Le Couple

Notre 60ème anniversaire de mariage : le secret des couples qui durent

15/11/2017 | par rabbin Benjamin Blech

Le fondement d'un couple réussi ? Vous l'avez appris en maternelle...

La semaine dernière, mon épouse et moi avons franchi un cap majeur : nous avons célébré notre 60ème anniversaire de mariage.

Bien que les gens vivent plus longtemps de nos jours, la durée des mariages heureux semble s’être raccourcie. Quand j’ai mentionné par hasard ma sim’ha personnelle lors d’une conférence à Los Angeles face à un public qui comprenait de nombreuses célébrités d’Hollywood, une personnalité bien connue m’a confié avec un sourire en coin : « Rabbin Blech, être marié pendant 60 ans n’a rien d’exceptionnel dans notre milieu. Mais il nous faut généralement environ cinq ou six femmes pour y parvenir. »

Rabbin Blech et son épouse le jour de leur mariage.

Ce qui m’a le plus frappé parmi les innombrables bons souhaits et félicitations venant de jeunes amis et connaissances a été la question que la quasi-totalité d’entre eux m’ont posée : « Quel est donc votre secret ? »

Comme si le fait de rester mariés est aujourd’hui considéré comme tellement inhabituel que ce phénomène nécessite une sagesse mystique presque surnaturelle. Comme si le fait de réussir son couple est une tâche allant au-delà des capacités d’un couple qui entame sa vie à deux avec des rêves communs et un amour passionné. Comme s’il doit obligatoirement exister une espèce de secret divin, caché de la plupart des humains, qui pourrait permettre la réalisation de la vérité universelle de Dieu affirmant qu’ « il n’est pas bon pour l’homme d’être seul ».

Laissez-moi donc répondre à cette question le plus directement possible. Il n’y a pas de secret. C’est une idée que nous connaissions depuis notre plus tendre enfance. Le défi n’est donc pas de la découvrir mais de nous en souvenir. C’est peut-être la toute première chose que l’on nous avait enseignée quand nous avions commencé à apprendre comment vivre en société.

Il y a plusieurs années, a paru un livre devenu contre toute attente un best-seller international. Écrit par Robert Fulghum, il portait un titre particulièrement éloquent : « Tout ce que j’ai vraiment besoin de savoir je l’ai appris en maternelle ». Personne ne s’imaginait que les vérités simples qu’il contenait allaient toucher des millions de lecteurs.

Ce fameux livre a une suite juive. Ce n’est que bien plus tard dans ma vie que j’ai pris conscience que tout ce que j’ai vraiment besoin de savoir je l’ai appris quand j’ai entamé mes études juives.

J’ai commencé à étudier le Talmud très jeune. Le curriculum, suivi par la plupart des écoles d’enseignement du judaïsme, nous a fait commencer par un passage célèbre du traité Baba Metsia qui traite du cas où deux personnes revendiquent le droit sur un même vêtement trouvé. « L’un dit : "je l’ai trouvé", l’autre dit : "je l’ai trouvé" : l’un dit : "tout est à moi", l’autre dit : "tout est à moi". » Il incombe donc au tribunal de trancher. Les deux parties doivent d’abord prêter serment pour confirmer leurs positions respectives. Ensuite, le verdict final est prononcé : ils devront le partager entre eux. Ni l’un ni l’autre ne remporte la totalité du vêtement. La solution est la suivante : ils doivent partager.

Autrefois je m’interrogeais sur la sagesse rabbinique qui avait fait de ce débat spécifique une entrée en matière à l’étude du Talmud pour les petits enfants. N’aurait-il pas été plus approprié de nous introduire au Talmud et à la loi juive par un passage traitant des bénédictions et prières, des moyens de servir Dieu ou peut-être de la sainteté et la charité ?

Eh bien non ! Aucun de ces sujets n’est aussi impératif que celui d’inculquer dans nos tendres esprits l’importance d’apprendre que dans ce monde on ne peut pas toujours gagner pour la simple raison que l’on dit : « c’est à moi. » On ne peut pas revendiquer pour soi-même une chose à laquelle autrui prétend tout aussi légitimement. Le monde n’est pas là pour qu’on en profite unilatéralement ; il est destiné à ce qu’on divise, à ce qu’on partage, à ce qu’on accorde une légitimité égale au droit d’autrui.

