Israel

Pourquoi ma mère s’installe en Israël

15/12/2015 | par Richard Rabkin

Maintenant plus que jamais, dans cette période si éprouvante, ma mère a voulu affirmer haut et fort son soutien au peuple d’Israël : je suis avec vous !

Cette semaine, ma mère a fait sa Alyah. Toute seule. À l’âge de 70 ans.

Comment une femme de 70 ans originaire du Canada a-t-elle pris la décision de s’installer en Israël toute seule ? La réponse tient en fait à une histoire passionnante…

L’invitation personnelle de Golda Méir

Ma mère, Brenda Yablon, est née à Montréal dans les années 1940. Scolarisée en école primaire juive, elle excellait dans la plupart des disciplines, y compris l’hébreu. En 1957, quand Maman était âgée 12 ans, la ministre  des Affaires étrangères d’Israël Golda Méir se déplaça à Montréal pour collecter des fonds et accroître le soutien envers le jeune État juif. Parmi ses interventions, elle tint à s’adresser à la jeunesse juive locale lors d’une conférence qui se déroula au Forum de Montréal, une salle omnisports qui accueillait entre autres l’équipe de hockey des Canadiens de Montréal.

Bien que Golda parlait couramment l’anglais (ayant grandi aux États-Unis), le gouvernement israélien avait décidé que sa ministre des Affaires étrangères devait s’adresser aux foules en hébreu. Les journalistes de la presse locale firent le déplacement pour couvrir l’événement mais ne comprenaient bien entendu pas l’hébreu. Ils se mirent donc en quête d’un écolier qui pourrait leur traduire le discours. À l’unanimité, les jeunes participants les dirigèrent vers Brenda : « C’est elle la plus douée de la classe en hébreu, elle pourra jouer les interprètes ». Et ce qu’elle fit.

Une fois l’intervention terminée, l’un des accompagnateurs de Golda apprit l’histoire de cette traductrice en herbe âgée de 12 ans et s’empressa de la raconter à la ministre. Cette dernière insista pour que l’on retrouve la fillette et qu’on la lui présente.

— Quelle âge as-tu, jeune demoiselle ? demanda Golda à ma mère.

— Douze ans, répondit cette dernière.

— Et à douze ans, tu parles déjà l’hébreu  aussi couramment ? s’étonna la ministre. Et tout en lui serrant tendrement les mains entre les siennes, elle lui confia : L’État d’Israël a besoin de jeunes gens comme toi. Une fois que tu auras terminé tes études, rejoins-nous pour nous aider à construire le pays. J’espère te revoir bientôt parmi nous.

Direction Kibboutz !

Son bac en poche, ma mère supplia ses parents de la laisser passer quelque temps en Israël. Après  force cajoleries, ils acceptèrent finalement de l’envoyer travailler pendant un été dans un Kibboutz. Elle s’installa au Kibboutz Gvat où elle travailla comme fille au pair chez une famille appelée Shachak. Par la suite, elle découvrit que ses hôtes étaient originaires de la même ville que ses propres parents, celle de Lodz en Pologne, et qu’ils étaient même… cousins.

Cet été passé au Kibboutz ne fit qu’aiguiser la soif de découverte de ma mère, mais elle s’était déjà inscrite en première année de licence à la prestigieuse université Mc Gill de Montréal. De retour au Canada, elle apprit que l’Université hébraïque de Jérusalem allait lancer un programme d’échange universitaire destiné aux étudiants de premier cycle issus de pays anglophones. Elle se renseigna donc pour savoir si l’université de Mc Gill reconnaissait ce programme spécifique pour l’obtention de crédits. On l’informa que pour être qualifiée pour ce programme, elle devrait au préalable obtenir la signature de chacun des professeurs chargés des différents cours qu’elle prévoyait de suivre à Jérusalem. Ma mère releva ce défi et en 1964, elle rejoignit le tout premier programme d’échange de l’Université hébraïque de Jérusalem pour les étudiants de premier cycle. Un programme devenu aujourd’hui célèbre.

Ma mère sut tirer le meilleur parti de son séjour en Israël. Elle apprit à connaître le peuple israélien comme étant honnête, chaleureux et intelligent, tout en étant investi de la mission particulière du peuple juif. Elle y vécut des expériences uniques en leur genre, comme cette fouille archéologique du site de Massada, récemment découvert, sous la direction du célèbre archéologue Yigaël Yadin. Ma mère passa plusieurs semaines à excaver les ruines bibliques, dormant dans des tentes temporaires. Ce fut d’ailleurs durant cette mission que son groupe mit à jour les tessons de poterie avec lesquels les assiégés tirèrent au sort ceux qui seraient les derniers à se donner la mort pour empêcher leur capture par les légions romaines.

