Israel

Opération Entebbe : le pilote français de l’avion détourné raconte son enfer

07/07/2015 | par Laly Derai

"Aujourd’hui, je peux dire sans l’ombre d’un doute que je dois ma vie à Tsahal !"

Michel Bacos a 87 ans, mais sa mémoire est intacte. Le commandant du vol Air France 139 et de l’Airbus A300 piraté par les terroristes de la bande à Bader et du FPLP, le 27 juin 1976, se souvient précisément de chaque instant du drame : de l'instant où un terroriste a fait irruption dans son cockpit jusqu'au retour en Israël, après le raid israélien sur Entebbe. Il relate pour Hamodia sa version de l’opération Yonathan, qui fête cette année, ses 39 ans.

Hamodia : Le 27 juin 1976, quatre terroristes détournent votre avion, un Airbus A300 d’Air France qui venait de Tel-Aviv et se rendait à Paris après une escale à Athènes. À quel moment avez-vous compris que vous étiez en train de vivre un détournement d’avion ?

Michel Bacos : Peu après avoir décollé d’Athènes, vers 12h30 heure locale, nous avons entendu des cris en cabine. Pensant qu’un incendie s’était déclaré, j’ai envoyé l’ingénieur Jacques Lemoine le vérifier. À peine avait-il ouvert la porte qu’il s’est retrouvé face au terroriste allemand, Wilfried Böse, qui tenait en main un pistolet et une grenade. Il a obligé Lemoine à se coucher par terre et lui a collé son pistolet sur la tempe. Nous étions alors sur pilotage automatique et je me souviens avoir supplié Böse de ne pas tuer Lemoine. Je n’arrêtais pas de dire : No please, no please ! Ces deux minutes ont été interminables… J’étais persuadé que Lemoine allait être exécuté ! Böse a ensuite expulsé le copilote du cockpit et s’est assis derrière moi.

- Et là, pas question d’essayer de résister…

M.B. : En effet. Nous n’avions pas d’armes et je ne pouvais pas me permettre de mettre la vie de mes passagers en danger. L’Allemand a écrasé mon masque à oxygène et a confisqué mon micro. Il m’a ordonné de prendre cap au sud, direction Benghazi en Lybie. Arrivés aux alentours de Benghazi, l’Allemand m’a prévenu que je ne devais pas tenter d’atterrissage brutal parce que toutes les issues avaient été dynamitées ! À Benghazi, une ressortissante britannique, Patricia Heiman, a été libérée puis expédiée vers Londres. J’ai appris plus tard qu’elle a été « cuisinée » durant plusieurs heures par les services spéciaux israéliens.

- La raison de cette escale en Lybie ?

M.B. : Il fallait faire le plein de kérosène et de nourriture. Et vérifier l’appareil. J’ai exigé que le copilote me remplace parce que j’étais exténué. Sept heures plus tard, à 21h40, après avoir rempli les réservoirs, nous avons décollé vers une destination inconnue. Ce n’est que trente minutes avant notre arrivée que Böse m’a révélé que nous dirigions vers Entebbe.

- Que s’est-il passé à votre arrivée ?

M.B. : Nous avons été placés dans une salle où nous étions serrés comme des sardines. De l’avion jusqu’à la vieille aérogare, nous avons traversé une haie de soldats ougandais armés jusqu’aux dents.

Nous étions épuisés. Le lendemain, nous avons reçu la visite d’Amin Dada qui a récité un laïus qu’il répétera ensuite à chacune de ses visites : « Je suis votre ami et l’ami de l’État d’Israël. Mais si vos gouvernements souhaitent votre libération, ils doivent accepter les conditions de l’ultimatum. »

Le mardi soir, les terroristes ont annoncé que nous devions nous séparer : les otages israéliens seraient placés dans une salle et les autres otages – ainsi que l’équipage – dans une autre. L’Allemand a également interdit toute communication entre les deux salles attenantes. C’est à ce moment-là que je me suis levé et que je lui répliqué qu’étant responsable du bien-être de mes passagers, je devais pouvoir leur rendre visite à n’importe quel moment. Böse a accepté. Un peu plus tard, on apprenait que 47 passagers, tous issus de la salle « non-israélienne » allaient être libérés…

- Comment ont réagi les passagers israéliens à ce que certains ont décrit comme une « sélection » raciste ?

