Développement Personnel

La méthode des 12 Étapes est-elle compatible avec le judaïsme ?

19/01/2014 | par Aish.fr

La réponse du Dr. Abraham J. Twerski, psychiatre juif spécialisé dans le traitement des addictions.

La méthode dite des 12 Étapes s’est avéré être une méthode très efficace pour surmonter le fléau de diverses dépendances à l’alcool, la drogue, la nourriture, le jeu, le sexe, et autres.

Toutefois, certaines voix se sont élevées pour s’interroger sur la bienséance de ces programmes pour les Juifs respectueux de la Torah, et je souhaiterais éclaircir ce point. 

Étant donné que la plupart des rencontres ont lieu dans les sous-sols des églises ou dans des salles communautaires, certains ont le sentiment que ce sont des programmes chrétiens. Malheureusement, très peu de synagogues ont mis à disposition des salles pour les rencontres de ce programme. Attendu que ces diverses dépendances ont gravement touché de nombreux Juifs, ce serait une mitsva que les synagogues ouvrent leurs portes pour ces rencontres.

On pourrait argumenter que le premier de ces programmes en douze étapes, Alcooliques Anonymes, fut initié par un groupe chrétien, certes. Néanmoins, comme nous allons le voir, le contenu de ces programmes en douze étapes est non seulement compatible avec la Torah, mais il semblerait qu’ils’en soit inspiré. J’ai du mal à comprendre comment le fondateur d’Alcooliques Anonymes, Bill Wilson, a eu accès à des concepts que nous trouvons dans les écrits du Talmud et du moussar (développement personnel). Le fait qu’ils ont été adoptés par un groupe chrétien ne les disqualifie pas vraiment, pas moins que la reprise de la prière de l’Amida dans la prière chrétienne « Notre Père » ne la disqualifie pas pour le judaïsme.

Examinons à présent ces 12 étapes à l’aulne du judaïsme :

Étape N°1 : Nous avons admis que nous étions impuissants devant l'alcool et que nous avions perdu la maîtrise de notre vie.

Étape N°2 : Nous en sommes venus à croire qu'une puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.

Il s’agit ici essentiellement de l’affirmation talmudique (Kidouchin 30 b) selon laquelle les tentations du yetser hara (le mauvais penchant) décuplent chaque jour, et que si Dieu ne nous accordait pas Son aide, nous ne pourrions pas y résister. En d’autres termes, sans l’aide de Dieu, nous sommes impuissants devant le yetser hara. En effet, le Talmud relate que deux de nos rabbins les plus vertueux tentés par le Satan, furent sur le point de succomber au péché, et ce n’est que l’intervention divine qui les empêcha de sombrer (Kidouchin 81 a).

Sans l’aide de Dieu, nous sommes impuissants.

Le Talmud désigne l’origine de la faute comme une folie passagère (Sota 3 a). Par conséquent, de même que nous sommes incapables de résister à la tentation de la faute sans l’aide de Dieu, l’alcoolique est de même impuissant à résister à la tentation de boire, et seul un Pouvoir supérieur à lui-même (que nous définissons comme Dieu) peut empêcher une conduite insensée.

Étape N°3 : Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevions.

La phrase : « Dieu, tel que nous Le concevions » peut prêter à confusion. Le but de l’auteur était d’éviter une référence à une divinité particulière d’une religion donnée. Pour un Juif, cette formule devient donc : « Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie entre les mains de Hachem. » Cette étape exprime deux concepts de la Torah. (1) Mettez de côté votre propre volonté au profit de celle de Hachem (Éthique des Pères, 2:4) et (2) « Rejette sur Dieu ton fardeau, et Il te soutiendra » (Psaumes 55:23).

Étape N°4 : Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral minutieux de nous-mêmes.

La littérature classique juive insiste sans cesse sur l’importance du ‘hechbon hanefech, l’introspection spirituelle quotidienne  qui est parfaitement bien rendue par l’expression « inventaire moral minutieux de nous-mêmes. » Il faut effectivement une bonne dose de courage s’introspecter avec honnêteté et affronter des points de notre caractère et de notre personnalité dont nous sommes peu disposés à reconnaître l’existence. 

En procédant à un bilan moral, nous devons établir un inventaire de nos bons et de nos mauvais côtés, de nos qualités aussi bien que nos défauts, car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons accéder à une vraie conscience de soi. Si quelqu’un ne connaît pas ses défauts, il ne sait pas ce qu’il doit corriger. Néanmoins, celui qui ne connait pas ses qualités se trouve dans un état encore plus déplorable, car il ignore les outils qui lui sont nécessaires pour mener une vie convenable.

Étape N°5 : Nous avons avoué à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts.

