Réflexions Pessah

5 réflexions pour animer votre Séder de Pessah

12/04/2016 | par le rabbin Aaron Goldscheider

Idées, questions et débats stimulants à partager le soir du Séder.

1. Graver notre histoire sur les cœurs de nos enfants

La mitsva centrale du Séder consiste à raconter l’histoire de la sortie d’Égypte. En hébreu, nos sages appellent ce récit sipour yétsiat mitstraïm, « le récit de l’exode d’Égypte ». Le rabbin Joseph Soloveïtchik souligne que le terme sipour, histoire, s’apparente au mot sofer, scribe, ou à celui de séfer, qui renvoie à un livre ou à un manuscrit. Et d’expliquer qu’un sofer, un scribe, qui écrit un séfer, un manuscrit, produit quelque chose de permanent, quelque chose qui durera pendant de nombreuses générations.

De même, le soir du Séder, les parents se consacrent à la noble tâche d’« écrire un manuscrit éternel. » L’enfant incarne le séfer, le manuscrit sur lequel le parent grave la beauté de cette soirée sacrée dans l’esprit de l’enfant.

Le soir de Pessah, nous endossons le rôle de sofrim, de scribes, écrivant d’une encre indélébile sur les cœurs et les esprits de nos enfants cette histoire qui sera transmise à toutes les générations à venir.

Selon le Midrach (Yalkout Chimoni, Vézot Habérakha, Remez 962), lorsque Moïse décéda, une voix céleste annonça : « Moïse est mort, le grand scribe d’Israël. »

Pourquoi ce qualificatif fut-il employé pour décrire Moïse ? L’attribut le plus remarquable du berger d’Israël fut-il celui d’avoir écrit les rouleaux de la Torah ? Le rabbin Joseph Soloveïtchik explique que l’expression « grand scribe d’Israël » ne se cantonne pas à cette seule définition. Car la véritable prouesse de Moïse fut d’avoir écrit sur les cœurs de son peuple. Il parvint à graver la sagesse de la Torah sur l’âme même des enfants d’Israël. Et il le fit d’une telle manière que chaque génération serait à même de la transmettre à la suivante.

Tel est aussi notre rôle le soir du Séder : imprimer fortement la Torah au plus profond de l’âme de nos enfants.

Débat à soulever : Quelles sont les valeurs et traditions essentielles à transmettre à nos enfants dans le monde actuel ?

2. Briser la Matsa, un symbole de partage

Au cours du Séder, nous brisons la Matsa en deux pour symboliser le pain de la misère que les esclaves juifs mangeaient en Égypte. L’une des explications classiques est celle voulant que le pauvre, qui ignore d’où lui viendra son prochain repas, prélève un morceau de sa pitance pour le garder pour plus tard.

Mais le rabbin Joseph Soloveïtchik offre une autre interprétation de ce « pain du pauvre » qui fut mangé par nos ancêtres.

Contrairement à ce que l’on pense, il s’avère qu’en Égypte, les Hébreux ne furent pas tous soumis à un même degré d’esclavage. Certains vécurent dans des conditions plus supportables, d’autres dans des conditions plus pénibles. D’ailleurs, selon nos Sages, la tribu de Lévi ne fut jamais asservie. Ceci laisse entendre que certains de nos ancêtres avaient de la nourriture, tandis que d’autres non.

D’après le rabbin Soloveïtchik, les mieux nantis brisaient leur pain et le partageaient avec leurs frères nécessiteux. D’où l’expression « le pain du pauvre ». Cette idée est symbolisée par l’acte de briser la Matsa en deux, la quatrième étape du Séder appelée Ya’hats. Quand nous brisons la Matsa à l’instar de nos ancêtres, il s’agit d’un symbole de ‘hessed incarnant la bonté et la solidarité des Juifs envers leurs coreligionnaires, leurs frères et leurs sœurs, même dans les conditions les plus difficiles.

Débat à soulever : Comment pouvons-nous apprendre à devenir des personnes plus généreuses et compatissantes ?

3. Pourquoi manger des herbes amères ?

Le maître hassidique, Rabbi Yéhouda Aryé Leib de Ger (1847-1905), dans son commentaire intitulé Sefat Emet (Pessah 1873) cite une question soulevé par son grand-père, Rabbi Its’hak Méïr de Ger, également connu sous le titre de son magnum opus ‘Hidouché Harim : pourquoi mangeons-nous des herbes amères le soir du Séder ? Et de répondre : « Ressentir la douleur et l’amertume est en fait un signe de rédemption. Le simple fait de ressentir l’amertume constitue en soi la première lueur de la liberté ; car le plus abject degré d’esclavage est d’être si accoutumé à sa condition que l’on en vient à s’y conforter.

