Monde Juif

Rabbi Yossef Shalom Elyashiv: un homme de vérité, un homme de sérénité

07/08/2012 | par Aish.fr

Un aperçu de sa grandeur

Le pilier de la Torah, Rabbi Yosef Shalom Elyashiv, vient de décéder à l'âge de 102 ans. Jusqu'à ces derniers mois, il était encore actif, leader reconnu par tous de la communauté juive religieuse à l’exception des Hassidiques et respecté dans le monde entier pour sa connaissance de la loi juive.

Des nombreuses grandes personnalités juives de ces dernières décades, il est probablement le plus difficile et énigmatique à cerner pour quelqu'un qui ne serait pas lui-même un érudit de Torah de la vieille école. Car il nous est facile de relier des gestes de bonté et d'empathie à des actions spirituelles. Mais le concept d’étude de la Torah en soi, que dans le but d’étudier la Torah, tout autant que la personnalité de celui qui le fait, ne peuvent tout simplement pas être compris par ceux qui ne l’ont jamais vécu ou par ceux qui n’ont pu en être témoin.

Quand je suis arrivé en Israël en 1970, le Rav Elyashiv était encore très accessible pour tout le monde. Il vivait (jusqu'à sa disparition) dans un minuscule appartement de deux pièces près de la rue Mea Shearim. Il étudiait dans une petite synagogue retirée tout à coté. La porte était généralement fermée, mais en se hissant sur la pointe des pieds, il était possible de le voir par la fenêtre étudier sans interruption pendant des heures et des heures. Il se balançait doucement, lisant et relisant les mots clairement et calmement, et argumentant tout seul à haute voix. Il restait concentré et indifférent à tout ce qu’il pouvait se passer dehors. Il réservait des heures régulières pour recevoir les gens qui désiraient lui poser leurs questions et lui soumettre leurs problèmes. Une fois par jour, il donnait un cours aux personnes moins religieuses dans une synagogue à proximité.

Maïmonide écrit dans son Guide des Egarés que, s'il est vrai que nous sommes tenus d'imiter Dieu dans nos actions, c'est-à-dire d’être bon et miséricordieux de la façon dont Il est Lui-même bon et miséricordieux, il est encore plus important d’imiter Dieu dans sa  motivation de sa gentillesse. Tout comme la bonté de Dieu et sa bienveillance proviennent de sa sagesse et sa détermination à faire ce qui est juste et résulte de la bonne décision, de même la perfection dans l'homme exige de lui qu’il agisse par sagesse et vérité, plutôt que par passion et sentiment.

Rav Elyashiv était l'incarnation de cette forme la plus noble d'émulation de Dieu. Il était d'abord et avant tout un homme de l'esprit et une personne de l'étude. Il n'était pas naturellement extraordinairement brillant, mais son amour intense pour la vérité et l'étude venaient de l'essence même de son être. Il était toujours calme, concentré et réfléchi. C'est seulement après avoir complété soigneusement un processus de jugement et pu déterminer la vérité qu'il s’autorisait une certaine inflexion émotionnelle dans sa réponse.

Lui poser une question était une expérience profonde dans la recherche de la vérité. Il écoutait, concentré et pensif. Il n'affichait pas d'impatience, mais sa présence n'encourageait guère de bavardage inutile. Par de brefs commentaires, il éliminait les points sans importance du récit, et mettait en lumière des points essentiels qui n’avaient pas été mentionnés. Il prenait le temps de réfléchir quelques instants puis sa réponse venait, laconique et précise ; rien n’y manquait, et cependant sans mots inutiles. Parfois, une personne essayait bien de discuter, de tenter de faire plutôt comme ceci ou comme cela, surtout si la réponse lui posait des difficultés. Rav Elyashiv avait alors une façon de présenter ses mains, ouvertes, paumes en l’air, à la manière de quelqu’un qui présente une simple requête, comme pour dire: «Mais deux plus deux font tout de même quatre, n'est-ce pas?" Ce qui avait pour résultat de faire fondre instantanément toute résistance.

Un brillant ami à moi alla une fois lui présenter un argument talmudique. Rav Elyashiv l’écouta, puis commenta: "Brillant, mais vous savez que ce n'est pas ce que signifie ce texte."

Ce qui rendait ses conférences et réponses uniques n’était pas le jaillissement de soudains éclairs d’illumination ou des citations sans fin. Au contraire, c’était toujours infailliblement qu’il prenait "la plus courte ligne droite d’un point à un autre." Quand on l’étudie plus soigneusement, on ne peut que rester ébahi en constatant combien cela aurait dû être évident. Tout ce qu’il écrivit est clair, concis et dénué de toute interférence personnelle.

