Spiritualité

Obsolescence, quand tu nous guettes…

20/09/2016 | par Millie Salomon

Votre portable vous a lâchés, la machine à laver est en panne, et votre imprimante refuse d’imprimer. La mort programmée des produits manufacturés est-elle un bien ou un mal ?

Ce matin-là, tout est allé de travers. Mon Mp3 n’a pas voulu s’allumer, la machine à laver s’est mise en grève et je n’ai pas réussi à fermer les fenêtres de ma voiture. Suis-je particulièrement malchanceuse ?

Au regard des enquêtes sur l’obsolescence programmée, je suis dans la courbe des consommateurs moyens, et statistiquement parfaitement normale. Et pour cause.

Lorsqu’en 1929 le crash boursier plongea l’Amérique dans la tourmente, Bernard London inventa le concept de « planned obsolescence », mort planifiée des produits de consommation. Afin de lutter contre la récession, cet homme d’affaires avisé proposa qu’on limite légalement leur durée vie. Cela aurait permis de relancer l’économie par la production de nouveaux produits afin de créer des emplois. Sa proposition fut rejetée mais en fait, l’idée fut reprise en douceur par les grands industriels américains. La société de consommation était née, avec la croissance comme seul crédo. Et la formule fonctionna. Les designers s’en donnèrent à cœur joie afin de booster le consumérisme. Ils conçurent des produits toujours plus beaux, plus performants, plus modernes. On n’obligeait pas le consommateur à remettre aux autorités compétentes un objet tombé dans l’obsolescence par décret officiel, mais on le séduisait par des créations toujours plus attrayantes. La mode, la fonctionnalité, le désir de renouvellement envahirent les publicités et le mode de vie. Une nouvelle erre venait de naître, sans que nous en soyons conscients. Et tout alla très vite : les usines fonctionnèrent à plein régime, la production s’emballa et de nouveaux besoins furent imposés, nous projetant dans la spirale du tout nouveau tout beau. Le modèle inverse, en URSS, luttait contre le capitalisme en centralisant la production afin de préserver les ressources naturelles. Un réfrigérateur d’Allemagne de l’Est était conçu pour durer 25 ans. Et ça marchait. Les ingénieurs pouvaient donc inventer des produits hyper résistants, mais on s’en abstint, allant jusqu’à prévoir les pannes, sabotant les composants électroniques et les fibres textiles. L’homme avait jusque-là recherché la fiabilité, le durable, l’éternité, et il faisait machine arrière, prévoyant la fragilité, la déficience, l’éphémère. Donc, ne vous inquiétez pas. Si votre montre s’oxyde, votre bas se file ou votre écran d’ordinateur surchauffe, ne prenez pas ombrage. Tout cela est non seulement normal mais inévitable. C’est notre société qui le veut.

Avoir ou ne pas avoir, telle est la question

Ces explications rationnelles sont utiles. Elles nous éclairent sur notre mode de vie, notre mode d’être aussi. Elles posent en réalité des questions fondamentales sur la conscience refaçonnée de l’homme qui cherche à posséder davantage. Car en effet, les récentes études sur le bien-être et le sentiment de bonheur dans les pays occidentaux ne confirment pas l’optimisme des grands industriels. Malheureusement, nous n’avons jamais autant consommé… d’antidépresseurs. Car même si le modèle fonctionne d’un point de vue économique (et encore, la croissance ne fait que baisser), notre nouvelle mentalité nous fait peut-être oublier l’essentiel : les relations humaines, la réflexion, la recherche spirituelle. Nous ne pouvons pas réformer la société actuelle. Nous ne pouvons empêcher, même si nous sommes des écologistes engagés, la dégradation de la nature. Celle-ci est polluée par les déchets produits en quantité croissante chaque année, due à la surproduction, résultat de l’obsolescence programmée. Mais nous pouvons nous poser des questions et relever le défi à titre personnel. Suis-je plus épanoui grâce à mon nouvel iPhone ? Suis-je plus heureux après mon shopping hebdomadaire ? Ne suis-je pas en partie victime d’un modèle que je n’ai pas choisi et qui m’impose ses règles sans mon consentement, simplement en alimentant mon besoin de renouveau et de beauté par l’achat de nouveaux produits, souvent inutiles ?

Telle est la question. En expérimentant d’autres dimensions de notre personnalité, comme l’altruisme, la contemplation, la pensée, le goût de l’absolu, nous ouvrons les portes à d’autres satisfactions, plus réelles, mais plus difficiles à acquérir.

Le coup de pouce ?

Il est là, à notre portée. Il s’appelle le chabbath, la prière, le ‘hessed.

Le bonheur en trois dimensions

Le chabbat nous apprend à profiter de moments rares en famille. Plus de téléphone qui sonne, plus de rendez-vous professionnels, plus de courses effrénées au bout de la ville. Un temps hors du temps et des contingences matérielles, qui nous apaise et nous ressource. Nous recentre aussi sur l’important. Un enfant qui a besoin de nous. Un conjoint que l’on voudrait retrouver. Un ami à écouter. Le chabbat nous abreuve de ses richesses intérieures pour toute la semaine et nous réapprend à être, à ressentir et à aimer.

La prière est notre meilleure amie. Elle nous donne l’opportunité unique d’exprimer notre reconnaissance pour tous les bienfaits dont nous jouissons au quotidien. Elle est le contact privilégiée avec les hautes sphères, celles que nous projetons si loin de nous par peur de nous élever. Grâce à nos requêtes, à nos supplications, nous affirmons notre proximité avec le Créateur, nous exprimons notre véritable identité qui réside dans l’âme éternelle et non dans le corps périssable.

Le ‘hessed. Un sourire, un mot gentil, une main tendue à quelqu’un que l’on ne connaît pas. Les occasions sont si nombreuses lorsqu’on les recherche. Il faut mériter le ‘hessed en nous en montrant dignes. Il n’est pas offert à tout le monde de porter les courses de sa voisine, de faire traverser un enfant, de donner de la tsedaka. Il faut saisir les occasions, car elles nous permettent de nous propulser hors de nos penchants égoïstes ou consuméristes. Je donne un peu et je reçois beaucoup. La satisfaction d’avoir donner est unique et irremplaçable. Mon père, zatsal, écrivit, après avoir fait un don à un séminaire d’études juives : « L’existence juive présente depuis bien longtemps des caractéristiques qui peuvent sembler singulières à notre époque. Il s’agit (entre autres) de la fidélité, de l’étude, de la générosité. Mais s’il était possible de réunir ces trois mitzvot en un seul acte, comment pourrait-on hésiter à l’accomplir ?

Mais il ne s’agit pas que du devoir de contribuer à la continuité spirituelle du judaïsme.

Il s’agit aussi de satisfaire une impulsion personnelle : le fait de donner, non seulement rend heureux mais en plus donne un sentiment intense de se grandir soi-même. »

Le bonheur en trois dimensions existe. Il suffit juste de lire le mode d’emploi. Mais rassurez-vous, la Thora ne s’usera ni ne se détériorera prématurément. Nous la pratiquons depuis plus de 3000 ans et elle a fait ses preuves…

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