Spiritualité

La Capitale, Chap. 7 : Dix euros l’info !

01/05/2014 | par Millie Salomon

Avant son départ pour la Capitale, Angel va rendre visite à son ami Alex, fraichement promu traducteur de la collection de papyrus anciens du Louvre…

Résumé des épisodes précédents :

Avant son départ pour la Capitale, Angel va rendre visite à son ami Alex, fraichement promu traducteur de la collection de papyrus anciens du Louvre…

Angel aurait pu prendre le métro. Mais il avait, comme le matin même, une forte envie de marcher. Il remonta la rue de l’Arbalète et, rapide comme l’éclair, sans même s’apercevoir du trajet parcouru, il entra, moins d’une heure plus tard, dans le Passage d’Enfer où habitaient Alex et Claire. La perspective des volets aux couleurs pastel se développait devant lui et les pavés brillaient comme des couleuvres, témoins d’une récente averse. Il composa le code qu’il connaissait par cœur, gravit les étages avant de constater que la porte était légèrement entrouverte.

L’appartement était petit et envahi de livres. Il fallait parfois enjamber des cartons dans le couloir pour atteindre le salon où trônait, sur un secrétaire ancien, la copie du papyrus qu’Alex était en train de déchiffrer. Sur les murs étaient affichées des gravures représentant le Temple de Jérusalem et le Tabernacle avec ses deux chérubins.

Ces reproductions correspondaient à Alex qui chérissait ce qui le ramenait aux temps anciens, bien plus glorieux, à ses yeux, que ceux d’aujourd’hui.

Lorsqu’Angel entra, Alex était penché sur le papyrus et, sur l’ordinateur, était apparue en écran de veille l’échelle de Jacob. Il était si concentré qu’il ne fit même pas attention à Angel qui se tenait debout devant lui.

    – Bonjour Papy ! s’exclama Angel.

    – Ah ! c’est toi ! dit-il en sursautant. Comment as-tu fait pour entrer ?

    – J’ai ouvert la porte qui n’était pas fermée ! J’ai frappé mais personne ne répondait. J’en ai déduit que tu étais totalement absorbé...

    – Désolé… La porte se ferme mal ces derniers temps. Claire n’a pas dû faire attention en partant.

    – Pas de problème ! Voilà qui est passionnant ! plaisanta Angel en se penchant sur le papyrus déroulé.

De nombreux sévices

Alex traduisait les louanges adressées à Ramsès II, tâche fastidieuse et rébarbative. Mais en parallèle, il travaillait sur un projet qui lui tenait à cœur : retrouver les traces du passage des esclaves hébreux en Égypte. Les lampes de Dendérah, ces étranges ampoules portées par des hommes, représentées sur les bas-reliefs du Temple d’Hathor, étaient d’après lui les témoins de l’asservissement durant lequel, entre autre sévices, les égyptiens obligeaient les Hébreux à porter sur leurs têtes les luminaires du Pharaon.

Par souci de vérité historique, Alex amassait de nombreux textes, objets d’art, sculptures et sarcophages et avait constitué au fil du temps un dossier important. Car pour lui, la dérive des sociétés, semblable à celle des continents, tenait au morcellement de l’Histoire, que des falsificateurs, à toutes les époques, avaient manipulée sans scrupules. Le terrain commun de l’humanité avait éclaté, à cause de ces faussaires, et il considérait comme fondamental de revenir aux origines afin de redonner une unité et un sens à l’Histoire. Pour lui, Alexander s’adonnait donc à ses recherches animé d’un véritable idéal.

    – J’ai été désigné pour faire partie de l’équipe qui travaille sur la collection du Louvre. Qu’est-ce que tu en dis ? demanda Alex.

Cette subite promotion fit plaisir à Angel qui congratula son ami et lui souhaita chaleureusement de mener à bien cette mission. Il avait lui aussi un défi à relever car il partait le lendemain pour la Capitale et devait rendre un papier détaillé sur le site. On attendait de lui une véritable enquête policière tant le sujet était nébuleux.

    – C’est donc cela qui te rend inquiet ? interrogea Alex après qu’Angel lui ait raconté son entretien avec Boïdae.

    – J’ai l’air si préoccupé ?

Le visage émacié, le regard perçant et le sourire ironique d’Angel glacèrent un instant Alex.

    – Et si on allait manger ? Tu m’as l’air bien amaigri !

Les deux camarades se mirent à table. Mais après quelques bouchées, Angel s’arrêta net. Alex venait de lui expliquer qu’une amie de Claire s’était rendue dans la Capitale et avait tout raconté à sa femme. Cette phrase anodine avait sonné aux oreilles d’Angel comme une véritable révélation.

    – Et qu’a-t-elle raconté ? demanda-t-il, avec un air passionné qui étonna Alex.

