Réflexions Pourim

Amalek, le bémol à la clé

08/03/2017 | par Miriam Lichtenauer

Après mon Alya, on m’a proposé d’intégrer un orchestre symphonique, et j’ai voulu relever le défi, dans la langue du pays. Mais Amalek est là, il se cache derrière un sourire narquois, un haussement d’épaules…

Rabbi Tsadok haCohen de Lublin écrit :

Toute déperdition de Torah appelle, dans cette vacuité, de la moquerie – celle d’Amalek. « Donne des coups au persifleur… » (Michlé 19, 25), c’est Amalek… L’essence des peuples est de tourner toute vérité en dérision…

C’est pourquoi il nous a été ordonné de nous souvenir d’Amalek, car son propre est d’alourdir le cœur par de vaines pensées de moqueries, qui font oublier le reste et détournent de tout ce qui est bien.

(Séfer Ma’hchavot ‘Haroutz, lettre 7, lettre 13)

« La musique, c’est un peu de talent, et beaucoup d’entraînement. » Le mot d’ordre qui m’a suivi tout au long de ces années. D’abord au piano, puis au violon. Des années belles, mais difficiles. Difficile d’être différent. Après l’école, quand tous jouaient au foot ou surfaient sur Internet, je passais le plus clair de mon temps à jouer… du piano, à répéter mes gammes. Une grande discipline de soi, mais beaucoup de railleries. Cela vaut-il la peine de s’escrimer ? À quoi bon s’appliquer ? Pernicieux, les doutes s’insinuaient parfois dans mon esprit.

Après mon Alya, on m’a proposé d’intégrer un orchestre symphonique, et j’ai voulu relever le défi, dans la langue du pays. Quarante-neuf musiciens sur scène, autant de partitions, une diversité qui ne doit pas nous diviser. Un rythme astreignant, des répétitions difficiles. Pas assez de génie ? Trop d’entraînements ? Difficile de concilier ma passion avec mon emploi du temps. Pourtant, je m’accroche.

Plus qu’un simple loisir, ça devient une vocation, de répétition en répétition. Un peu comme si l’on gravissait des échelons… les 49 degrés d’impureté quittés à notre sortie d’Égypte. Un brin de génie, une bonne dose de patience. Mais les doutes, les sourcils moqueurs. Coup de blues : Amalek est là, il se cache derrière un sourire narquois, un haussement d’épaules. Les violons ne sont pas au diapason, la contrebasse déraille. Haman a la part belle.

« Non ! nous serine notre chef d’orchestre. Ne cédez pas au découragement et surtout soyez unis. Imaginez-vous que vous formez un seul homme. Vibrez tous au même rythme. »

Il lève sa baguette, et je vois Moché Rabénou, les bras levés vers le ciel. Tant qu’il les maintient, c’est la victoire – Amalek, un coup sur le bec. S’il les baissait, ce serait la débâcle – le couac qui gâche toute l’harmonie.

D’interminables répétitions, un bon nombre d’hésitations, beaucoup de transpiration, quelques éclats de voix, nous y voilà. Le concert. Le trac, la peur au ventre, et ces doutes, ces doutes qu’on a du mal à faire taire. En regardant le public, j’ai l’impression qu’on nous montre du doigt, qu’on va rire de nous. Si les gens voulaient un spectacle de Pourim, ils vont être servis…

Amalek est là : il se moque de nous, de la Torah, de la mi-la, de la vérité, de tout ce qui est sacré. Mais nous allons le vaincre.

Comme un rappel à l’ordre, notre chef lève sa baguette. Je dois me reprendre. Les archets sont dégainés, la bataille peut commencer. Miracle, mes doigts courent tous seuls sur les touches du clavier. Un léger vertige s’empare de moi. Amalek est là : il se moque de nous, de la Torah, de la mi-la, de la vérité, de tout ce qui est sacré. Mais nous allons le vaincre. Nous ne capitulerons pas. Je nous imagine tous, unis, solidaires, au pied du mont Sinaï. Hommes et femmes, prêts à recevoir la Torah. Fortissimos.

« Ne tiens pas compte des railleurs, me disait Papa, c’est comme Amalek. Après la sortie d’Égypte, il s’est attaqué aux Bné Israël, en se moquant de leur attachement à la Torah et aux Mitsvot. Les traînards, ceux qui ont lâché, ont été les premiers agressés. »

Des cliquetis d’armes, qui sonnent comme des rires. Et si nous baissons la garde, il a le dessus. Ne perdons pas le tempo. Les trombones appellent à la guerre, ne nous laissons pas faire.

Je rouvre les yeux. Amalek ne glousse pas, nous sommes à l’unisson. Les violons ne sont pas à la traîne, les spectateurs sont tenus en haleine. Le rythme ralentit. Decrescendo. Pédale douce, puis un bref silence. Les oiseaux cessent de pépier, le public est fa-si-né. Coup de cymbales, le tonnerre éclate. Place à la Torah !

Une seule sol-ut-ion : le souvenir d’Amalek effacer et notre différence assumer.

Mais ce n’est pas terminé. L’ennemi n’est pas exterminé, et il nous reste encore un bon morceau à jouer, et à la Torah s’accrocher.À présent, nous reconstruisons le Michkan, maintes fois démonté. Jusqu’à ce que la Présence d’Hachem vienne y résider. Un peu de génie, beaucoup de persévérance…

Un arpège ascendant, qui s’élève, qui reste suspendu sur une note lancinante, cette prière qui nous hante depuis des milliers d’années. Puis c’est l’apothéose, le bouquet final : les Korbanot, la Ménora do-ré. Je vois le Cohen Gadol l’allumer, avec de l’huile pure d’olives concassées. Et moi, je suis un Lévi, harpe en main. Secondaire mais, comme tous, si important. Ma musique incite au repentir, à la Torah. Le sourire sardonique d’Amalek s’est effacé.Accord plaqué, le persifleur est terrassé.

Le point d’orgue, pas de fausses notes, la fusion. Les applaudissements éclatent, le mal semble écrasé et je soupire de félicité. Pourtant, je le sais, la guerre n’est pas achevée. Un peu de génie – très peu, si peu – mais beaucoup d’entraînement. La Torah et les Mitsvot pratiquer, un héritage auquel s’accrocher. Croire en D.ieu, croire en l’homme. Assurer ses arrières, et toujours avancer, sans se laisser déstabiliser. Les moqueurs, s’y habituer, s’y résigner ? Tu as un idéal, on veut te casser. Une seule sol-ut-ion : le souvenir d’Amalek effacer et notre différence assumer. Jusqu’au jour où, sur un accord majeur, la Royauté sera restaurée dans toute son intégralité.

Republié avec la permission du magazine Oneg 7 - les cahiers de la famille.

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