Société

Vol d'identité

23/06/2014 | par rabbin Benjamin Blech

La semaine dernière, un hacker a piraté mon compte. Et moi, j'ai décidé de lui faire la morale...

La semaine dernière, j’ai été victime d'une agression pernicieuse.

Mais elle ne fut pas physique. Il s’agit en fait d’une nouvelle forme de crime qui a vu le jour  avec l’avènement des nouvelles technologies, et je me suis aperçu que je n’étais pas le seul à en subir les conséquences. 

Ce n’est pas mon argent que l’on a volé, mais mon identité. Comme j'appartiens à la génération des machines à écrire, j’ignore complètement comment ils s’y sont pris. Pour moi le langage informatique est du grec et Google est un miracle que je ne parviens toujours pas à comprendre. Mais au fil du temps, j’ai appris à aimer le système des emails et je n’ai pas de nostalgie pour les timbres. J’apprécie l’idée de pouvoir être en contact avec tous mes contacts d'un simple clic. Du moins, jusqu’au jour où j’ai découvert que quelqu’un avait réussi à me voler mon mot de passe, à entrer en contact avec toutes mes connaissances et à leur mentir sans vergogne afin de servir ses funestes desseins. 

J’ai commencé à me douter que quelque chose clochait quand je me suis aperçu que je ne pouvais plus accéder à ma messagerie. Puis plusieurs amis m'ont téléphoné pour exprimer leur compassion et me demander davantage de détails. C’est par eux que je pris connaissance du message envoyé en mon nom, une brillante tentative d’escroquerie, intitulée Urgence. Voici le scénario imaginé, une série de mensonges auxquels on pourrait facilement croire: 

« Bonjour, je suis désolé de vous écrire dans ces circonstances, mais il y a deux jours, je me suis rendu à Londres pour un bref séjour et je me suis fait voler mon sac avec mon passeport et mes cartes de crédit. L’ambassade est d’accord de m’aider en m’autorisant à prendre l’avion sans mon passeport. Il faut simplement que je paie le billet d’avion et les factures d’hôtel. Malheureusement, je ne peux pas accéder à mon compte bancaire sans ma carte de crédit. J’ai contacté ma banque, mais ils ne peuvent pas me fournir de nouvelle carte rapidement. C’est pour cela que j’ai pensé à vous demander de me prêter une petite somme d’argent que je rembourserai dès mon retour. Il faut absolument que je prenne le prochain avion. Je peux vous envoyer les informations sur la façon de me faire parvenir l’argent. Vous pouvez me contacter par email (le voleur a inséré ici une adresse mail très ressemblante à la mienne, qui arrivait directement chez lui, lui permettant ainsi de  consulter les réponses) ou au numéro de téléphone de l’hôtel (il a donné ici un numéro localisé en Angleterre qui renvoyait vers l’un de ses complices ou était redirigé vers le son lieu d’opération au Nigeria, comme je le découvris par la suite grâce à une analyse minutieuse de son email). Dans l’attente de votre réponse. Merci. » 

L’homme qui avait volé  mon identité espérait recevoir environ 2000$ d’au moins quelques unes des centaines de personnes de ma liste de contacts. Ceux qui, comme il l’espérait, se souciaient assez de mon bien-être pour être capables de m’aider dans des situations urgentes.

Cette fois pourtant, il n’a rien reçu. La plupart de mes amis savaient que c’était une escroquerie. Les autres m’ont appelé pour vérifier si ce n’était pas une fraude, et ils ont vu leurs soupçons confirmés.

Mais la partie la plus incroyable de l’histoire est ce qui suit. C’était peut-être un peu fou de ma part, mais j’ai décidé d’affronter le cerveau de ce complot international. Mes amis m’avaient conseillé d’oublier cet incident, mais je ne les ai pas écoutés.

J’ai découvert que j’avais la possibilité de communiquer directement avec le bandit : mon adresse mail légèrement modifiée était celle où il attendait ses réponses. Je lui ai donc laissé un petit message lui expliquant qu’il avait poussé le crime trop loin et qu’il lui fallait prendre conscience que ses actes malhonnêtes n’étaient pas sans conséquences. J’ai ajouté que dans ma vie, j’ai bien souvent eu des intuitions qui se sont confirmées et que j’étais sûr d’une chose : il serait bientôt puni financièrement et physiquement à cause de ses actes. Vaille que vaille, je sentais que mes paroles le remettraient au moins en question, ou susciteraient chez lui la crainte des conséquences de ses crimes. 

Quelques heures plus tard, aussi incroyable que cela puisse paraitre, j’ai reçu un message. Le hacker Nigérien m’avait répondu !

Oui, il était désolé  de m’avoir fait du mal, disait-il. Il était d’accord sur le fait qu’il y a un Dieu qui sait tout ce qu’il fait. Mais il prétendait que Dieu était un Dieu aimant qui continuerait à l’aimer peu importe ce qu’il faisait. Il prétendait qu’il n’avait aucune raison d’avoir peur parce qu’il serait pardonné de toutes ses fautes, aussi graves soit-elles.

Voici un exemple surprenant du danger d’une religion qui prétend que l’amour divin est l’unique loi qui régit l’univers. Si les malfaiteurs n’avaient jamais à craindre la punition divine, ils pourraient poursuivre leurs exactions avec l’esprit tranquille, confiants que Dieu leur a donné carte blanche. Leur Dieu qui les aime sans considération pour leurs actes est finalement plus qu’un ami : pour les plus mauvais d’entre eux, il devient un complice dans le mal.

Mon hacker ignore un principe fondamental particulier au judaïsme : c’est justement parce que Dieu nous aime qu’Il nous tient responsables de nos actes.

Le judaïsme est beaucoup plus exigeant. Nos actes sont pesés sur la balance : les bonnes actions face aux mauvaises. Tous nos faits et gestes entrent en ligne de compte. Le pardon n’est pas accordé systématiquement Dieu : les Juifs doivent faire Téchouva. Il s’agit d’un processus de repentir en trois étapes où l’on doit admettre que l’on a fauté, regretter le passé et s’engager fermement à ne pas répéter la faute dans le futur. Si nos actions ont blessé quelqu’un, il y a une quatrième étape qui consiste à demander pardon à la personne atteinte. Dans le judaïsme, le pardon ne se donne pas, il se gagne.

Je ne vais plus écrire au hacker, je lui ai dis tout ce que j’avais sur le cœur. Je comprends pourquoi il ne craint rien et je suis vraiment heureux qu’il ne m’ait pas volé mon identité pour de bon. Il ignore un principe fondamental particulier au judaïsme : c’est justement parce que Dieu nous aime qu’Il nous tient responsables de nos actes. Il nous aide ainsi à réaliser notre potentiel en ne nous donnant pas simplement Son amour mais en nous permettant de le gagner.

Related Articles

Donnez du pouvoir à votre voyage juif

Inscrivez-vous à l'e-mail hebdomadaire d'Aish.com

Error: Contact form not found.

linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram