Monde Juif

Trois jeunes israéliens kidnappés

15/06/2014 | par Sara Yoheved Rigler

Notre réaction face à ce drame qui touche l'ensemble du peuple juif en plein cœur.

Pour ma part, ce n’est pas par Internet que j’ai été mise au courant de l’enlèvement. Vendredi en début d’après-midi, mon mari est allé prier Min’ha dans une ancienne synagogue de notre quartier, la vieille ville de Jérusalem. L’officiant a ajouté les psaumes 121 et 130 à la liturgie habituelle, passages que l’on intercale généralement pour un malade ou pour les personnes qui traversent de grandes difficultés. Une fois la prière terminée, mon mari s’est donc enquis du nom de la personne malade. Et c’est ainsi qu’il a appris la terrible nouvelle…

Pour ceux qui l’ignorent encore, trois étudiants de yéchiva ont été enlevés jeudi soir par des terroristes arabes. Naftali Frankel, 16 ans, Guilad Chaar, 16 ans et Eyal Ifrah, 19 ans, étudiaient à la yéchiva dans le Gouch Etsion, une région composée de localités juives et de villages arabes au sud de Jérusalem. À la fin de la session d’étude du soir, le trio a quitté la yéchiva et on les a aperçus pour la dernière fois faire de l’auto-stop à un carrefour important de cette région. L’un d’entre eux a tout juste eu le temps de saisir son téléphone portable pour composer le 100, le numéro de téléphone de la police israélienne, et a réussi à balbutier : « Nous avons été enlevés. » Puis la conversation a été coupée net.

L’armée israélienne a aussitôt lancé des recherches intensives dans le Gouch Etsion et la région de ‘Hévron. Elle a également bouclé tous les points de passage menant à Gaza pour tenter d’éviter une répétition de l’enlèvement de Guilad Shalit. Rappelons que ce dernier avait été retenu par les terroristes du ‘Hamas dans une cave à Gaza pendant cinq ans, avant d'être remis en liberté en échange d’un millier de prisonniers terroristes.

« Nos jeunes ont été kidnappés par un groupe terroriste. Cela ne fait aucun doute, a déclaré le premier ministre Nétanyahou dans un communiqué officiel. Nous avons à présent lancé une vaste opération pour localiser et ramener les trois jeunes étudiants de yéchiva. J’ai parlé à leurs parents, et je leur ai dit que nous faisions le maximum pour ramener leurs enfants, qui sont également les nôtres. »

Le premier ministre Nétanyahou a informé l’ambassadeur américain en Israël, Dan Shapiro, que l’un des trois garçons enlevés était un citoyen américain.

Pendant ce temps, toute la journée du vendredi, des fêtes ont été organisées à Gaza et dans d’autres villes sous contrôle palestinien. Des séquences vidéo ont montré des résidents agitant des drapeaux de Hamas et de l’O.L.P. et distribuant des friandises sur fond de musique joyeuse.

Nous demandons à tout le peuple juif de prier pour les trois garçons disparus afin qu’ils reviennent sains et saufs chez eux.

À l’approche du Chabbat, les familles des disparus, toujours sans aucune nouvelle de ces derniers, ont lancé un message au peuple juif : « L’heure de l’allumage des bougies a le pouvoir d’apporter le salut, nous demandons à tous, même à ceux qui n’ont pas l’habitude de prier régulièrement, de prier à ce moment pour la réussite de l’armée dans la recherche des garçons disparus.  Nous demandons à tout le peuple d’Israël de prier pour ces trois garçons enlevés afin qu’ils reviennent sains et saufs chez eux, dans leur famille. »

Une vie où rien n’est acquis

Justement, ce même vendredi matin, alors que mon propre fils quittait la maison pour rejoindre sa yéchiva, j’avais eu une pensée soulagée pour le climat de sécurité relative qui régnait en Israël depuis maintenant quelques années. Il faut dire que durant les quatre ans de la deuxième Intifada (2000-2004) qui avait coûté la vie à plus d’un millier d’Israéliens innocents assassinés par des terroristes arabes, nous avions vécu la peur au ventre. Lorsque nos filles se rendaient en ville pour s’acheter de nouvelles chaussures, nous ne pouvions présumer qu’elles reviendraient saines et sauves à la maison. Lorsque nos fils montaient dans l’autobus pour aller chaque matin à l’école, nous ne pouvions présumer qu’ils allaient arriver sains et sauf à destination. Lorsque nos maris quittaient la maison pour se rendre à leur travail, nous ne pouvions être assurés de les revoir. Au cours de ces années, chaque départ était accompagné d’une prière fervente et chaque retour, de remerciements fervents. Bref, nous avions appris à considérer que rien n’était acquis dans nos vies…

Mais l’opération Pilier de Défense avait "nettoyé" ces nids de terroristes, mettant sous verrou des milliers de djihadistes dont le rêve le plus cher était de tuer des Juifs. Et lentement, nous avions ressenti que nos transports publics, nos cafés et nos centres commerciaux devenaient plus sûrs. Alors peu à peu, nous nous étions laissé couler dans un semblant de tranquillité.

De toute évidence, dimanche dernier, lorsque Rachel Frankel, Bat Galim Chaar et Iris Ifra’h avaient embrassé leurs fils avant leur départ pour la yéchiva, elles se disaient qu’ils allaient rentrer au bercail jeudi soir, comme chaque semaine. Au lieu de cela, les voilà plongées dans un abîme d’incertitude et d’épouvante, un tourbillon dont tout Israël ressent l’influence vertigineuse.

