Spiritualité

Les derniers mots de Steve Jobs

17/01/2012 | par rabbin Benjamin Blech

La citation la plus importante de l'année

J’adore les pots-pourris que publient les médias en fin d’année. Cette fois ils nous ont bombardés de pots-pourris de toutes les catégories imaginables. Mais celui qui a le plus retenu mon attention a été celui des meilleures citations de l’année, qui réunit les choses les plus fortes, les plus importantes et les plus significatives que les gens ont dites pendant l’année 2011. 

D’après le Wall Street Journal, le premier prix revient à l’exclamation Steve Jobs : « Oh là là, oh là là, oh là là ! », qui fut ses derniers mots. 

C’est la sœur de Steve Jobs, Mona Simpson, qui a décrit la scène dans son éloge funèbre. 

Quand, peu avant la fin, elle se présenta au chevet du mourant, Steve Jobs était entouré par sa famille. « Il scrutait les yeux de ses enfants comme s’il ne pouvait en détourner son regard », tout en essayant de rester conscient.  

« La mort n’est pas arrivée à Steve, il l’a réalisée. »

Elle raconte : « Il avait l’air de quelqu’un sur le départ, dont les bagages étaient prêts, bien qu’il fut triste, terriblement triste de devoir nous quitter. » 

Mais son état empira. « Sa respiration changea. Elle devient plus difficile, source d’efforts. Je sentais qu’il se concentrait, qu’il se dépassait plus encore. Ce que j’ai découvert, c’est qu’il voulait le faire bien, cela aussi. La mort n’est pas arrivée à Steve, il l’a réalisée. » 

Après avoir survécu encore une nuit, son frère commença néanmoins à lâcher prise. « Sa respiration reflétait un parcours difficile, comme s’il escaladait des hauteurs. Pourtant, malgré toute sa force de caractère, son implication dans le travail, il restait le doux Steve capable de s’émerveiller, l’artiste qui croit aux idéaux, aux lendemains toujours meilleurs. » 

Les derniers mots de Steve Jobs, quelques heures auparavant, furent des monosyllabes répétées trois fois. 

Avant de partir, il contempla sa sœur Patty, puis longuement ses enfants, puis la partenaire de sa vie Laurène, puis son regard se fixa sur quelque chose derrière eux. Ses derniers mots furent : « Oh là là, oh là là, oh là là ! » 

Ce grand visionnaire venait d’avoir une dernière révélation, d’une beauté apparemment éblouissante. Sa seule réaction fut celle de ces exclamations d’émerveillement. 

Une destinée universelle 

Qu’avait-il donc vu ? 

Bien entendu, ne nous pouvons être surs de rien. Mais nous avons de nombreux indices à notre disposition. Nous avons des preuves en provenance de nombreuses sources. Certaines sont anecdotiques, d’autres sont ancrées sans les traditions religieuses et les croyances mystiques. 

Ces preuves nous expliquent pourquoi la plus grande partie de l’humanité, pendant des millénaires, a choisi de considérer que la mort n’était pas une fin, que nous survivons d’une manière ou d’une autre lorsque nos corps cessent de fonctionner, et que quelque chose est là qui nous attend au bout de notre dernier voyage, quelque chose de sublime qui va tellement nous émerveiller lorsque nous allons le découvrir que tout ce que nous pourrons dire alors c’est : « Oh là là ! »  

Nous prétendons ne pas avoir peur de la mort, mais « nous préférerions ne pas être la quand elle arrive »

La mort est  ce qui nous attend tous, personne n’échappe à son décret. Pourtant sa signification reste empreinte de mystère. Nous allons tous quitter ce monde sans réellement savoir où nous allons. 

Personne n’accepte de croire qu’il est mortel. Nous vivons tous comme si nous étions éternels. Comme nous refusons l’idée de ne pas exister, nous refusons de croire à notre propre disparition. 

Comme disait Woody Allen, nous prétendons ne pas avoir peur de la mort, mais « nous préférerions ne pas être la quand elle arrive ». Nous nous entêtons à croire que d’une manière ou d’une autre, nous échapperons au destin de tout être humain. 

Mais reconnaitre que l’on va mourir peut être une forme de libération. Un vers célèbre de Kris Allen cite l’espoir « de vivre une vie en sachant que l’on est en train de mourir. » Chaque moment est précieux lorsqu’on sait qu’il pourrait être le dernier.  Chaque événement est plus intense quand on a conscience qu’il ne se répétera peut-être jamais.  

L’envers de la médaille est que la crainte de l’inconnu sape nos moyens et nous déprime. Nous ne savons pas ce qui nous attend là-bas, et nous avons encore tant de choses à accomplir ici. Ne saurons-nous jamais ce qui arrivera à ceux que l’on aime, ne reverrons-nous jamais nos enfants et nos conjoints ? 

Nous voudrions tellement en savoir plus sur la mort, et plus nous approchons de ce mystère universel, plus nous voulons le comprendre.  

La mort est-elle une fin ou un nouveau commencement ? La science ne peut nous répondre, mais nos traditions peuvent éclairer cette question. 

Ce qui nous attend est tellement beau que la Mishna nous dit à son sujet : « une heure de bonheur du monde à venir vaut plus que tous les plaisirs de ce monde » (Avot 4 :17) 

Le Talmud nous assure que nous y garderons conscience de qui nous sommes, que nous y rejoignons nos proches qui sont partis avant nous, que nous avons connaissance de ce qui se passe sur Terre, et que nous y jouissons de rayonnement de la Présence Divine à un point tel que nous ne pouvons le décrire en termes humains. 

Les sources mystiques décrivent la première expérience de l’après-vie comme la vision d’une lumière puissante et mystérieusement belle. C’est la lumière du premier jour de la Création que Dieu a réservée pour le monde à venir, et qui diffère profondément de la lumière du soleil qui fut créée le quatrième jour. Pendant que nous baignons dans cette lumière primordiale, nous sommes capables de contempler rétrospectivement la totalité de notre vie sur Terre. avant de nous présenter au Tribunal Céleste, nous « revivons » la mémoire de toutes les années que nous avons vécues, pleins de remords pour nos mauvaises conduites, mais en même temps heureux du bien que nous avons réalisé. 

Clairement, le Paradis n’est pas un endroit où l’on peut savourer un bon steak ou toute autre sorte de plaisir physique, puisque nous n’y avons pas de corps pour cela. Mais les expériences de la vie nous ont appris que le bonheur véritable relève plus d’une spiritualité affinée que du plaisir physique. 

Puisque le Paradis est un endroit ou tout ce que nous faisons ici-bas : manger, dormir, s’assoir, ressentir la douleur, agir frivolement, n’y a pas cours, on peut comprendre que seul le raffinement de notre spiritualité nous permettra d’en apprécier les délices. 

Dans le monde à venir, les âmes jouissent de la Présence Divine, ce qui signifie qu’elles savent et qu’elles comprennent l’existence de Dieu à un niveau qu’elles n’avaient pas pu atteindre dans l’enveloppe matérielle obscure du corps (cf. Maïmonide, Lois de la Techouva, 8 :2). 

Quand Moise avait demandé  à Dieu de lui permettre de voir Sa Toute-puissance, Dieu lui répliqua : « L’homme ne peut me contempler et vivre ». Ce que les Sages interprètent comme voulant dire : « Mais en mourant, on pourra la contempler », ce qui nous aussi nous arrachera cette exclamation : Oh là là ! 

Une sérénité  soudaine 

J’ai servi de conseil à des centaines de personnes en deuil ou en proie au désespoir, mais j’ai aussi beaucoup appris d’elles. Mes compagnons de la synagogue ont partagé avec moi leurs histoires sur la mort et sur les mourants, ainsi que des expériences mystiques dont ils avaient honte de parler, même à leurs proches, de peur qu’on les prenne pour des fous. 

Elisabeth Kubler Ross, qui a consacré sa vie à étudier les mourants, a écrit que ce qui l’a le plus marquée dans toutes ces années passées au chevet de ceux qui quittaient ce monde, c’était la vue de l’état de sérénité soudaine qui accompagnait invariablement le passage d’un monde à un autre. Elle a décrit la mort comme « briser le cocon et en émerger comme un papillon ». Pendant la vie, nos corps sont une limitation, et quand nous nous en débarrassons, nous sommes pour la première fois capables de nous élancer vers des cimes qui étaient auparavant hors de notre portée.  

Le célèbre Rabbi Mendel de Kotzk enseignait au XIXe siècle à ses disciples une autre parabole pour ne pas craindre la mort. Il leur disait : « Mourir est comme passer d’une pièce à une autre, où la deuxième pièce est bien plus belle que la première. » 

C’est peut-être cela qui a fait Steve Jobs s’exclamer : « Oh là là, oh là là, oh là là ! ». Il voulait exprimer l’inexprimable, sa vision de cet endroit sublime que nous allons habiter quand nous serons débarrassés de l’enveloppe matérielle de notre corps éphémère. 

Ses mots sont l’occasion de réfléchir sur la mort, et de conclure qu’elle ne doit pas mener au désespoir, parce que notre existence ne se limite pas à ce que nous vivons sur Terre. 

Cela méritait certainement d’être élu meilleure citation de l’année !

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