et les enseignements que me livre ma petite route continuent. Un jour que je m’élançais, croyant la voie libre, j’aperçus un aimable personnage qui me hurlait quelque chose en Hébreu. Incapable de comprendre ce qu’il racontait, j’ai continué ma route. Vous savez quoi ? Le gentil gravillonneur avait livré quelques nouveaux tas de graviers noirs. Sûrement pour réparer la route. Mais cette fois je n’ai pas eu besoin de rebrousser chemin. J’avais un peu de place pour passer entre les tas, en escaladant un peu toutefois. Après un moment d’hésitation j’ai donc tenté ma chance et je suis passée. Il faut parfois sortir des ornières pour avancer...

Régulièrement quand j’emprunte ce trajet, il me vient un nouvel enseignement. Parfois sur combien la force réside dans la simplicité. Parfois sur la nécessité de quitter le bruit et l’agitation. Parfois sur notre solitude dans la voie que nous avons choisie. Je prie seulement de rester sensible à la profondeur qui se cache dans la simplicité. Il nous est tellement plus facile de passer d’une activité à une autre, sans jamais nous attarder sur les enseignements simples qui parsèment notre route.

En relisant les vers de Frost, écrits il y a si longtemps, un autre passage attira mon attention : ‘Néanmoins, sachant comment un sentier débouche sur un autre sentier, je doutais de jamais revenir’. Je ne veux pas revenir. Ce carrefour de notre vie me plaît. Le Créateur nous a semble t’il doucement mis sur la bonne voie, et je Lui suis reconnaissante du Sentier que nous empruntons.

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