M.B. : Ils étaient abattus et je les comprends. Tout cela était très suspect. Vous savez, j’ai combattu pendant la Seconde guerre mondiale dans les FFL, sous les ordres du général de Gaulle et j’ai combattu les nazis. Le génocide est une horreur que personne d’entre nous n’avait oubliée.

- Pourquoi avez-vous décidé de rester alors que vous auriez pu partir avec les passagers libérés ?

M.B. : C’est une question d’éthique. Lorsque l’Allemand nous a prévenus que 47 passagers allaient être libérés, j’ai réuni l’équipage et leur ait dit qu’il était hors de question que nous quittions Entebbe sans nos passagers. Ils ont tous accepté immédiatement sans que j’aie besoin d’insister. Cela fait partie des traditions : un équipage ne quitte pas ses passagers. Un point c’est tout.

- Parlons de l’opération militaire. Est-ce que c’était un scénario que vous aviez envisagé ?

M.B. : Je n’y croyais pas, mais les Israéliens, eux, étaient persuadés du contraire. « Vous verrez, Tsahal va venir nous chercher, les Israéliens n’abandonnent jamais leurs compatriotes », nous disaient-ils. Je leur répondais : « Je veux bien, mais vous savez, Entebbe c’est loin de Tel-Aviv. » Et ils me disaient : « Ça n’a pas d’importance, Tsahal trouvera un moyen. »

- Comment avez-vous réagi lorsque Tsahal est arrivé ?

M.B. : J’ai d’abord cru que les pirates allaient nous liquider. Mais ils étaient trop occupés à tirer sur les soldats de Tsahal et à éviter les tirs israéliens. J’ai hurlé à tout le monde de rester par terre. Les terroristes ont tous été éliminés, mais malheureusement, trois otages ont été tués durant l’opération. Les soldats nous ont fait courir vers le Hercules qui nous attendait. Ce n’est que dans l’avion que nous avons remarqué la tristesse sur le visage des soldats qui venaient de perdre leur officier, Yoni Nétanyaou. Un autre soldat, Sorin Hershko, avait été touché à la colonne vertébrale. Il est aujourd’hui tétraplégique. Nous sommes en contact régulier et j’admire cet homme qui n’a pas hésité à se sacrifier pour nous sauver et qui garde toujours le sourire, malgré les épreuves. Le pilote de l’avion, Amnon Halivni, a vu mes galons et m’a dit : « Votre place n’est pas ici, mais dans le cockpit. » Je suis monté près de lui et ai assisté aux manœuvres précises réalisées pour éviter les radars. Et puis au beau milieu de la Mer Rouge, nous avons soudain vu les avions de chasse de Tsahal qui venaient nous escorter pour les derniers kilomètres de ce long trajet.

- Racontez-nous l’accueil qu’on vous a réservé.

M.B. : À Béer-Chéva, nous avons été accueillis par Its’hak Rabin et Shimon Pérès. Rabin m’a abordé et m’a félicité pour mon comportement. Mon équipe, qui était encore en pyjama, a reçu des vêtements et nous avons été conduits à l'aéroport Ben Gourion où une foule énorme nous attendait. Après cet accueil chaleureux, nous nous sommes rendus à un hôtel où je me suis douché à trois reprises ! Ensuite, nous avons téléphoné à nos familles puis pris un vol pour Paris où nous attendait la direction générale d’Air France qui nous a félicités et remerciés et nous a accordé quinze jours de vacances pour récupérer. Nous étions rentrés chez nous. C’était la joie après le cauchemar et aujourd’hui, je peux dire sans l’ombre d’un doute que je dois ma vie à Tsahal…

Cet article a paru dans le Hamodia.

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