Spiritualité

Anatomie d'une bénédiction

13/05/2012 | par Aish.fr

Les bénédictions récitées sur les aliments ou autres, sont les outils d’une d’étonnement transcendantal.

Les Brachot, bénédictions récitées sur les aliments ou autres, sont les outils de la transcendance. Elles ne constituent pas la transcendance. Comme pour toute méditation, il n’existe pas de formule magique. Elles ne seront donc guère utiles à celui qui les prononce avec désinvolture. Mais lorsqu’elles sont dites avec concentration et en comprenant leur signification, elles deviennent une source quotidienne d'émerveillement transcendantal.

La Bracha résout ainsi notre dilemme de pouvoir maintenir un état constant d’expérience transcendantale. Car comment avancer dans la vie avec un étonnement et un émerveillement sans cesse renouvelés ? S’il s’avère peut-être difficile d’atteindre à tout moment un tel niveau de concentration, nous pouvons néanmoins certainement y arriver à chaque fois que nous mangeons.

Comme le disait Rabbi Chaim Velozhin (début du 19e siècle), tout comme la nourriture connecte l'âme au corps (puisque sans nourriture, l’âme finira éventuellement par quitter le corps), les Brachot connectent l'âme à l'Infini. Les kabbalistes expliquent que l’âme fusionne avec le corps par la bouche. Ce qui explique pourquoi les aliments s’absorbent par la bouche (lien entre l’âme et le corps) et pourquoi les Brachot sont énoncées par la bouche (lien entre l'âme et l'Infini).

les Brachot connectent l'âme à l'Infini

Idéalement, nous devrions tous composer nos propres Brachot selon nos besoins. Telle était d’ailleurs la pratique autrefois. Cependant, le déclin sociopolitique qui conduisit à la conquête babylonienne s’accompagna en parallèle d’un déclin spirituel. Cette dégradation spirituelle fut caractérisée, entre autre, par un détachement et une perte de sensibilité à la langue. La Grande Assemblée codifia donc les Brachot afin de les perpétuer. Aujourd'hui, il est considéré inapproprié de composer sa propre Bracha, du fait d’une part de notre déclin et notre méconnaissance des nuances de la langue et d’autre part du besoin de textes communs afin d’aider à préserver l'unité juive.

Bien que l'on pourrait penser qu'un texte standard limite la créativité, il peut provoquer en fait juste l’inverse et en générer une plus grande encore. Imaginez que chaque Bracha est une sonate. Chacun de nous étant un musicien, les variations créatives sont donc aussi nombreuses que le nombre de musiciens. Comme la musique, les Brachot devraient être exprimées vocalement, et non se limiter à l'imaginatif. La musique est l’expression la plus pure des émotions et peut profondément les influencer. De même, la parole est la concrétisation de la pensée, d'où la possibilité de contrôler les pensées par la parole. Une Bracha est un signal sonore prophétique (pour la plupart des gens) qui doit être traduit vocalement pour être efficace comme méditation.

De l’Evident au Sublime

La plupart des Brachot suivent le même schéma. Elles commencent au début par des mots qui introduisent l'idée d'une connexion transcendantale: « Barouch Ata ... », qui signifie littéralement «Bénis sois-Tu ... »

"Barouch" vient du mot Breicha qui signifie « source d'eau », indiquant la source de ce moment dans la vie. "Ata" signifie "Tu" – une manière intime, personnelle de s’adresser à l’ Infini ! Ainsi, le début de la Bracha se traduisant littéralement est : "Tu es la source ..."

Nous utilisons le pronom de la deuxième personne, car nous, les êtres humains, avons tendance à être attirés vers ceux qui nous sont familiers. Lorsque je m’adresse à quelqu’un en utilisant le « Tu », je me sens immédiatement plus proche de lui, bien davantage que si le pronom « il » était employé. Aussi, et bien que nous parlions de l’Infini et non d’une simple conversation, les sages mystiques nous ont donné les Brachot dans un langage qui nous est familier, celui utilisé entre nous, lorsque nous parlons les uns avec les autres. La méditation devient ainsi concrète et personnelle.

La plupart des Brachot se poursuivent ensuite avec quatre noms, dont le but de chacun est de tenter de concevoir l'Infini dans les limites de l'esprit humain. Les quatre mots transportent à un autre niveau, du plus évident au plus sublime celui qui les prononce :

Adonay - l'Etre qui fut, est et sera

Eloheinu – Notre Force, le Pouvoir sous-jacent dans la nature

Melech - le Roi et le Chef d’Orchestre qui dirige tous les événements

Ha-olam - le monde fini qui "cache" l'Infini

Ces mots mis bout à bout, une Bracha typique commence ainsi:

« Tu es la source - ce qui fut, est et sera - notre Force, Chef d’Orchestre de ce qui est caché... »

Le reste de la Bracha spécifie l’objet propre à la Bracha. Si nous mangeons un fruit, la Bracha se poursuit par «... qui a créé le fruit ». Car il est évident que les quatre appellations énumérées ci-dessus décrivent une force tout aussi bien capable de créer des fruits et tout ce qui existe dans la vie.

