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L'arrivée d'un enfant peut-elle aider un couple en rupture ?

06/06/2017 | par David Benkoël

La réponse de David Benkoël, coach analyste dans l'esprit du judaïsme.

Bonjour Sim'ha,

Vous faites sans doute allusion à ce que certains ont nommé « l'enfant-pansement ». Un enfant qui serait la panacée pour un couple alors au bord de la séparation. Le pansement fait-il disparaître la plaie de manière essentielle, ou se contente-t-il de la masquer ? Toute la question est là.

Si la théorie de l'enfant-pansement séduit, c'est qu'un couple sans harmonie souffre. Il souffre même atrocement, à la mesure de la proximité entre les deux protagonistes. Or, il est un principe général : l'homme est littéralement prêt à tout pour que sa souffrance cesse. A l'extrême, un blessé grave est prêt à mourir pour cela. Il demandera même à son camarade « d'abréger ses souffrances », plaidant un acte de miséricorde !

J'ai volontairement choisi cet exemple pour mieux faire ressortir une première idée : l'homme supporte difficilement de souffrir. Pour quelle raison ? Parce que la souffrance, n'est pas un état naturel pour lui. Encore à l'état de fœtus, n'est-il pas isolé du monde, donc protégé de ses agressions, dans la chaleur du ventre maternel ? Plus fondamentalement, nos Sages expliquent que l'homme est une créature hybride, en partie matérielle, en partie spirituelle. Sa partie spirituelle, l'âme, provient d'un monde où la souffrance n'existe tout simplement pas.

Voilà pourquoi l'homme déteste souffrir. Non pas parce que « ça fait mal » ! Parce que ça n'est pas normal.

Revenons-en à notre couple en rupture. Quel est son quotidien ? Les disputes, les paroles blessantes, l'absence de confiance, le manque d'écoute, la sensation de ne pas exister, de ne pas être considéré aussi, le constat d'une incompréhension mutuelle, j'en passe. Ces manifestations ne peuvent qu'inciter les époux à fuir leurs souffrances, puisqu'ils ne parviennent pas à les atténuer.

Précisément, cette posture, qui semble pourtant salutaire, est dangereuse. Elle transforme une souffrance de couple en deux souffrances individuelles. À ce stade, la cellule du couple n'existe déjà plus. On se retrouve plutôt en présence d'un mari et d'une femme désespérés, qui tentent d'aseptiser leurs plaies respectives comme ils le peuvent, en y posant... un pansement.

Il existe bien des types de pansements. Dans le cadre qui est le nôtre, ce sont bel et bien des moyens de cacher la plaie, ce qui revient à fuir la réalité.

La drogue ou l'alcool sont donc des pansements. Avec eux, on coupe sa conscience du réel. Le profit, nous le connaissons déjà : l'addiction est certes un temps passé à s'autodétruire, mais c'est aussi un temps durant lequel on ne souffre pas... car on n'assume pas.

L'infidélité est un autre pansement, une autre manière de fuir. On se convainc que le bonheur attend à l'extérieur, alors qu'il est là, devant soi. Pourquoi n'est-il pas visible en ce cas ? Parce qu'il n'existe qu'à l'état de potentiel et attend de devenir réalité, pour peu que l'on s'attelle à construire son couple et, s'il le faut, à construise sa propre personne au préalable.

La cohabitation est une fuite plus subtile. Explicitement ou tacitement, les époux se décident à vivre l'un à côté de l'autre, évitant ainsi toute friction. Apparemment unis pour l'œil extérieur non averti, ce sont en vérité deux individus qui on décidé arbitrairement de n'avoir plus rien en commun.

Et puis il y a l'enfant, le fameux enfant-pansement.

Il faut tâcher de comprendre en quoi un enfant s'apparenterait-il à une stratégie de fuite. N'est-il pas le résultat de l'amour ? Mieux encore, une fois venu au monde, ne catalysera-t-il pas l'amour ? C'est effectivement ce que notre couple en rupture est prêt à croire... un peu naïvement.

Cette naïveté rappelle ces personnes qui aiment à croire à des histoires où les circonstances surviennent un peu par magie. C'est la naïveté de celui qui craint la réalité, car il n'ose pas (ou n'ose plus) s'y frotter. Alors il se réfugie dans l'imaginaire, et se dit qu'un enfant cicatrisera les plaies qu'il est incapable de guérir, qu'un enfant et remplira les cœurs de cet amour irrésistible des premiers jours.

Mais tout cela n'est qu'une erreur tragique, dont les époux reviendront bien vite.

D'abord, l'amour n'est pas nécessaire pour faire un enfant, d'un point de vue biologique s'entend. La Mystique juive dévoile cependant qu'au moment de la conception de l'enfant, l'amour entre l'homme et la femme, ainsi que leurs intentions et d'autres facteurs encore, protègent l'enfant d'un levouch (vêtement spirituel).

De quel amour parle-t-on ? De l'amour porté à son niveau le plus essentiel, comme tout ce que la Torah enseigne à l'homme. L'amour non pas en tant que facteur émotionnel et physique donc, mais comme facteur d'union. Et qu'est-ce que l'union ? C'est un espace existentiel que deux être différents ont la volonté de créer, pour ensuite y placer ce qu'ils ont en commun. Dans un langage beaucoup plus condensé, celui du Maharal de Prague en l'occurrence, l'amour se nomme « chaviouth haretsonoth », c'est-à-dire la communion (ou l'équivalence) des volontés respectives.

C'est cet amour qui protège l'enfant, cette union qui a quitté depuis longtemps la sphère physique. Cet amour le protège lors de sa conception comme je l'écrivais, mais aussi après sa naissance. Au risque de déchirer le voile onirique dont s'est entouré notre couple au bord de la rupture, une fois l'enfant né, qui s'en occupera ?

Toute la question est là... et la réponse n'est pas celle que l'on croit !

Il est faux, et il est même dangereux pour le devenir de l'enfant, de croire que le père et la mère s'occuperont de lui. Car ce sont les parents, en tant qu'entité cohérente, qui auront la faculté de rendre leur enfant équilibré et autonome. Or, entre le moment où le couple se déchire et le moment où l'enfant vient au monde, rien n'a changé. Rien, sauf un simple état de fait : l'époux est devenu père, l'épouse est devenue mère. La cellule parentale (en tant que tandem uni par la communion des volontés) s'est-elle formée pour autant ? Car c'est bien de ce nid accueillant dont le petit d'homme va avoir besoin.

Deux êtres qui n'étaient déjà pas solidaires sans cette lourde responsabilité, le seraient à présent, comme par... magie ?

Bien entendu, le meilleur cadeau que l'on puisse souhaiter à des parents, c'est un enfant. Et le meilleur cadeau que l'on puisse souhaiter à un enfant... ce sont des parents. Comme l'enfant n'a pas les moyens de transformer un couple divisé en parents soudés, c'est aux parents, avant de le devenir, de travailler ensemble en usant de patience, d'échanges, de bienveillance, mais aussi d'humilité ! Pour laisser l'autre exister, je dois accepter de mourir un peu.

Ainsi, chaque époux pourra développe un espace psychique et idéologique personnel, avec assez de confiance en l'autre pour proposer de mettre son propre capital en commun. Deux individus pourront évoluer en un couple et, quand l'enfant naîtra, le couple pourra évoluer en parents, pour la simple et bonne raison qu'ils s'y seront préparés. Là, il sera alors pleinement indiqué de leur lancer un joyeux : « Mazal tov ! ».

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