À l’heure du coucher du soleil vendredi, à l’entrée du Chabbat, un voile lugubre s’est abattu sur Israël. Comme le premier ministre l’avait confié aux familles des garçons disparus, nous ressentions tous que ces garçons étaient aussi les nôtres.

J’ai suivi les requêtes des familles. Au moment de l’allumage des bougies de Chabbat, j’ai prié pour que les garçons reviennent sains et saufs, puis je me suis assise pour réciter des psaumes. Chabbat est censé être un moment de transcendance, de lumière, de joie et de paix. De nombreux récits circulent quant à ces personnalités d'exception qui vécurent des tragédies avant ou pendant le Chabbat, mais qui ne s’autorisèrent pas à prendre le deuil avant la fin de ce jour saint. Pour ma part, je ne me sentais guère capable d’une telle grandeur d’âme. Mes faibles tentatives pour transcender le drame qui se déroulait autour de moi ressemblaient à celle d’un oiseau s’évertuant de prendre son envol les ailes attachées.

Retrouvailles au Kotel...

Vendredi soir, nous avons dîné chez des amis dans la vieille Ville. Bien entendu, toutes les conversations tournaient autour de l’enlèvement. Puis l’un des invités a annoncé que les grands-rabbins d’Israël avaient demandé au public de se rendre au Kotel (Mur occidental) à 23:30 pour prier pour le retour des garçons. 

Des centaines de personnes, issues de toutes les obédiences du peuple juif, étaient réunies sur l'esplanade.

À 23:15, mon mari Leib et moi nous sommes dirigés vers le Kotel, le cœur lourd. Seules quelques personnes isolées se trouvaient à proximité du mur, dernier vestige du Second Temple. Il est trop tard et les gens sont trop fatigués, ai-je pensé tout en ouvrant mon Livre des Psaumes et en prenant place face au Mur. J’ai récité des psaumes pendant quinze minutes avant qu’une voix forte ne perce le silence. En me retournant, j’ai eu la surprise de voir des centaines de personnes, issues de toutes les obédiences du peuple juif.

Un homme de grande taille portant une kippa blanche crochetée, que je reconnaissais vaguement, conduisait la lecture des Psaumes. Il psalmodiait un verset, puis la foule le répétait après lui. Il priait avec une telle ferveur, avec des sentiments si intenses. Ce n’est que plus tard que j’ai compris la profondeur de son empathie. Comme mon mari me l’a appris, cet homme était le rav Touvia Lipshitz, dont le fils adolescent Yo’hai avait été assassiné dans l’attentat de la yéchiva Merkaz Harav six ans plus tôt.

À un moment donné, j’ai aperçu à quelques mètres de moi Dvori Franklin, une jeune femme de notre quartier. Sa sœur aînée Mi’hal avait été assassinée par un terroriste le dernier jour du lycée.

Nous offrions le spectacle d’un peuple brisé et accablé, déchiré par des conflits internes, attaqué par d’innombrables ennemis, et vilipendé par les autres nations. Les paroles des Psaumes exprimaient à la fois notre foi et notre angoisse. Laquelle allait l’emporter ?

À minuit, nous avons achevé la récitation du dernier psaume. Je pensais que nous allions fermer nos livres et rentrer chez nous. Mais au lieu de cela, les gens se sont mis à entonner spontanément la mélodie poignante d’A’hénou kol beth Israël :

Nos frères sont toute la famille d’Israël
Ceux qui sont dans la détresse et ceux qui sont détenus en captivité
Qu’ils soient en mer ou sur la terre sèche.
Que Dieu ait pitié d’eux,
Qu’Il les secoure de la détresse pour qu’ils trouvent un réconfort
Qu’ils passent de l’obscurité à la lumière,
De l’esclavage à la rédemption,
Maintenant, rapidement et bientôt
Et disons : amen.

Les accents émouvants de ce chant nous ont redonné courage. Dans la nuit fraîche de Jérusalem, nous avons répété ces mots en boucle. « Nos frères sont toute la famille d’Israël. » Et tandis que nos lèvres remuaient, je ressentais que nos âmes anxieuses fusionnaient en une seule et unique entité, implorant Dieu pour le salut des trois garçons et de 14 millions de Juifs, « toute la famille d’Israël. »

Puis ce chant s’est mué en un autre, un texte du Séder de Pessah devenu un hymne populaire :

C’est elle qui nous a soutenus, nos ancêtres et nous,
Car ce n’est pas un seul ennemi qui s’est levé contre nous pour nous exterminer,
Mais à chaque génération, on tente de nous détruire,
Et le saint béni soit-Il nous sauve de leurs mains.

La pleine lune éclairait les pierres millénaires du Kotel alors que des centaines de voix, fortes et déterminées, s’élevaient en crescendo.

Tels des voyageurs perdus dans une forêt sombre et peuplée de danger, nous avions fait fausse route. Mais à minuit, quand la lune a gracié l’obscurité d’une éclaircie, nous nous sommes retrouvés. Et nous nous sommes réunis. Par le mérite des Juifs du monde entier unis dans la prière, puissions-nous retrouver nos fils disparus.

Merci de prier pour le retour en toute sécurité de :
Yaakov Naftali ben Ra’hel Devorah
Guilad Michael ben Bat Galim
Eyal ben Iris Teshura

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