Spiritualité

Sorcellerie et judaïsme

16/03/2015 | par Ahron Lopiansky

Si la magie et les sciences occultes existent, pourquoi seraient-elles si haïssables?

La plupart des enfants sont fascinés par les histoires de sorcières et de diables, Harry Potter,  Lord Voldemort et Cie. Ces forces mystérieuses viennent rajouter à un monde qui se veut sérieux et rationnel, un élément de plaisir et d'excitation tout en stimulant l'imagination. Elles permettent de rassurer un jeune en lui suggérant qu'il existe des manières de vaincre le système autant impitoyable et insensible qu’il puisse être.

Vous êtes né pauvre et vous n’y êtes pour rien ? Aucun problème - une fée merveilleuse viendra taper à votre porte et vous donner la chance que vous désirez tant. Un voyou vous prend pour tête de turc? Qu’à cela ne tienne, un sort lui sera jeté et le transformera un écureuil pour le restant de ses jours.

Les films du Blair Witch Project (du nom d’un film américain de 1999 qui connut un énorme succès et créa un genre spécifique de film d’horreur) procurent aux adolescents une bouffée temporaire d’excitation et de peur, et l’arrière-pensée délicieusement effrayante qu’il puisse vraiment exister quelque part quelque chose de terrifiant qui se terre.

Trois approches générales

Quand une personne devient plus mûre, trois approches générales à l'égard de l'occulte et autres forces extérieures commencent à prendre forme.

Il y a tout d’abord les sérieux, les esprits cartésiens qui se moquent et rejettent tout en bloc. Pour eux, le monde est rationnel, quantifiable et tout le reste n’est que débilité à mettre au panier.

Il existe une dimension spirituelle dans le monde, remplie de mystères que nous ne comprenons pas.

Un deuxième groupe existe, qui tend vers la spiritualité, l’artistique, la poésie, etc.  Ceux qui le composent perçoivent une dimension spirituelle du monde et ressentent intuitivement qu'il existe toutes sortes de forces et de mystères que la raison ne peut comprendre. Leur monde est peuplé de lectures dans les feuilles de thé, les cartes de tarot, les boules de cristal et de prédictions psychiques.

Un troisième groupe, enfin, regroupe des gens profondément religieux, dont la vision du monde est celle d'une grande bataille entre les deux forces qui l’habitent – celles du Bien et du Mal. Le capitaine de l'équipe du Bien est Dieu, assisté par une armée d'anges, de saints, de martyrs, etc. tandis que celui de l’équipe du Mal est le diable, secondé par des démons, des mauvais esprits et des politiciens. Leur monde est particulièrement menacé par des livres comme ceux d’Harry Potter, en grande partie du fait de la sévérité avec laquelle la sorcellerie est traitée dans la Bible.

Rien de juif

Aucune de ces trois approches ne sont en accord avec le Judaïsme. Quelle est la perspective de la Torah concernant la sorcellerie?

La Torah a adopté une attitude très négative envers la sorcellerie quelque soit sa représentation, comme il est écrit:

"La sorcière, tu ne la laisseras point vivre." (Exode 22:17)

"Quand tu seras rentré dans le pays que l’Eternel, ton Dieu te donne, ne t’habitue pas a imiter les abominations de ces peuples-là. Qu’il ne se trouve personne chez toi qui…pratique des enchantements, qui s’adonne aux augures, à la divination, a la magie, qui emploie des charmes, qui ait recours aux évocations ou aux sortilèges ou qui interroge les morts. Car l’Eternel a horreur de quiconque fait pareilles choses et c'est à cause de telles abominations que l’Eternel, ton Dieu dépossède ces peuples à ton profit. " (Deutéronome 18:9-12)

Mais pourquoi? Quel est donc le problème avec ces pratiques?

L’approche du soi-disant « Diable versus Dieu » est un anathème pour le Judaïsme du fait de la notion de dualisme qu’elle implique. Dieu est Un, et Dieu est Unique. Sa manière d’agir peut revêtir de nombreux aspects qui s’avèrent très différents, mais il n'existe en aucun cas "deux" armées au plein sens du mot.

Le Judaïsme parle effectivement de « Satan / diable », mais il voit Satan comme un agent de Dieu, chargé de tester la sincérité des actions de l'homme, la force de ses convictions, et la résistance de sa moralité. Bien que ce prétendu diable semble inciter l'homme à faire le mal, il n'est pas en soi un être mauvais. Il mène tout au contraire une opération « clandestine », incitant ouvertement au mal, mais travaillant en réalité pour Dieu. Cette notion apparait clairement en survolant les premières lignes du Livre de Job: Dieu envoya Satan pour tester la vertu de Job.