Cette étape a été mal interprétée : certains l’ont associée à la confession catholique. C’est une erreur. Dans son guide pour une vie convenable, le rav Elimelekh de Lizensk affirme que l’on doit se confier à un ami de confiance, à qui l’on dire ouvertement ce qu’on a fait, même les pensées et les désirs déplaisants que l’on a eus. Car le fait de les verbaliser brise l’emprise du yetser hara, le mauvais penchant.

Étape N°6 : Nous étions totalement prêts à ce que Dieu élimine nos défauts de caractère.

Étape N°7 : Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.

Si nous pouvons généralement contrôler notre comportement, il semble que nous n’ayons pas ou peu de contrôle sur certains de nos sentiments. Il apparaît clairement du Talmud que nous sommes nés avec certains traits de caractère, nous pouvons en sublimer certains et les réorienter vers des buts positifs. Il se peut que nous ne puissions pas, par nos propres efforts, extirper certains traits indésirables.

Il est connu que le saint ‘Hafets ‘Haim se répandait en pleurs devant l’Arche de la Torah afin que Dieu lui supprime ses sentiments de colère. Le ‘Hafets ‘Haim n’a jamais extériorisé sa colère, car il avait une maîtrise de sa conduite, mais il ne parvenait pas à éliminer son sentiment de colère et il priait que Dieu S’en charge.

Bien entendu, nous devons faire notre part pour nous débarrasser de traits désagréables, et c’est ainsi que l’on devient « prêt à ce que Dieu supprime tous ces défauts de caractère. » Une fois que l’on a fait tout ce qui était en notre pouvoir, on peut « demander à Dieu de faire disparaître nos déficiences. »

Étape N°8 : Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avions lésées et nous avons consenti à réparer nos torts envers chacune d'elles.

Étape N°9 : Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes dans la mesure du possible, sauf lorsqu'en ce faisant, nous risquions de leur nuire ou de nuire à d'autres.

Le Talmud affirme que les fautes de l’homme sont pardonnées à Yom Kippour, mais cela ne s’applique pas aux offenses commises contre autrui. Le pardon divin n’est accordé que si l’on a cherché réellement à obtenir le pardon de la personne que l’on a blessée ou offensée.

Relevons avec intérêt que les avis sont partagés parmi les maîtres de la morale pour savoir si l’on doit chercher à faire amende honorable sachant qu’en agissant ainsi, la victime en sera mécontente. Un homme m’a demandé de lui pardonner d’avoir répandu une rumeur malveillante sur moi. Je lui ai pardonné sincèrement, mais j’aurais souhaité qu’il ne m’en informe pas, car désormais j’étais préoccupé par le fait que de méchantes rumeurs circulaient peut-être sur moi.  

Dans de tels cas, le rav Israël Salanter affirme qu’il vaudrait mieux ne pas demander pardon, car la demande de pardon aggrave l’état de la personne visée. Le ‘Hafets ‘Haim, en revanche, soutient qu’il faut demander pardon malgré tout. Je fus amusé par le fait que Bill Wilson semblait partager l’opinion de rav Israël Salanter. 

Étape N°10 : Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et promptement admis nos torts dès que nous nous en sommes aperçus.

Dans Alé Chour, le rav Chelomo Wolbe affirme que l’on devrait porter sur soi un carnet et y consigner des événements à caractère moral ou éthique, et les revoir à la fin de la journée.

On ne peut insister assez sur cette idée : « et promptement admis nos torts dès que nous nous en sommes aperçus. » La tendance naturelle est de défendre notre faute et de la justifier par toutes sortes d’excuses. C’est là une erreur flagrante. Les récents événements politiques ont prouvé qu’on ne gagne rien à camoufler ses erreurs. On obtiendra de bien meilleurs résultats en surmontant notre tendance à défendre nos erreurs, et en les admettant promptement.

Étape N°11 : Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter.

Inutile de préciser que la littérature juive classique regorge d'applications de ce principe.

Étape N°12 : Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons alors essayé de transmettre ce message à d'autres alcooliques et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.

La Torah nous enseigne que nous avons un devoir de responsabilité mutuelle l’un envers l’autre. Il y a une mitsva tirée des Écritures d’adresser un reproche à quiconque adopte une conduite répréhensible. En effet, si l’on a la possibilité d’influencer positivement quelqu’un d’autre et que l’on s’en abstient, on est tenu responsable des méfaits de cette personne. 

Le Talmud soutient qu’il y a un verset sur lequel dépend toute la Torah : « Connais Dieu dans tous tes chemins » (Proverbes 3:6), la Torah rejette l’idée de « Donner à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. » Nous n’avons pas deux modes de valeurs, l’un pour la religion et le second, pour la sphère laïque. On nous demande d’appliquer les principes de la Torah « dans toutes nos affaires. » 

Conclusion ? La méthode des 12 Étapes est-elle compatible avec le judaïsme ?

Je pense pour ma part qu’elle est 100% Cacher !

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