Il n'aimait pas ce qui est artificiel ou prétentieux.

Il n'aimait pas ce qui est artificiel ou prétentieux. Une fois, j'avais voulu m’imposer dans mon observance, une rigueur qui était alors particulièrement populaire et je souhaitai lui demander conseil. Il me répondit doucement: «Pourquoi suivre la loi à la lettre ne suffirait-il pas ? »

Je sollicitai une autre fois son opinion sur une obligation particulière que notre communauté voulait s’imposer pour plus de piété, mais qui pouvait avoir des conséquences négatives pour certaines personnes. Il répondit: «Un acte de piété qui a un impact négatif sur les gens est des plus suspects."

Il était totalement apolitique, bien qu’il fût décrit autrement. J’entends par politique, regarder la fin pour justifier les moyens. En politique, on consent à faire du bout des lèvres quelque chose en laquelle on ne croit guère dans le but d'acquérir autre chose en laquelle on croit avec ferveur. On prend des positions basées sur la fidélité plutôt que sur la vraie croyance. On utilise l’hyperbole pour quêter l'approbation du public.

Rav Elyashiv regardait chaque point séparément, comme il se présentait et le jugeait indépendamment de toutes autres considérations. On peut d’ailleurs le voir très bien dans des vidéos qui le montrent rencontrer toutes sortes de personnes : même en compagnie de celles avec qui il partageait les mêmes idées, il ne leur donnait pas automatiquement une approbation globale. Il hochait la tête en signe d'assentiment lorsqu’il était d'accord et écartait les choses qu’il pensait être douteuses, les balayant ainsi et peu importait la manière passionnée avec laquelle on les lui présentait. Il fut parfois vivement critiqué par la «droite» (par exemple, lorsqu’il faisait partie officiellement du rabbinat, ou quand il approuva une certaine méthode halachiquement acceptable de construire une route sur un cimetière), et de nombreuses fois par la « gauche ». Cela ne le déstabilisait pas outre mesure et en plus il s’en moquait éperdument. L'opinion publique n'est pas ce qui détermine le bien et le mal.

Il n'a jamais prononcé de discours public. Il ne parvenait pas à comprendre la nécessité d’utiliser des mots pour dire aux gens de faire ce qui est bien ou de les dissuader de faire ce qui est mal. Le bien est bien et le mal est mal.

Il n'aimait pas apparaître lors d'événements publics. Le brouhaha et tout le tralala étaient un vrai supplice pour lui et la perte de temps précieux au cours duquel il n’étudiait pas la Torah était à ses yeux, impardonnable.

Il était l'incarnation de la vérité pure et simple et de la sérénité.

Le Chazon Ish, grand érudit de Torah, se décrivit une fois avec des mots qui s’appliquent aussi avec exactitude au Rav Elyashiv. Un problème avait provoqué des remous dans la communauté religieuse en Israël, et une lettre passionnée pria le Chazon Ish de prendre position dans le mouvement de protestation. Il répondit ainsi: «Le cœur de tout Juif attaché à la Torah résonne de la même émotion que vous transmettez avec tant de passion. Mais en ce qui me concerne, ayant passé toute ma vie à étudier sans relâche la Torah et dans des circonstances souvent difficiles, j'ai pris l'habitude de mettre en balance le poids de mes actions avec celui de mon esprit (plutôt qu’avec celui de mon cœur) et je ne peux me joindre à vous. »

Le Méchant est décrit comme «une tempête qui fait rage et s’agite comme la mer," alors que le Juste connait la paix de l’esprit et la sérénité. Lorsque les actions d'une personne sont déterminées par des passions et des pulsions non contrôlées, des émotions impulsives et des sentiments mal maîtrisés, il ne peut connaitre le calme et la sérénité. Mais l'homme juste, qui soupèse ses actions utilisant les poids de la vérité et de la raison, ne peut se laisser influencer par un désir égoïste et est un Tsadik heureux et serein.

Le prénom de Rav Elyashiv était "Yosef Shalom," qui signifie littéralement «accroissement de la paix, de la sérénité. » Quiconque le voyait marcher dans la rue, ressentait immédiatement la force de sa grandeur. Grand et mince, il marchait dignement et bien droit – sans pour autant dégager un sentiment de vanité ou d’arrogance – le front plissé par l’intensité de ses pensées, se rendant calmement mais rapidement à sa destination, sans permettre un seul instant à son regard de s’égarer.

Parler avec lui vous permettait d’accéder, ne serait-ce que pour un bref moment, à un sentiment de pure vérité, simple et sans détour, et au calme et à la sérénité qui est l’apanage de ces hommes de vérité sans fard.

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