    – C’est 10 euros l’info… répondit-il. Alors, on commence ?

    – Même à 100 euros je suis preneur, accepta Angel sans négocier.

    – Et bien voilà tout ce qu’il faut savoir sur la Capitale : les milliers de visiteurs quotidiens ne manquent jamais d’espace vital. La Capitale compte tant d’hectares et ses allées sont si larges que les gens se croisent sans ressentir la moindre promiscuité.

    – Combien de temps est-elle restée ? coupa court Angel qui connaissait ces renseignements et n’avait pas la patience de les réentendre.

    – C’est justement là où je voulais en venir : d’après elle, on ne peut pas y rester plus de six jours. Et on doit impérativement en sortir avant le vendredi midi. Si bien que les débuts de visite commencent le dimanche, au plus tard le mercredi, afin que les visiteurs puissent au moins profiter de trois jours de vacances. Tout est inscrit sur la pyramide bleue et on règle le billet d’entrée au moment de la réservation, jamais sur place.

Angel était blême, la mâchoire serrée.

Angel fouilla nerveusement dans sa poche et en retira le carton d’entrée. Il le retourna dans tous les sens et finit par apercevoir, sur la base extérieure, une minuscule inscription portant les dates de la réservation.

    – Il faut vraiment le savoir, s’indigna Angel, qui avait changé de tête.

Il était blême et sa mâchoire ne desserrait pas. Alex remarqua ce subit changement d’humeur mais fit mine de l’ignorer. Quelque chose ne tournait pas rond chez son ami mais il avait peur de le brusquer.

    – Et à part ça, quoi d’autre ? interrogea Angel, inquisiteur.

    – À part ça, poursuivi Alex, avec un léger sourire censé détendre l’atmosphère, l’Architecte a créé une infrastructure où tout est automatisé. Il n’y a pas de personnel et c’est l’informatique qui gère le site. Et à part ça, lui-même habite la Capitale…

    – … mais personne ne sait où, interrompit Angel qui devinait la fin de la phrase.

Plus nerveux que jamais, il remuait son pied de façon saccadée, comme s’il avait des fourmis dans les jambes.

    – Quelque chose ne va pas ? lâcha enfin Alex, de plus en plus étonné de la conduite d’Angel.

    – Non, tout va bien. Je suis juste un peu stressé. Boïdae m’attend au tournant et je sais que je vais devoir faire mes preuves. C’est un peu l’enquête de ma vie et je ne dois pas rater le coche !

Cette justification ne satisfit pas Alex. Il y avait autre chose qui troublait Angel.

    – Est-ce un sujet tellement délicat ? demanda Alex dubitatif.

    – Je n’ai pas d’indices suffisants pour me faire une idée claire. L’Architecte est un mystère vivant. Certains disent qu’il est immensément riche. D’autres que c’est un aventurier sans le sou parvenu à tirer des fonds monumentaux du ministère de la culture grâce à des personnages haut placés qui lui doivent beaucoup. Il est déroutant par sa discrétion. Est-ce un artiste mégalomane ? Un investisseur ambitieux ? Est-ce l’incarnation du bien ou du mal ?

Cette question étonna Alex.

    – Et comment a-t-il commencé sa carrière ? demanda-t-il, avec un regard pénétrant.

    – C’est également une énigme, répondit Angel, soulagé qu’Alex prenne intérêt à ses interrogations. Mais parle-moi plutôt de ta promotion. De quoi s’agit-il ?

    – Depuis plusieurs mois, la direction des antiquités égyptiennes du Louvre compile tous les documents écrits dont elle dispose dans une collection appelée Kheops. Toute cette matière n’a pas été forcément traduite. Nous travaillons sur des planches reproduites sur facsimilé, sur des inscriptions figurant sur des bas-reliefs, des sarcophages, des bijoux. Bref, c’est un projet de très grande envergure… Pour l’instant j’ai buté sur un problème technique. Champol, mon chef, m’a demandé de bûcher sur un papyrus mais je n’arrive pas à mettre la main dessus. Il est manquant dans le répertoire général… Enfin, quand je l’aurai retrouvé et traduit, je te le ferai lire, je sais que c’est ton violon d’Ingres, termina Alex sur une pointe d’ironie.

Angel avait retrouvé le sourire et ils purent passer une fin de soirée plus décontractée. Pourtant, lorsqu’il se leva pour partir, rasséréné et reconnaissant, il avait à peine touché à son assiette.

    – Tu m’excuseras auprès de Claire, dit-il en serrant la main d’Alex. Je n’ai pas beaucoup d’appétit. Mais cela dit, c’était vraiment délicieux !


Rendez-vous jeudi 15 mai pour découvrir le chapitre 8...

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