À la fin de son année universitaire, ma mère décida qu’elle voulait faire sa vie en Israël.

 Richard Rabkin with his motherL'auteur avec sa mère à l'aéroport Ben-Gourion

Mais avant cela, elle devait retourner à Montréal pour un an afin de terminer sa licence. C’est alors qu’un prestigieux programme de Master s’y ouvrit, et elle s’y inscrivit. Peu de temps après, elle se maria, eut des enfants et… la vie suivit son cours.

La boucle est bouclée

Enfant, je ne me souviens pas entendre ma mère parler si souvent d’Israël. Elle était bien entendu occupée à élever ses enfants, travailler et s’efforcer par tous les moyens de joindre les deux bouts. Mais quand j’étais à la fac, l’un de mes amis qui avait suivi sa première année de licence à l’Université hébraïque de Jérusalem me régala de récits sur son séjour en Israël, éveillant ainsi mon intérêt. Alors en 1996, 32 ans après que ma mère ait rejoint la toute première édition de ce programme d’échange, je m’y inscrivis à mon tour.

Cette même année, ma mère vint me rendre visite en Israël, son premier séjour de longue durée depuis 1964. Je suppose que le fait de me voir vivre les mêmes expériences qu’elle avait vécues 32 ans auparavant éveilla une certaine nostalgie qui sommeillait en elle depuis quelque temps. Mais, comme le reconnut ma mère, elle n’en était qu’à ses balbutiements.

La vie suivit son cours, ma mère étant fort prise par son commerce, devenu heureusement prospère. Arrivée à l’âge de la retraite, elle se mit en quête d’un pays chaud où elle pourrait fuir les quelques redoutables mois d’hiver canadien. Son choix fut vite fait : Israël.

La première année, elle y passa deux mois, l’année suivante, ce fut 3 mois, puis 4 et 5. Et à 70 ans, elle a finalement fait sa Alyah (elle passera ses étés au Canada).

« Plus de cent membres de ma famille ont été tués par les Nazis parce qu’ils étaient Juifs. Pour eux, je veux vivre comme une Juive. »

« Je suis vraiment reconnaissante pour toutes les opportunités que le Canada m’a offertes à moi et ma famille, mais quand je suis en Israël, je me sens chez moi » m’a-t-elle confié. « Quand je nage dans la Mer Méditerranée, j’imagine les navires du roi Salomon accostant pour livrer les cèdres du Liban. Quand je marche à Jérusalem dans les tunnels construits par le roi Ézéchias durant l’ère du premier Temple, je suis submergée par l’émotion. Ce sont les mêmes ruelles que mes ancêtres ont arpentées des milliers d’années auparavant. Moi aussi, je veux faire partie de cette glorieuse  histoire ! »

Quand je demande à ma mère pourquoi c’est précisément maintenant, à une époque si éprouvante aussi bien en Israël que dans le monde, qu’elle a franchi ce pas, elle me répond : « C’est maintenant plus que jamais que je veux affirmer haut et fort mon soutien au peuple d’Israël : “Je suis avec vous !” En tant qu’ancienne journaliste, je veux écrire des articles web pour expliquer le vrai visage d’Israël, non pas celui qui est décrit à travers l’objectif déformé des médias. »

A-t-elle peur de vivre en Israël ? « Je me sens davantage en sécurité en Israël que n’importe où ailleurs dans le monde. Et puis, savez-vous quoi ? Plus de cent membres de ma famille ont été assassinées par les Nazis. Si eux ont été tué parce qu’ils étaient juifs, alors pour eux, je veux vivre comme une Juive. »

Je demande à ma mère d’imaginer quelle aurait été la réaction de Golda Méir si elle avait été présente pour l’accueillir à son arrivée à l’aéroport Ben Gourion.

« Elle m’aurait serré tendrement les mains entre les siennes, répond ma mère en souriant, pleinement consciente de l’ampleur de la nouvelle entreprise dans laquelle elle se lance. Et puis elle m’aurait dit : “Il t’a fallu un petit bout de temps, mais tu es finalement rentrée à la maison ! »

Après deux mille ans, le peuple juif est rentré à la maison, n’ayant jamais abandonné leur rêve de toujours. Après 70 ans, ma mère non plus n’a jamais abandonné son rêve. Et elle a fini par le réaliser…

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