Le Couple

Quand intimité rime avec spiritualité

27/11/2011 | par Feige Twerski

Le Mikvé nous aide à transformer l'intimité conjugale en un acte de sainteté représentant la plus haute expression du couple.

Le monde occidental éprouve des difficultés considérables avec le concept de la sexualité. Le fait que cette culture soit obsédée par un tel sujet en est la preuve. Sur les panneaux publicitaires, dans les pages des magazines, dans les best-sellers ; sous presque toutes les formes d’expression, de l’art le plus élevé au langage le plus vil, les insinuations sexuelles dominent le paysage. 

Cela me rappelle souvent cette réplique incisive faite par Gertrude, la mère de Hamlet : «  La dame fait trop de protestations, ce me semble ». Plutôt que de montrer une approche désinvolte envers la sexualité, le besoin de mentionner constamment un tel sujet trahit un inconfort certain.

Ironiquement, malgré  tous les efforts accomplis pour se libérer de toute retenue morale et sexuelle imposée par la religion, le monde occidental a conservé  cette arrière-pensée que la sexualité serait sale.

LA PUISSANCE DE L’UNION

L’optique du judaïsme est diamétralement opposée à celle ci. Dans la pensée juive, l’intimité physique renferme en elle le plus haut potentiel de spiritualité. C’est l’un des moyens les plus élevés donné à un couple marié pour exprimer sa sainteté. 

Son message spirituel qu’ils produisent peut être soit insignifiant, soit le plus beau chef d’œuvre

Toutefois, comme tout autre moyen, son usage dépend totalement de l’expression qui lui est donnée par les individus concernés. L’union sexuelle est comparable à une tapisserie dans les mains d’artisans que sont l’homme et la femme et le message spirituel qu’ils produisent peut être soit insignifiant, soit le plus beau chef d’œuvre. 

Les sources juives classiques décrivent la sexualité à l’image d’une rivière puissante. Canalisée, elle amène l’irrigation et l’énergie électrique à de nombreux foyers. Laissée libre et sans frein, elle n’apporte que déluge et destruction.

Le rapprochement physique d’un mari et de sa femme est avant tout la recréation d’une réalité spirituelle plus profonde.

Au plus haut niveau de réalisation au sein d’un mariage juif vécu en accord avec la loi juive l’union sexuelle peut apporter la sainteté dans le monde, en unissant l’homme et la femme, spirituellement, émotionnellement et physiquement.

Le rapprochement physique d’un mari et de sa femme est avant tout la re-création d’une réalité spirituelle plus profonde. Selon la pensée juive, mari et femme ne forment avant leur naissance qu’une seule et même âme. Ce n’est qu’après la conception du premier d’entre eux qu’ils sont séparés en deux moitiés. Quand ils s’unissent par le biais du mariage, leur lien est unique, parce qu’il permet la re création de cette âme.

Quand la Torah décrit le mariage, elle écrit :

« C’est pourquoi un homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » (Genèse 2 : 24) 

L’outil le plus puissant pour créer l'unité dans le mariage, est l’intimité conjugale.

Pourtant cette « unité  » qui est le but central du mariage juif, n’est pas facile à réaliser. A l’âge du mariage, ces deux moitiés d’âme appartiennent à deux individus bien distincts, qui ont évolué au sein d’histoires séparées, par le biais d’expériences diverses, en développant des inclinations et des préférences différentes. Heureusement, le mariage fournit de nombreux outils pour surmonter ces multiples différences et pour instaurer la même unité sur le plan physique que celle qui existe déjà sur le plan spirituel. 

L’outil le plus puissant pour encourager cette unité dans le mariage, est peut-être celui de l’intimité conjugale. Tous les merveilleux sentiments qu’un couple peut ressentir au cœur de sa relation, culminent au moment de l’intimité physique entre le mari et la femme.

Si Dieu a donné à  la sexualité cet extraordinaire pouvoir, cela va de soi qu’Il nous a également donné un moyen pour l’employer au maximum de son potentiel. C’est en effet le cas, il s’agit du Mikvé.

UNE PRATIQUE MULTIMILLENAIRE

Le Mikvé et la pratique qui lui est associée, que l’on appelle la Pureté familiale, étaient autrefois aussi réputés et répandus dans les maisons juives que l’allumage des bougies de Chabbat. Aucune famille juive n’aurait osé vivre sans.

Aujourd’hui, non seulement ces institutions sont tombées en désuétude dans la grande majorité des foyers juifs, mais le mariage lui-même a perdu beaucoup de son statut. 

Autrefois, les mariages juifs suscitaient l’envie de tout le monde

Autrefois, les valeurs étaient différentes. Les mariages étaient plus solides ; les mariages juifs suscitaient d’ailleurs l’envie de tout le monde. A cette époque, les familles juives, non seulement connaissaient l’existence du mikvé et de la pureté familiale, mais risquaient leurs vies pour pouvoir l’observer. 

Mikvé signifie «  rassemblement ». En terme physique, cela se réfère à un bassin utilisé pour collecter des eaux naturelles, vierges de toute intervention humaine, comme la pluie, l’eau des rivières ou des sources souterraines.

De manière culturelle, le mikvé est d’une telle importance que les Sages du Talmud disent que si une communauté n’a ni mikvé ni synagogue, la construction du mikvé a priorité.

De manière pratique, le mikvé  est utilisé aussi bien par les hommes que par les femmes qui s’immergent avant l’accomplissement de certaines mitsvot.

Le mikvé est un outil spirituel ; il n’est ici absolument pas question d’hygiène.

Bien qu’on l’utilise en apparence comme une baignoire, le mikvé est loin d’en être une. Quand la loi juive requiert l’usage du mikvé, l’utilisateur doit être parfaitement propre et s’être baigné avant l’immersion. Le mikvé est un outil spirituel ; il n’est ici absolument pas question d’hygiène.

La Torah mentionne le mikvé  de manière particulièrement remarquable en rapport avec le Kohen Gadol, le Grand Prêtre juif, qui s’immergeait cinq fois au cours du service de Yom Kippour, effectué dans le Temple.

Aujourd’hui, l’usage le plus important du mikvé est celui qu’en font les femmes, qui s’immergent dans ses eaux, en tant qu’étape finale dans le cycle de séparation et de réunion du couple, que l’on appelle la Pureté familiale.

Aucune description des lois du mikvé, aussi brève que celle qui s’ensuit, ne peut suffire à assurer leur observance fidèle, ni à expliquer à sa juste mesure la beauté et la nature remarquable d’un tel acte. Seul son accomplissement est véritablement en mesure de nous le faire comprendre.

Des couples juifs qui étaient au départ ignorants de la discipline du mikvé et qui l’ont apprise et incorporée à leur vie, m’ont avoué que s’ils avaient autrefois des doutes que la Torah puisse être d’origine divine, alors le mikvé et la Pureté familiale les ont effacés. Le concept ou plutôt, comme ils l’ont eux-mêmes décrit, le génie de cette pratique est tellement grand qu’aucun esprit humain n’aurait pu l’inventer. Et pourtant, cette pratique peut nous paraître étrange au départ.

Du fait que nous nous efforçons de l’appliquer dans un 21ème siècle particulièrement vide et inadapté à la compréhension d’usages d’une telle profondeur, ce pilier de la vie juive traditionnelle nous est devenu étranger et nous le comprenons souvent mal.

Quand un couple juif observe la pratique du Mikvé et de la Pureté familiale, il se sépare au moment où la femme voit apparaître ses menstruations et aucun contact physique ne peut avoir lieu avant la fin des 7 jours qui suivent la conclusion des règles. La nuit où le couple peut reprendre les relations conjugales, la femme s’immerge dans les eaux du mikvé et elle murmure une prière, invitant Dieu à sanctifier leur union prochaine.

Quand les époux se retrouvent dans l’intimité physique, leur union marque la réaffirmation des forces de la vie sur celles de la mort.

L’union sexuelle est essentiellement une affirmation de vie, à travers laquelle le couple s’unit pour attirer une âme sur terre depuis sa source céleste. A l’inverse, la période de séparation correspond à une perte de vie potentielle qui intervient chez la femme lorsque l’ovule non fertilisé est expulsé de son corps. Quand mari et femme attendent ensemble que ce temps s’écoule et que la femme se rend au mikvé avant de retrouver son époux dans l’intimité physique, leur union marque la réaffirmation des forces de la vie sur celles de la mort. C’est une élévation au-dessus de notre propre mortalité.

Comme on le croit souvent à  tort, l’interruption des relations physiques entre un mari et sa femme n’a absolument aucun lien avec un quelconque sentiment de révulsion qui serait provoqué par le flux menstruel. Un tel concept ne trouve aucune place dans les sources juives.

