Spiritualité

Une identité juive en devenir: la conversion au judaïsme

24/03/2015 | par Yona Ghertman

Auteur d'un nouvel ouvrage de référence sur la conversion, le rabbin Ghertman revient sur ce qui l'a motivé à s'intéresser de près à ce sujet.

On me demande souvent pourquoi j’ai décidé d’écrire ce nouveau livre sur le thème de la conversion. Je ne suis pas moi-même converti, et je ne travaille pas non plus dans le service de conversion d’un Beth-Din. Il y a quelques années, je n’étais d’ailleurs pas vraiment attiré par le sujet et je préférais ne pas m’impliquer dans les processus de conversion.

Néanmoins en étudiant les passages du Talmud concernés au Collel de la Yechiva Torat ‘Haïm (Nice), j’ai été très intéressé par cet aspect de la Torah qui m’était encore inconnu, ou du moins peu connu. Je détaille dans l’ouvrage en quoi le parcours de la conversion reflète le parcours des Bné-Israël quittant l’Egypte pour atteindre le Har-Sinaï et y accepter la Torah. Comprendre les motivations, parfois contradictoires, de celui qui veut devenir juif, c’est remettre en question le caractère automatique de la judéité de naissance. On naît juif. On est juif… Et après ? Peut-on se suffire de cette identité proclamée haut et fort sans recherche de sens véritable ? Car pendant que beaucoup de nos coreligionnaires dissertent sur « l’identité juive »; sans n’avoir jamais étudié une page de Guemara en profondeur, des non-juifs cherchent véritablement à comprendre, à donner du sens à une Torah qui les attire bien que sa perception soit encore floue.

Le Talmud traite de deux époques complètement différentes pour les conversions. Durant l’époque romaine, les juifs étaient maltraités et la conversion était alors quasiment une formalité. On rappelait d’ailleurs au non-juif qui voulait rejoindre le peuple d’Israël, qu’il se préparait à rejoindre un peuple « brisé, opprimé, méprisé et rejeté »; (Yebamot 47a). Le processus était très rapide, et les rejets sûrement peu fréquents.

Toutes différentes étaient les époques des rois David et Salomon. Nos maîtres stipulent : « On n’acceptera pas les convertis après l’arrivée du Messie. Dans le même ordre d’idées, les convertis n’étaient pas acceptés à l’époque de David, ni à l’époque de Salomon »; (Yebamot 24b). Lors de ces périodes glorieuses - passées et à venir - les juifs ont été - et seront - respectés pour leur dévouement à Dieu. Le respect engendrant des privilèges, on craint que des non-juifs désirent rejoindre le peuple d’Israël exclusivement pour en bénéficier. Cette crainte étant justifiée et importante, une présomption de « mauvais intérêt » est établie et entraîne un rejet systématique des candidats à la conversion (voir cependant Tossfot sur ce passage, qui souligne que les conversions clairement motivées par l’amour de Dieu étaient tout de même acceptées aux époques des rois David et Salomon).

De quelle époque notre situation actuelle en France est-elle à rapprocher ? D’un côté on ressent plus d’antisémitisme que quelques années en arrière… Mais de l’autre, les Juifs ont toujours la réputation d’avoir de l’argent et du pouvoir… Cette réputation est certes liée à l’antisémitisme, mais elle peut aussi pousser certaines personnes à se rapprocher du peuple supposé avoir ses entrées chez tous les médias nationaux et jusqu’à Matignon… Voilà donc le grand dilemme se posant aujourd’hui au Beth-Din : nous sommes dans une époque intermédiaire. Il n’est plus question d’accepter automatiquement les personnes témoignant d’une volonté de se convertir, mais il n’est pas question non plus de leur fermer la porte.

Il ne s'agit pas de « repousser » le candidat à la conversion, ni de le décourager, mais de le mettre face aux responsabilités qui sont le lot de tout juif craignant Dieu.

Il appartient donc aux Dayanim (juges rabbiniques) de faire preuve d’un grand discernement pour ne pas repousser une potentielle âme juive, ni accepter une personne n’étant pas intéressée par la Torah. À ce sujet, il est nécessaire de préciser que les idées reçues ne sont pas forcément exactes. Lorsque la Guemara parle de « repousser » le candidat à la conversion, il ne s’agit pas de le décourager, mais de le mettre face aux responsabilités qui sont le lot de tout juif craignant Dieu. Ceci doit se faire avec courtoisie et considération de l’autre, à l’image de Naomi s’adressant avec affection à ses deux belles-filles avant le départ d’Orpa et la venue de Ruth parmi le peuple d’Israël (Ruth 1, 11-13).

Quant à l’importance d’accepter uniquement des convertis intéressés par une pratique sincère de la Torah, cela est certes une exigence incontournable, mais l’existence de motivations autres parallèles n’est pas forcément exclue. Nous apprenons cela notamment du don de la Torah : les Bné-Israël ont sincèrement pris sur eux de respecter les mitsvote par la formule « naassé vé-nichma »; - « nous ferons et comprendrons »; (Exode 24, 7)- mais il n’en reste pas moins que d’autres intérêts étaient présents, tels l’entrée en terre d’Israël et la certitude d’être protégés par Dieu dans le désert hostile.

J’espère vous avoir fait partager mon intérêt pour le sujet avec ce bref aperçu. Je ne peux certes pas résumer les 250 pages du livre dans cet article… Je vous invite donc à vous le procurer pour approfondir la réflexion sur la conversion et l’identité juive. Vous y découvrirez également les halakhote qui concernent spécifiquement les personnes en conversion et les récents convertis.

L’ouvrage est disponible dans toutes les librairies juives et sur le site des Editions Lichma.

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