C’est la même vérité que Robert Fulghum a désignée comme leçon clé à retenir de la maternelle. Nous venons au monde en tant qu’être unique, à qui tout est donné par des parents dévoués et bienveillants. Pour être digne d’unir par la suite notre destin à celui d’une autre personne, nous devons aller de l’avant, être en mesure de jouir du cadeau merveilleux de l’amitié, mûrir et progresser suffisamment pour respecter les droits des autres.

Toutes les choses sont intrinsèquement « bonnes », à condition qu’elles soient partagées avec autrui.

Aimer c’est partager. Partager c’est reconnaître que le pronom « je » n’a pas autant d’importance que le pronom « nous ». Et c’est peut-être la signification profonde qui se cache derrière le terme anglais « wedding » (mariage), dans lequel le « we » (nous) précède le « I » (je). Partager c’est reconnaître qu’il doit exister des moments où tes besoins passent avant les miens, où tes désirs doivent devenir mes ordres. Partager c’est savoir que même si deux personnes ne sont pas identiques, elles sont tout de même égales – avec des désirs différents qui méritent le respect même quand ils sont désapprouvés par l’autre.

Quand Dieu créa le monde, la Torah nous dit qu’il conclut chaque acte de création avec l’observation que « c’était bien ». La première occurrence biblique de l’expression « il n’est pas bon » apparaît en ce qui concerne la solitude. « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul » dit Dieu. Et dans une magnifique réflexion, le commentaire rabbinique souligne que cette remarque ne renvoie pas uniquement à la solitude d’Adam mais également au jugement de valeur porté précédemment sur tout ce que le Tout-Puissant avait créé. En d’autres termes, elle nous indique que toutes les choses qui ont été créées par Dieu sont intrinsèquement « bonnes », à condition qu’elles soient partagées avec autrui.

Le monde d’aujourd’hui fait l’apologie des « selfies », de la suffisance, de la satisfaction narcissique. C’est un monde dans lequel le mot droit possède une valeur suprême, sur le plan politique, social et interpersonnel. L’expression reine est « tout est à moi » et le verdict talmudique consistant à diviser et partager est considéré comme un anachronisme dépassé. « Accepter un compromis » est trop souvent perçu comme un synonyme un peu plus élégant  de « perdre la moitié de ses droits ». Or personne ne veut passer pour un perdant, même dans une toute petite mesure.

Il est bien dommage que tant de gens ne se souviennent plus de ce qu’ils ont appris en maternelle ni lors de leur première rencontre avec l’étude du Talmud. Partager c’est gagner. Mener sa vie avec le crédo qui remplace « c’est à moi » par « c’est à nous » ne revient pas renoncer à la moitié de ses droits. Cela revient à offrir aux deux conjoints la possibilité presque miraculeuse de tout gagner.

Le sentiment que tout nous est dû engendre d’interminables exigences. À l’inverse l’engagement crée le désir de parvenir à un bonheur durable en donnant, en aimant, en partageant et en respectant l’autre au moins autant que soi-même. Elaine et moi nous sommes engagés à être présent l’un au côté de l’autre, et c’est ainsi que nous nous sommes découverts. Nous nous sommes engagés à œuvrer continuellement pour l’épanouissement de notre couple, et c’est notre engagement mutuel qui a fait de nous des êtres épanouis pour notre cercle familial et social. Nous avons partagé un engagement profond pour Dieu et Ses valeurs, et c’est ainsi que nous avons bénéficié de bénédictions célestes sans pareilles.

L’idée de fonder sa vie commune sur les principes du partage, de l’engagement au lieu du sentiment que tout vous est dû, n’a jamais été un secret. C’est cette idée précise qui a offert à mon épouse, Elaine, et à moi-même 60 ans de bonheur ensemble. Et c’est pourquoi, dans le même esprit, je suis heureux de la partager également avec vous, tout en formulant une prière que Dieu vous accorde à votre tour des bénédictions de bonne santé, de longévité et qu’Il vous comble de Sa bonté.

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