Il est intéressant de constater que, bien que les mystères du mikvé soient liés à ce conflit entre la vie et la mort, le mikvé joue clairement un rôle plus profond, puisque la loi juive demande l’usage du mikvé même pour des couples chez lesquels la procréation est impossible. En effet, la loi juive recommande la poursuite active d’une relation sexuelle entière et saine pour les couples mariés de tout âge, et elle lui octroie une valeur indépendante - une valeur spirituelle, que la création d’une vie humaine soit possible ou non.

Si nous voulons comprendre en profondeur le mikvé, nous devons retourner à ses références dans la Torah. Dans le Lévitique, chapitre 16, nous lisons un passage concernant le service de Yom Kippour tel qu’il était pratiqué dans le Temple. A l’apogée de ce service, le Grand Prêtre pénétrait la chambre la plus interne au Temple - qui est le lieu le plus saint sur terre - le Saint des Saints, ou Kodesh Hakodashim, où il demandait pardon pour toutes les fautes commises par le peuple au cours de l’année. Personne en dehors du Grand Prêtre n’était autorisé à pénétrer dans le Saint des Saints, et lui-même, en tant que représentant le plus élevé du peuple juif, n’y était autorisé qu’une seule fois par an, pour un instant très bref, lors de Yom Kippour, le jour le plus saint de l’année.

Il nous est difficile aujourd’hui de saisir la portée d’un tel instant.  
Pendant sept jours, le Grand Prêtre se préparait. La nuit avant de pénétrer le Saint des Saints, un groupe de dirigeants juifs prestigieux le tenait en éveil toute la nuit, le stimulant à atteindre le sommet de son potentiel moral et spirituel. Non seulement, le futur du peuple juif, mais celui du monde entier, reposaient sur les actions qu’il accomplirait dans le Saint des Saints- actions accomplies dans le plus grand secret, en la seule présence de Dieu.

Après les sept jours de préparation et la veillée, le Grand Prêtre devait encore faire une dernière préparation avant cet instant mémorable où il pénétrerait le Saint des Saints et obtiendrait le pardon pour lui, pour son peuple et pour l’humanité tout entière : il devait s’immerger dans le mikvé.

Après s’être préparée pendant sept jours pour cet instant, la femme se trempe dans le mikvé, afin d’élever son couple et d’élever le monde lui-même.

LES EAUX DE LA RE-CRÉATION

Après s’être préparée pendant sept jours pour cet instant, la femme se trempe dans le mikvé, afin d’élever son couple et d’élever le monde lui-même.

Comment ? Comment l’immersion dans quelque chose d’aussi simple que de l’eau peut-il avoir un effet si profond ? 

L’eau existait avant que le monde ne soit créé

L’eau est un élément extrêmement spirituel. Lorsque la Genèse (1-2 : 22) décrit la création du monde, bien que l’on se réfère à l’eau, aucune mention n’est faite de sa création. Nos Sages apprennent de là que l’eau existait avant que le monde ne soit créé, lorsque « L’esprit de Dieu planait à la surface des eaux ». 

Le mikvé, qui contient soit de l’eau de pluie, soit l’eau d’une source souterraine, est donc ce que nous avons de plus ressemblant à « un morceau de ciel sur terre ». Il nous donne la possibilité de nous réunir avec notre source spirituelle.

Avant qu’une femme ne s’immerge dans ces eaux divines, elle récite une prière, invitant Dieu à sanctifier son mariage. Puis, elle s’immerge et en un sens, « donne la main » au Créateur du monde.

D’après le Rabbin Shlomo Twerski z’’l, qui était mon beau-frère et un brillant érudit en Torah, il est particulièrement approprié que ce soit à la femme de se rendre au mikvé, parce que le mikvé sanctifie la famille et que c’est avant tout la sagesse de la femme qui construit le foyer. En un sens, la femme crée sa famille.

Pendant neuf mois avant leur naissance, elle modèle un environnement interne parfait pour ses enfants ; ensuite, pendant presque une vingtaine d’années, elle sculpte leur environnement émotionnel, physique et mental. Si elle n’a pas d’enfants, elle est tout de même celle qui aura l’influence la plus créatrice sur l’atmosphère dans le foyer et sur ceux qui vivent sous son toit.

Quand une femme se rend au mikvé, c’est comme si elle demandait au Créateur de l’univers de la bénir avant de revenir chez elle pour exercer à nouveau son intelligence créatrice. Elle demande en quelque sorte à Dieu qu’Il revienne avec elle dans son foyer, se joigne à ses activités et s’associe à son mariage.

