Spiritualité

Le suicide de Robin Williams

13/08/2014 | par rabbin Benjamin Blech

Une perspective juive sur la tragédie du suicide.

La disparition de Robin Williams, qui a mis fin à ses jours après une longue lutte contre la dépendance et la dépression, a causé une onde de choc et de tristesse aux quatre coins du globe.

Dans la tradition juive, le suicide est un péché grave qui, en un sens, est assimilable au meurtre. Car la vie étant un cadeau de Dieu, seul Lui dispose du droit de la reprendre.

Un principe repris par le Talmud : « Contre ton gré tu as été conçu et contre ton gré tu es venu au monde, contre ton gré tu vivras et contre ton gré tu mourras ; contre ton gré tu seras tenu de rendre de tes comptes au roi de tous les rois, le Saint béni soit-Il » (Maxime des Pères 4 : 29).

Le corps appartient au Tout-Puissant et que nul n’a le droit de blesser, mettre en danger ou détruire Sa propriété.

Le droit juif statue que le corps appartient au Tout-Puissant et que nul n’a le droit de blesser, mettre en danger ou détruire Sa propriété. Dans le livre de la Genèse 9 : 5  nous lisons d’ailleurs : « Votre sang, qui fait votre vie, j'en demanderai compte » un verset qui, selon les Sages, renvoie également à l’interdiction du suicide.

C’est la raison pour laquelle la réaction juive face au suicide est à prime abord si sévère. En effet, le Code de la loi Juive, le Choul’han Aroukh stipule qu’en cas de suicide, les rites habituels de deuil n’ont pas à être observés, et qu’il n’est même pas autorisé de faire un éloge funèbre sur la personne décédée.

Et pourtant, quand l’un de mes fidèles m’a demandé si en tant que rabbin orthodoxe, j’aurais accordé un enterrement traditionnel et un éloge funèbre à Robin Williams s’il avait été juif, je lui ai répondu par l’affirmative.

Pourquoi ? me demanderez-vous. Et bien parce que si la loi juive manifeste un mépris catégorique à l’égard du suicide, elle témoigne une empathie certaine dans le cas d’un individu qui a mis fin à ses jours sous l’effet de la dépression ou de toute autre forme de maladie mentale.

Le seul cas de suicide perçu comme un grave péché est celui d’un individu « en pleine connaissance de ses actes. » Et c’est là une caractéristique qui, selon les autorités rabbiniques, fait défaut dans la quasi-totalité des cas de suicides. Dans son commentaire classique Aroukh Hachoul’han, Rav Ye’hiel Epstein statue : « Tel est le principe général en vigueur en cas de suicide : nous trouvons la moindre excuse possible et affirmons que le défunt a agi ainsi sous l’effet de la peur, ou d’une douleur extrême, ou parce que son esprit était déséquilibré, ou parce qu’il imaginait qu’il était correct d’agir ainsi étant donné qu’il craignait de commettre un crime s’il restait en vie… Il est extrêmement improbable qu’une personne commette un tel acte de folie à moins que son esprit ne soit dérangé. »

La loi juive a donc trouvé un juste équilibre entre l’aversion du suicide avant qu’il ne soit commis et la compassion pour les victimes de cette forme d’autodestruction à la suite de la tragédie.

Nul ne peut mettre fin à ses jours

La loi juive a donc trouvé un juste équilibre entre l’aversion du suicide avant qu’il ne soit commis et la compassion pour les victimes de cette forme d’autodestruction à la suite de la tragédie.

Quelles que soient les difficultés qu’il traverse, un juif doit savoir qu’il n’a pas le droit de mettre fin à ses jours. L’histoire de Rabbi Hanania ben Teradyon, dont la mort est décrite dans le Talmud, illustre ce principe à l’extrême. Quand les Romains l’enveloppèrent dans un rouleau de Torah auquel ils mirent feu, les disciples du rabbin le supplièrent d’ouvrir sa bouche et d’inhaler les flammes afin de précipiter sa mort. Mais Rabbi Hanania répliqua : « Il est préférable que Celui qui m’a insufflé la vie me l’ôte Lui-même. Aucun homme n’a le droit de porter atteinte à ses jours. »

Dans son ouvrage L’écho de l’Holocauste nazie dans la littérature rabbinique, le rabbin H.J. Zimmels atteste de deux réactions opposées qui prévalaient parmi les juifs européens à l’époque de la Shoah : d’une part, le pessimisme et le désespoir poussant au suicide, et d’autre part l’optimisme et l’espoir générant une ferme volonté de survivre. On pourrait aisément imaginer que la première attitude était plus répandue que la seconde. Et pourtant les historiens furent extrêmement surpris par le très faible pourcentage de suicides parmi ces juifs soumis pourtant aux conditions les plus atroces.

Cela n’empêcha certains individus de juger leur mort préférable à leur vie et de mettre donc volontairement fin à leurs jours. Lorsque cela arrive, nous pleurons leur disparition, et dans la majorité des cas, nous essayons de leur trouver des circonstances atténuantes.

À titre d'exemple, on raconte que le roi Saül tomba sur son épée quand les Philistins furent sur le point de le capturer et de le tuer. À son sujet, les sages invoquèrent qu’un roi d’Israël a le droit de défendre la dignité de la cour royale. De fait, son suicide pouvait être pardonné puisqu’il avait été commis dans une tentative d’empêcher une plus grave profanation du nom de Dieu à travers une mort par la torture perpétrée par ses ennemis.

Connaissant la sévérité de la dépression et la force surhumaine requise pour la surmonter, nous devons manifester un grand respect envers ceux qui persistent dans leur choix de la vie. Mais aussi, trouver dans nos cœurs le pardon et la compréhension envers ceux qui, en proie à la maladie mentale, nous ont quittés trop tôt, mais dont nous n’oublierons jamais les accomplissements et les bonnes actions.

Voilà pourquoi, Robin Williams, je chéris le rire que tu m’as procuré pendant de si longues années et je prie pour que ton âme trouve enfin la paix et la sérénité qu’elle n’a pas atteintes ici-bas.

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