Le rav Kook interprète la signification du maror, les herbes amères, d’une manière similaire : il existe un danger qu’un esclave devienne si accoutumé à sa condition qu’il préfère ne pas recouvrer sa liberté. Mais ce ne fut guère le cas de nos ancêtres. Nous Juifs ressentîmes l’amertume — nous savions que ce n’était pas la vie qui nous était destinée. Nous savions que nous étions issus d’un héritage sacré et que nous étions des « princes de Dieu ».

Si elle est incontestablement un rappel de l’amertume de nos vies d’esclaves, la consommation du maror au Séder devrait aussi être perçue comme le signe d’une qualité spéciale que nous possédions. Nous avons toujours réussi à maintenir notre dignité et nous avons toujours été conscients du caractère unique de notre peuple. Nous avons « heureusement » senti le goût de l’amertume et avons su que nous étions destinés à mener des existences nobles et dignes.

Débat à soulever : Comment nous détacher des influences sociales pouvant émousser notre dignité et empiéter sur la réalisation de nos aspirations ?

4. Découvrir la Torah qui est en toi

« S’Il nous avait conduits au Sinaï sans nous donner Sa Torah, cela nous aurait suffi ! »

Comme le souligne, le maître hassidique Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev, ce verset figurant dans le chant Dayénou ne paraît pas très sensé.

En effet, quel intérêt aurions-nous eu à accéder au Sinaï mais ne pas y recevoir la Torah ? 

La réponse, dit-il, se trouve dans les événements qui se produisirent penchant les jours et les instants précédents le don de la Torah. Chacune des personnes présentes s’ouvrit si sincèrement et si profondément à Dieu et à la Torah qu’elle fut à même de découvrir que la Torah, la volonté de Dieu, était d’ores et déjà inculquée dans leurs cœurs et leurs esprits. Chacun d’entre nous contient la Torah en lui, dit Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev. Le problème c’est que nous sommes tellement préoccupés par le caractère superficiel de la vie que cela nous empêche d’être à l’écoute de notre nature profonde pour y découvrir les valeurs authentiques.

Et le maître de Berditchev de conclure : le seul fait d’arriver au Sinaï et d’écarter toutes les préoccupations matérielles afin d’entendre exclusivement la parole de Dieu suffit à provoquer cette découverte ; l’expérience d’une conscience intérieure de la volonté de Dieu, avant même d’avoir fait celle de la révélation de Dieu. Tel est le sens profond des mots : « S’Il nous avait conduits au Sinaï sans nous donner Sa Torah, cela nous aurait suffi ! »

Débat à soulever : Comment nous arracher aux nombreuses distractions qui nous empêchent souvent de forger une véritable relation de proximité avec Dieu ?

5. Changer : un acte héroïque

« … tu étais nue et découverte » — Hagada de Pessah.

C’est l’un des versets les plus mystérieux que nous récitons le soir du Séder. L’auteur de la Hagada cite un verset du livre d’Ézéchiel qui décrit l’esclave juif en Égypte : « Je t’ai multipliée comme la végétation dans les champs, tu as augmenté, grandi, tu as revêtu la plus belle des parures … mais tu étais nue et découverte » — (Ézéchiel 16, 7).

Que signifie ce verset sibyllin ?

Le rabbin Joseph Soloveïtchik explique que c’était la vie de l’esclave israélite qui était « nue et découverte », c’est-à-dire de nature bestiale. Ces centaines d’années où ils avaient baigné dans une culture avilie et dépravée avaient eu une influence néfaste sur les Hébreux. Malheureusement, bon nombre d’entre eux menaient une existence qui ne reflétait pas un comportement noble et moral ; ils avaient succombé à une existence « nue et découverte », grossière et fruste.

Et puis une chose quasiment inimaginable se produisit, un miracle bien plus grand que tous les signes et les prodiges d’Égypte. Les esclaves hébreux se métamorphosèrent en profondeur, ils s’élevèrent de leur bassesse et ouvrirent leurs cœurs pour accepter la volonté divine. Ils choisirent une nouvelle voie dédiée à la poursuite d’idéaux et d’objectifs transcendants. Ceci, souligne le rabbin nécessitait un courage prodigieux, que la tradition kabbalistique appelle guevoura ; conquérir ses désirs destructifs et exercer sa retenue et son abnégation.

Cette métamorphose héroïque du peuple juif, le choix d’un mode de vie sacré, demeure l’une des leçons les plus durables et capitales de l’histoire de l’exode. Et c’est là une source d’inspiration éternelle pour notre propre progression spirituelle.

Débat à soulever : Pessah est une fête propice au changement. Que pouvons-nous faire pour amorcer les changements que nous souhaitons faire dans nos vies ?

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