UN FACTEUR D’ÉQUILIBRE 

Grâce à ces « vacances mensuelles », l’homme et la femme redeviennent comme un fiancé et une fiancée l’un pour l’autre.

Toutes les mitsvot (commandements) sont des œuvres de bonté et le mikvé n’y fait pas exception.  
Le Talmud, qui s’étend sur les lois de la Torah, énonce un principe très simple de la nature humaine, en discutant de la sexualité : « Ce nous est constamment accessible, perd à nos yeux de son éclat ». Nous laissons la lassitude remplacer l’envie, et nous glissons dans l’ennui et le mépris. L’ennui au sein du couple n’est pas à prendre à la légère. Il est extrêmement destructeur et à notre époque, c’est une cause première de divorce. 

C’est bien le premier et le plus évident des avantages du mikvé. Pendant environ deux semaines chaque mois, un homme et sa femme ne peuvent se toucher. Grâce à ces « vacances mensuelles », le Talmud nous dit que l’homme et la femme redeviennent comme un fiancé et une fiancée l’un pour l’autre ; et si vous en doutez, demandez à chaque couple qui observe le mikvé et il vous le confirmera, même s’il doit en rougir.

Deuxièmement, le mikvé  nous enseigne la valeur de la retenue. Dans un monde où l’infidélité est aussi commune qu’aujourd’hui - les sondages nous révèlent que presque un homme sur deux serait infidèle il est nécessaire d’apprendre à se maîtriser. Malheureusement, la maîtrise de soi ne figure pas au programme scolaire.

Au sein d’un mariage juif, quand un mari et sa femme ne peuvent pas s’approcher à intervalles réguliers, cela signifie qu’ils doivent apprendre à se maîtriser au sein de leur relation conjugale. A l’extérieur du mariage, quand une tentation se développe soudainement et que le couple doit y faire face, il sait comment réagir. Ce n’est pas comme s’il devait brutalement courir un marathon, alors qu’il n’a jamais couru jusqu’au bout de la rue.

Troisièmement, le mikvé  nous donne l’atout incomparable d’ « espaces dans notre complicité ». Il nous donne l’opportunité d’être nous-même.

Une des raisons pour laquelle notre âme descend sur terre, est de permettre à cette partie de nous qui est unique de se réaliser. Pourtant, au sein du mariage, il peut arriver que deux personnes fusionnent au point d’en perdre leur identité propre.

Ceci n’est pas l’idéal juif. L’ « unité » du mariage juif ne repose pas sur la similitude. C’est plutôt une interaction dynamique entre deux personnes qui maintiennent leur identité, tout en étant unies par un même but, un même cœur et une même âme.

Quand deux personnes ont renforcé  leur individualité grâce à la période de séparation, elles peuvent ensuite se rejoindre et s’enrichir l’une l’autre sans aucun risque de se fondre dans le couple.

Finalement, le mikvé  nous enseigne qu’une personne n’est pas un objet. Parce que tu ne m’appartiens pas de la même manière que pendant la période permise, je dois te traiter comme une personne, et non comme un objet créé pour mon plaisir. Ceci est une leçon sans prix dans notre société qui, malgré toute son obéissance au féminisme, continue à traiter les femmes comme des objets, dans la publicité, au travail et même encore souvent à la maison. 

Durant ces deux semaines dépourvues de tout contact physique, un couple doit apprendre à parler de tout.

Nous apprenons aussi grâce au mikvé à mieux communiquer l’un avec l’autre. Beaucoup de problèmes peuvent être réglés par un câlin ou un baiser. Mais durant ces deux semaines dépourvues de tout contact physique, un couple doit apprendre à parler de tout, même des sujets extrêmement difficiles. Nous apprenons alors à découvrir les pensées profondes de l’autre qui nous seraient autrement restées inconnues. L’intimité - la véritable intimité- en est le résultat. 

Comme nous l’avons expliqué auparavant, ces bénéfices ne sont qu’un aperçu des effets spirituels que le mikvé a sur nos vies et sur le monde. Il existe à cet usage des profondeurs auxquelles l’esprit humain ne peut accéder. Mais une chose est claire : sans servir un but suprême, notre intimité physique n’est que cela physique. Grâce au mikvé et à la Présence divine - la relation sexuelle est transcendée pour devenir l’acte de sainteté qui représente la plus haute expression du couple.

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