Tout comme un dentiste ou un médecin teste la fermeté d'un os ou d’une chair en les sondant, en appuyant dessus, tout comme l'armée teste l'intégrité et la fiabilité de ses agents de renseignement en les mettant à l’épreuve, il en va de même pour l'homme qui, lui aussi, est testé ainsi par Dieu. Une épreuve révèle la valeur inhérente aux actes d'une personne, démontrant véritablement qui elle est.

Donc, si la magie et l’occulte existent réellement, pourquoi sont-ils si négatifs ?

Bonne magie et mauvaise magie

Il est également fait mention de nombreux exemples de «bonne magie» dans les sources talmudiques, telles que bénédictions, amulettes, etc. Comment faire la distinction entre ces deux sortes de forces spirituelles?

L’explication à laquelle il est fait le plus souvent référence est celle de Nahmanides, le grand penseur juif du 12ème siècle. Nous allons tenter d'adapter et de comprendre son point de vue.

Bien que Dieu fût le seul créateur de l'univers, Il créa un système autonome de  « nature » qui sert de niveau intermédiaire entre Dieu et l'homme.

Ce système de nature est quasi-independant et s’autogère avec ses propres lois, ses causes et ses effets. Il peut donc être utilisé sans recours immédiat à Dieu et permet donc ainsi une sorte d'athéisme. Car il est alors facile de penser que le système fonctionne de lui-même, indépendamment de Dieu. Gravité, inertie, électromagnétisme etc.,  tous fonctionnent que l’on soit pécheur ou saint. Celui enclin à n’y voir que des phénomènes naturels, sans se soucier de s’interroger sur leur cause, ou sans s’émerveiller de la manipulation par Dieu des éléments naturels, est du coup trompé par ce système et peut être ainsi amené à ne plus croire en Dieu.

Le monde du quasi-spirituel peut plier les lois de la nature par la magie et des miracles.

Entre Dieu et le monde de la nature existe aussi un autre pont, celui que nous appellerons «l’occulte» ou le quasi-spirituel. Il a la capacité de changer et de plier les règles de la nature, par la magie, des miracles et autres. Mais ce monde quasi-spirituel, même s’il se situe à un degré plus élevé que celui de la nature à proprement parlé, n'est pas pour autant encore au niveau du Divin. Il a ses règles et ses lois de fonctionnement et est plus puissant a priori que le monde physique. Mais il ne saurait être cependant tout-puissant.

Pouvons-nous utiliser ce monde de la même manière qu’il nous est permis de le faire avec le monde physique?

Nahmanides explique que Dieu ne souhaite pas que nous nous servions d’une manière générale de ce monde. Le Plan de Dieu prévoyait que nous prenions conscience de Son existence par le monde de la nature, et à travers ses phénomènes naturels. Quelqu'un qui subvertit le système de la nature, en utilisant constamment le monde surnaturel, va à l'encontre de la volonté de Dieu.

Des personnes saintes ont parfois utilisé des forces supérieures à celles de la nature, mais elles ont alors toujours insisté sur le fait que ces miracles ainsi générés ne faisaient que démontrer la  toute-puissance de Dieu et son absolu contrôle sur les phénomènes naturels. Ceci s’apparente (bien qu’en étant différent) à ce que Dieu voulut établir lorsqu’Il accomplit les miracles en faveur d'Israël pour la sortie d’Egypte : la vérité absolue du Divin. Quand un Juste a parfois recours à l'intervention du Divin, elle ne fait que renforcer cette vérité-là.

Le danger de basculer

C'est à ce moment précis que le risque de se tromper est le plus fort. Une personne qui a pris conscience du fait que les lois de la nature en elles-mêmes ne peuvent suffire à expliquer le monde, a entraperçu le monde plus élevé du spirituel ; elle s’est trouvée face-à-face  avec une foule hétéroclite  "d’êtres spirituels".  Si elle comprend qu’il s’agit là d’agents de Dieu, alors cette expérience est une véritable expérience spirituelle. Mais à l’inverse, si elle se méprend et pense qu’ils ne dépendent aucunement de Dieu, alors elle devient purement et simplement un idolâtre ! Ces forces, lorsqu’elles sont vues comme un pouvoir alternatif à celui de Dieu, deviennent malfaisantes.

La meilleure illustration possible de cette double approche est inhérente à l'histoire du « serpent d’airain »:

Et le peuple se plaignit de Dieu et de Moïse ... alors l’Eternel suscita contre le peuple des serpents brûlants, qui mordirent le peuple, et il périt une multitude d’Israélites ... l’Eternel dit à Moïse: "Fais toi-même un serpent [d’airain] et place-le en haut d’une perche ; quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! Moïse fit un serpent d’airain, le fixa sur une perche ; et alors, si quelqu’un était mordu par un serpent, il levait les yeux vers le serpent d’airain et était sauvé. (Nombres 21:4-9)

La Michna (Roch Hachana 29a) pose ainsi la question:

Le serpent guérissait-il ou tuait-il? En fait, lorsqu’Israël levait les yeux vers le ciel, et se tournait ainsi vers leur Père Céleste [ils étaient guéris], et lorsque ce n’était pas le cas, ils dépérissaient.

Ici, nous avons deux facettes du surnaturel: d’une part la nature miraculeuse du serpent qui amena les gens à se rendre compte que ce fléau émanait de Dieu, et qui les fit donc se remettre en question et  travailler sur eux-mêmes pour s’améliorer. De ce point de vue là, ce fut une expérience spirituelle positive.

Mais plus tard, les choses dégénérèrent : le serpent ne fut plus un moyen de reconnaître Dieu, mais devint au contraire un but en soi, c'est-à-dire un merveilleux serpent avec un pouvoir de guérison – une puissance distincte de celle de Dieu. Ce qui est de l’idolâtrie. Pour cette raison, plusieurs centaines d'années plus tard, le roi Ezéchias fit détruire ce serpent d’airain car les gens l'avaient transformé en idole!

Comprendre l’idolâtrie

Le culte des idoles consiste à croire en la présence de nombreuses forces qui ont des pouvoirs différents, qui agissent sur les hommes et peut-être même sur Dieu. L'idolâtre pense qu'il pourrait utiliser ces «pouvoirs» contre Dieu, il faudrait juste qu’il sache comment les détourner de Lui.

C'est comme si la puissance de Dieu était contenue dans une arme qu’Il serrerait dans Sa main. L'idolâtre pense qu’il lui suffirait de parvenir à s’en emparer, pour pouvoir alors se servir du pouvoir de Dieu. Il assimile les sortilèges de sorcellerie avec la capacité de maîtriser Dieu.

Le meilleur exemple de cette façon de penser est Bilaam, le prophète malfaisant, que la Torah qualifie de sorcier. Versé dans cette connaissance des forces de l’univers et très compétent dans leurs manipulations, il complotait sans cesse pour parvenir à utiliser le monde de la magie contre Dieu. Il crut comprendre le mode de pensée de Dieu et en déduisît qu’avec suffisamment de ruse et de puissance, il serait en mesure de Le duper!

C’est finalement, la pire forme d'idolâtrie possible. Car en fait la personne s’appuie sur quelque chose de « vrai ». Il ne s’agit pas d’une roche bizarroïde qu’un esprit primitif a promue au rang d’un dieu. Au contraire, il s’agit là d’une puissance réelle, une puissance qui fonctionne. Et pourtant, c’est totalement faux, car rien n'est indépendant de Dieu.

Le test décisif de la «spiritualité» est la moralité. Sans morale, toute «spiritualité» est malfaisante ou un simple leurre.

Pour nous, le test décisif de la «spiritualité» est la moralité. Toute forme de «spiritualité» qui n’exige pas de code moral de la part de l'être humain, qui ne cherche pas à le rapprocher de Dieu, ou à faire ressortir le potentiel divin qui l’a en lui, est malfaisante ou tout simplement un leurre.

Si quelqu’un pratique des «rites occultes» qui consistent en des mots étranges marmonnés, des costumes ou des rites bizarres, ils ne sont qu’un leurre ou malfaisants. Ce n’est la plupart du temps qu’un leurre, mais peut devenir également malfaisant si cette personne a, dans certains cas, entrevu ces pouvoirs et les a dissociés de Dieu.

Les grands rabbins qui commirent des actes surnaturels, le firent pour rapporter ici-bas un message de Dieu. Ils conjurèrent les gens à reconnaître le Créateur, à s’améliorer, faire preuve de gentillesse envers les autres, être honnête et fidèle, maîtriser leur pulsions, etc. Prises dans le contexte plus large de Dieu, de la Torah et de la morale, ces miracles extraordinaires, c’est-à-dire sortant véritablement de l’ordinaire, n’étaient autres que des révélations divines.

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