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Adam, Eve, et l'éléphant

07/11/2021 | par Rav David Fohrman

Pourquoi Dieu voudrait-Il nous interdire d’accéder à la connaissance du bien et du mal ?

Bien, vous avez pris du temps pour relire l’histoire d’Adam, Eve et le Serpent. J’espère que vous l’avez lu avec un oeil neuf et que vous vous êtes posé la question fondamentale : "Qu’y a-t-il d’étrange dans cette histoire ?" Avant d’en venir à vos conclusions, revoyons d’abord ensemble le déroulement général de l’histoire. En résumé :

Après avoir créé un monde, Dieu fabrique deux êtres humains et les place dans le paradis, le Jardin d’Eden. Il les laisse régner librement sur la quasi-totalité du territoire et n’impose qu’une seule restriction : un certain arbre est interdit, celui dénommé "l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal". Les fruits de cet arbre ne doivent être consommés sous aucun prétexte.

Sans attendre, les êtres humains se débrouillent pour transgresser la seule interdiction qu’on leur a donnée. Sur les instructions d’un mystérieux serpent, Eve mange de l’arbre et partage son fruit avec Adam. Le Tout Puissant se met en colère et distribue diverses punitions : le serpent ? Il ne pourra plus marcher en position debout, mais devra ramper sur le ventre et se nourrir de poussière. La femme ? Des générations de ses semblables endureront la douleur de la conception et l’accouchement. Et l’homme ? Sa progéniture et lui devront travailler à la sueur de leur front pour gagner leur pain quotidien. Et la cerise sur le gâteau : la mort entre en jeu avec tous les participants, plus personne à l’avenir ne pourra vivre éternellement.

Eden est devenu zone interdite, tout le monde doit se trouver un autre endroit pour vivre. Le Grand Maître-nageur dans le ciel a donné un coup de sifflet, il est temps pour tout le monde de sortir de la piscine. Pourquoi ? Parce qu’il existe un autre arbre mystérieux dans le Jardin - l’Arbre de Vie - et la dernière chose que désire Dieu est de voir quelqu’un prendre quoi que ce soit de cet arbre...

Quel est donc le problème ici ? Est-ce que l’histoire vous convient ou y a-t-il quelque chose qui vous dérange en elle ? Si quelque chose vous dérange, pouvez définir exactement de quoi il s’agit ?

Comme je l’ai mentionné auparavant, de nombreuses histoires Bibliques ont un "éléphant dans la pièce" : une question évidente, qui est si fondamentale et si profondément troublante que tant que vous n’y apportez de réponse satisfaisante, vous ne pouvez prétendre avoir aucune compréhension de l’histoire que vous êtes en train de lire. Existe-t-il une question de cette sorte et de cette ampleur à laquelle nous devons faire face lorsque nous lisons l’histoire d’Adam et Eve au Jardin d’Eden ?

Je pense que oui.

Pourquoi l’Eternel voudrait-Il refuser à l’humanité la possibilité de comprendre le bien et le mal?

Parlons un peu de cet arbre mystérieux dans le Jardin, celui que Dieu a interdit. Il porte un nom, "l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal". Le moins que l’on puisse dire est que c’est un nom plutôt inhabituel pour un arbre, mais si c’est ainsi que la Bible l’appelle, on peut présumer que c’est ce qu’il est : Il donne, d’une manière ou d’une autre, à ceux qui goûtent à ses fruits, la "connaissance du Bien et du Mal", une aptitude à distinguer ce qui est approprié de ce qui ne l’est pas.

Toutefois, cette idée présente un gros problème que nous résumerons en une phrase :

"Pourquoi Dieu voudrait-Il refuser cette connaissance à l’homme ?"

Réfléchissez à cette question. Les êtres humains sont-ils meilleurs ou pires du fait de leur connaissance "du bien et du mal" ? Savoir distinguer le bien du mal est-il un atout ou un handicap pour l’humanité ?

Imaginez un monde dans lequel les gens sont les mêmes que ce qu’ils sont à présent - ils sont intelligents, ils marchent, ils parlent, ils conduisent des voitures et vont au bureau. Il ne leur manque qu’une chose : Ils ne savent pas distinguer le bien du mal.

Il existe un mot pour les gens comme ca : on les appelle des sociopathes.

Une personne qui aurait toutes les compétences que nous associons à un être humain à  l’exception de celle qui lui permet de faire la distinction entre le bien et le mal est quelqu’un qui pourrait massacrer les gens à la hache avec la même facilité que vous et moi tondons notre pelouse. Dieu voulait-Il vraiment créer une société avec de tels individus ? Il est clair qu’une personne est meilleure lorsqu’elle connaît la différence entre le bien et le mal. Donc, pourquoi Dieu prétendrait-Il que posséder une telle connaissance est indésirable ?

Il serait tentant de régler cette question en suggérant que, de toute facon, tout était prévu : Dieu voulait vraiment que les êtres humains entrent en possession de la connaissance que l’arbre allait leur donner et qu’en fait, Il était "content" qu’ils en aient mangé. Cependant, cette approche est extrêmement problématique. En effet, à la manière dont la Torah raconte l’histoire, il semble que le Tout Puissant soit décu d’Adam et Eve après qu’ils eurent mangé de l’arbre ; il les punit même sévèrement. Comment comprendre cette déception ? Il semble un peu pervers d’imaginer le Tout Puissant se réjouissant en secret du fait qu’Adam et Eve aient fini par manger le fruit qu’Il avait interdit et qu’Il cache sa joie derrière un masque de mécontentement et de colère.

