Spiritualité

Défier le temps

29/09/2013 | par Hannah Dreyfus

Min’ha, la prière de l'après-midi, est le moment idéal pour prendre du recul face aux tumultes de la vie quotidienne.

Les mille et un détails de la vie ont tendance à nous submerger. Nos journées sont accablées de tâches fastidieuses, de listes interminables de choses à faire, tout cela dans une course constante et harassante vers l'accomplissement. Les jours s'écoulent dans l'enceinte de murs rigides, jambes repliées derrière des bureaux, yeux obscurcis derrière des écrans. Qui a le temps de stopper cette course effrénée pour méditer et s’interroger sur la direction que prend son existence ?

Quand cette avalanche de détails menace de nous ensevelir, et que notre lien avec la Main divine qui tire les ficelles s'estompe dangereusement, la loi juive introduit une pause.

Min’ha, la prière de l'après-midi, instaurée au cœur de l'agitation quotidienne, nous impose une halte. Le matin, cette heure propice du jour où l'esprit est encore clair, il est plus aisé de dédier un moment àDieu. Le soir, quand on ralentit le rythme de nos activités, on apprécie ce moment de communion et de méditation.

Mais l'après-midi, quand tout est confus et que la fatigue s'insinue, ce rendez-vous avec Dieu devient de plus en plus difficile. Ce qui ne le rend que d’autant plus impérieux.

La prière de Min’ha est sciemment intrusive.

Comparée aux autres prières quotidiennes, celle de Min’ha est courte, composée seulement d'un psaume lapidaire (Achré), et des 18 bénédictions (Amida) qui constituent la quintessence de la prière. Min’ha doit être prononcée entre midi et le coucher du soleil. Pendant les longs jours d'été, on a jusque tard dans l'après-midi pour le faire; les courtes journées hivernales demandent qu'on épargne un moment dans l'après-midi qui finit tôt. Quoi qu'il en soit, cette prière est destinée à marquer une rupture. Elle est sciemment intrusive.

Au milieu du boulot écrasant – téléphones, réunions, clientèle, enfants – ce coup de sifflet hors du temps est rarement un son apprécié. "Je suis occupé pour le moment" marmonnons-nous en jonglant entre culpabilité et exaspération. "J'aurai un moment de libre un peu plus tard, juste après avoir fini ceci". Et de continuer à vadrouiller l'air important, construisant des châteaux de sable, imprimant des coups délibérés dans de la boue molle, négligeant les nuages annonçant l'orage qui s'accumulent dans le ciel.

Article sur le même sujet : Comment obtenir une réponse à vos prières ?

Se connecter à l'éternité

Se confronter à la fugacité de sa propre existence n'a rien de réconfortant. Ce n'est pas agréable de considérer que la plupart des choses que nous accomplissons sont vouées à disparaître. Si nous étions à même de marquer une étape, l'espace d'un instant, en dehors du tourbillondes activités quotidiennes, considérant les pièces fragiles de la vie dansant et tournoyant frénétiquement, notre présent serait relativisé avec humilité.

Mais ces moments d'introspection sont largement redoutés, et évités avec adresse. Ces parenthèses de lucidité troublante, que tout un chacun doit affronter, à un moment ou un autre, forcent la question: où vais je? C'est une question que peu de personnes se soucient d’affronter, dans la mesure où elle constitue une enquête trop fondamentale pour tolérer une réponse approximative.

La prière de Min’ha introduit cette question dans la vie de tous les jours. Comme elle nous aide à affronter chaque jour les scrupules imminents de la vie, elle encourage notre propension à l’introspection. La question essentielle – où vais-je? – ne pèse plus telle une épée de Damoclès sur nos têtes. Elle devient chaque jour partie intégrante de notre existence.

Pour ceux qui sont investis uniquement dans la matérialité, Min’ha constitue une rupture frustrante. En revanche, pour celui qui est prêt à affronter le caractère éphémère de sa propre existence, Min’ha fournit une opportunité de transcender ces confinements tristement réducteurs. C'est un moment – tapi dans un coin, au bureau, à la synagogue – pour s’adresser face-à-face à son Créateur. C'est l'occasion de défier l'éphémère en se connectant à Celui qui préside au-delà du cadre étroit du sablier.

Celui qui insiste pour dire qu’une telle pause, qu’une telle interruption, devrait être instaurée de son propre gré se leurre malheureusement. Car tout objet reste en mouvement tant qu'il n’est pas sollicité par une force extérieure.

Min’ha, la prière de l'après-midi est un parti-pris de liberté. Cette pause délibérée développe chez nous un détachementpar rapport aux tâches quotidiennes incessantes qui défilent sans fin à travers les étapes de la vie. En échappant aux diktats de notre emploi du temps, chaque après-midi pour un court instant, nous faisons la seule et unique chose de notre ressort pour contrôler le temps. Nous nous connectons à l'Eternité.

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