En fait, la Bracha est une phrase de réflexion qui nous aide à nous concentrer sur ce fruit et en apprécier tous les aspects - y compris le fait qu'il existe tout simplement et que je puisse le savourer!

Il est essentiel de ne pas tomber dans l’erreur de croire que le fruit est infini, ou pire, que le fruit est l'Infini. Pour être plus précis et dans la limite de ce que notre langage restreint nous permet d’exprimer- le fruit est fait de l'Infini. L'Infini est là, mais aussi, partout ailleurs. Nous pouvons choisir de manger le fruit d’une manière qui nous aidera à développer notre conscience et notre perception de l'infinité de l'Infini. La Bracha est ainsi un outil très utile pour transformer notre perception normale en perception transcendantale.

Expressions méditatives

Étant donné que chaque Bracha s’applique à une expérience unique et isolée, si l’on veut insuffler dans notre vie cette découverte incessante et cette révélation permanente, il faut tout faire pour susciter des occasions d’utiliser le plus possible et le plus souvent les Brachot.

C’est exactement ce qu’ont fait les Sages de la Grande Assemblée. Ils écrivirent des Brachot pour toutes sortes d'occasions propices à l’experience d’un « wouaw! », exclamation de stupeur et d’émerveillement, destinée à utiliser ces moments pour transcender le fini. Leur but était de fournir à tout individu un outil pour transformer les événements quotidiens en expériences mystiques.

La Grande Assemblée incluait les plus grands Sages d'Israël, parmi eux trois prophètes bibliques: Haggai, Zacharie et Malachie. Dotés d’une profonde connaissance de la nature humaine ainsi que de la langue hébraïque, ils créèrent des phrases méditatives devant être prononcées au lever et au coucher, en mangeant et en se soulageant, en enfilant ses chaussures et en accueillant un ami de longue date, en assistant à des phénomènes naturels, en donnant naissance à la vie et face à la mort.

Une Bracha spécifique existe pour un parent tenant dans ses bras un nouveau-né.

Il existe par exemple des Brachot différentes pour différents types d'aliments. Il existe une Bracha pour avoir vu des éclairs et une autre pour avoir entendu le tonnerre. Il en existe une en cas d’arc en ciel. Et une Bracha spécifique existe pour un parent tenant dans ses bras un nouveau-né pour la première fois. Une autre lorsque l’on voit une personne d'une rare beauté ou un animal. Il en existe une lorsque l’on voit une personne particulièrement laide, ou un individu difforme ou un animal anormal (car tous issus de la même source).

Une Bracha est dite à l’annonce de très bonnes nouvelles et une autre pour de mauvaises nouvelles. Il y a une Bracha à l’occasion d’une rencontre avec quelqu’un de particulièrement érudit et même une lorsque l’on va aux toilettes. [La plupart des livres de prières contiennent le texte de ces bénédictions.]

Unité spirituelle

Les Brachot sont si bénéfiques pour élargir notre degré de compréhension que le Talmud recommande d’en réciter 100 par jour. Divisez une journée-type de 16 heures par 100 et vous obtenez comme résultat une Bracha en moyenne toutes les 10 minutes. Bien qu’il soit plus pratique, techniquement parlant, de les regrouper à certains moments de la journée, l’effet global provoqué par cet effort d’en dire 100 par jour, est de jalonner la journée de moments méditatifs de gratitude et d’appréciation que savent générer si bien ces Brachot.

La Grande Assemblée avait également un autre but. La conquête babylonienne avait dispersé 70 ans plus tôt, les Juifs dans plusieurs régions du monde où ils adoptèrent de nouvelles langues maternelles. Cette dispersion démographique dura pendant 2400 ans. À ce jour, seule une minorité de Juifs vivent en Israël et parlent l'Hébreu (qui a subi une évolution linguistique telle qu’il s’agit presque d’une nouvelle langue). Pour contrer cet effet, la mise en place d’une liturgie commune eut pour conséquence de maintenir l'unité spirituelle juive, malgré la dispersion géographique et culturelle.

La clef de voûte de l’édifice de cette spiritualité commune est la Bracha. Le monde matériel nous offre deux possibilités : d’en jouir comme un gourmet (spirituellement) ou comme un glouton (matériellement). D’en profiter seulement superficiellement ou de l'utiliser comme expérience agréable pour nous élancer vers une prise de conscience transcendantale. La Bracha est une méthode toute simple pour élever une expérience plaisante en « wouaw! » que chaque moment de la vie peut et doit devenir.

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