Concrètement, Dieu voulait réellement qu'Adam et Eve ne s’approchent pas de l’Arbre de la Connaissance, toutefois, cela nous ramène à la question précédente : pourquoi l’Eternel voudrait-Il refuser à l’humanité la possibilité de comprendre le bien et le mal ?

UNE SITUATION INEXTRICABLE AU CŒUR DU JARDIN

En réalité, la question est même encore plus profonde que ca. Ce n’est pas seulement qu’il paraisse étrange que Dieu ait interdit l"arbre de la connaissance", mais plutôt que l’existence même d’un tel arbre puisse créer une contradiction de base au sein de l’ensemble de l’histoire. Je m’explique :

Que se passe-t-il immédiatement après qu’Adam et Eve mangent de l’arbre dont les fruits mystérieux confèrent la connaissance "du bien et du mal" ? Le Tout Puissant se met en colère après eux et les punit. Toutefois, si Adam et Eve furent punis pour ce qu’ils ont fait, cela présuppose qu’ils savaient qu’ils avaient fait quelque chose de mal. On ne punit pas quelqu’un qui n’a pas conscience d’avoir mal agi. Il est donc évident qu’Adam et Eve avaient déjà une connaissance du bien et du mal avant même de manger de l’arbre. Tout au moins, ils savaient qu’il était bien d’obéir à Dieu lorsqu’Il leur dit de ne pas en manger et que c’était mal de Lui désobéir.

Mais alors là, nous sommes vraiment dans une impasse. Car si Adam et Eve avaient déjà une compréhension du bien et du mal avant même de s’approcher du fruit, c’est donc qu’ils étaient déjà en possession de ce que l’arbre était censé leur donner et cela voudrait dire que l’arbre était inutile, rien d’autre qu’une farce stérile.

Comment allons-nous nous en sortir ?

Il s’agit d’un problème très sérieux, fondamental. Adam et Eve étaient-ils déjà en possession de la connaissance que l’arbre était censé leur procurer ? C’est le genre de question à vous faire passer une nuit blanche car tant que vous n’en aurez pas fini avec elle, vous ne parviendrez jamais à comprendre le sens de l’histoire d’Adam et Eve.

Comment allons-nous régler ce problème ? J’aimerais vous proposer l’ébauche d’une approche qui nous sera peut-être utile par la suite.

UN MONDE AU-DELA DU BIEN ET DU MAL

Nous nous sommes peut-être fondés sur des hypothèses erronées. Nous avons un peu trop facilement supposé que nous connaissions le type de connaissance que l’arbre conféra à Adam et Eve : Une connaissance "du bien et du mal", "du correct et de l’incorrect". Toutefois, en y repensant à deux fois, le simple fait qu’il s’appelle "l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal" ne signifie pas qu’Adam et Eve étaient dans l’ignorance de la moralité, de ce qu’il fallait faire ou pas, dès le départ. Cela signifie juste qu’ils n’appelaient pas la notion "de bien et de mal" moralité, ils lui avaient donné un autre nom.

L’approche que je suggère là n’est pas de moi. Elle est en fait celle que définit Maïmonide, le Rambam. En effet, dans son Guide des Egarés, le Rambam prend en considération la même question que nous nous sommes posés précédemment : pourquoi Dieu voudrait-Il nous interdire d’accéder à une connaissance du bien et du mal ? La réponse qu’il nous fournit est la suivante : L’arbre ne nous a pas procuré une compréhension de "ce qui était approprié de faire et de ce qui ne l’était pas" que nous ne possédions pas auparavant ; en fait, il a plutôt transformé cette compréhension en autre chose, une chose appelée "connaissance du Bien et du Mal".

Si cela vous paraît un peu obscur, essayez d’aborder cette idée de la manière suivante : De nos jours, lorsque nous faisons quelque chose de correct, nous la considérons comme "bonne" et lorsque nous faisons quelque chose d’incorrect, nous la considérons comme "mauvaise" cependant, prétend le Rambam, ces termes ne sont pas les plus naturels que l’on puisse utiliser. Ces termes ne nous sont devenus pertinents - ils ne sont entrés dans notre vocabulaire, si l’on peut dire - qu’après que nous ayons mangé de l’arbre et assimilé "la connaissance du bien et du mal". Dans le monde d’Eden, le monde d’avant l’Arbre, les mots "bien" et "mal" auraient paru bizarres et inappropriés. Effectivement, nous aurions eu conscience de ce qu’il faut faire ou ne pas faire mais nous n’aurions pas appelé cela "bien et mal". Nous l’aurions considéré de manière toute autre et nous lui aurions donné une autre appellation.

Quelle aurait été exactement cette "appellation" ? Qu’aurait signifié le fait de penser au bien et au mal dans le monde d’Eden, dans le monde d’avant l’Arbre ? ca, c’est vraiment la question à 10 000 €. Dans une certaine mesure, le simple fait de poser la question nous permet de nous dépasser. Poser cette question, c’est tenter de comprendre un monde que nous ne connaissons plus, un monde dans lequel le bien et le mal avaient une apparence et un ressenti totalement différents de ceux qu’ils ont à présent. Mais, nous devons essayer malgré tout car la Torah suggère que ce monde-là était le plus authentique des deux et que c’est vers lui que nous nous efforcons de retourner.

Découvrir quelle était la nature du bien et du mal dans le monde originel d’Eden sera l’une des principales tâches auxquelles nous nous attellerons dans les chapitres à venir. Toutefois, avant cela, il nous faut recueillir plus de données et donc, nous demander encore une fois : Quelles autres questions l’histoire d’Adam et Eve nous réserve-t-elle ?

Relisez une fois de plus le texte et je vous retrouve la prochaine fois pour comparer à nouveau nos réflexions.

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