Le souci de l’autre
Vayéra (Béréshit 18-22 )

Une réflexion contemporaine sur la Paracha de la semaine.
Deux faits capitaux sont rapportés au début de notre Paracha. La révélation de D.ieu à Abraham à la suite de sa circoncision et la visite de trois voyageurs qui donnera au patriarche l’occasion d’accomplir la mitsva de l’hospitalité qui lui était si chère. Pour donner un sens à la simultanéité de ces deux évènements, Rachi précise qu'accueillir des invités est plus important que recevoir la Présence divine.
Comment comprendre ce principe surprenant ?
On évoque toujours les conditions spirituelles qui permettent de mériter la bénédiction divine mais on s'interroge moins souvent sur la réaction à adopter après avoir effectivement joui d'un tel privilège. C’est à cette question que vient nous répondre le début de la Paracha. Le texte nous rapporte que trois jours après sa circoncision Avraham fut gratifié d’une révélation divine : « D.ieu se révéla à lui (Abraham) dans les plaines de Mamré alors qu’il se trouvait à l’entrée de sa tente, en pleine chaleur du jour ». Au même moment, trois voyageurs se profilèrent à l’horizon. Sans hésiter, Avraham courut à leur rencontre « délaissant » pour ainsi dire la Présence divine.
Comme de la poussière
Lorsqu’un individu bénéficie des bienfaits de D.ieu, il peut réagir de deux façons différentes. Il peut s’estimer méritant et penser qu’il en mérite encore davantage. « Celui qui a 100 veut 200 », affirme le dicton talmudique. Ce faisant, il risque de devenir orgueilleux et de croire que plus rien ne lui est impossible.
A l’inverse de cette attitude, se trouve Abraham qui, dès qu’il la reçoit, se sent indigne de la faveur divine. Et en effet on constate que plus il bénéficie des largesses divines, plus le Patriarche se sent petit. Quand Abraham plaidera la cause des villes de Sedom et Amora (Gomorrhe) auprès de D.ieu, il proclamera: « je ne suis que poussière et cendre ».
C’est dans cet esprit que l’on peut comprendre la lecture allusive (remez) du premier verset de la paracha. Au lieu de dire « D.ieu se révéla à lui dans les plaines de Mamré alors qu’il se trouvait à l’entrée de sa tente… », les sages du Midrach nous donnent une autre lecture : « Avraham pensa que D.ieu était chez Mamré (et non chez lui) alors que lui (Avraham) ne faisait que ses premiers pas dans la Tora (l’entrée de la tente).» Le Patriarche se considérait comme n’ayant pas encore pénétré l’esprit véritable de la Tradition juive.
Effectivement, plus un être humain ressent la Présence divine, plus il devient conscient de sa petitesse. La même attitude existe au niveau de l’étude. Plus on étudie la Torah, plus on se sent humble.
S’effacer devant l’autre
Ceci nous permettra de répondre à une question fréquemment posé à propos de la réaction d’Avraham. Nous avons appris que l'hospitalité est plus importante que « la réception, la prise de conscience, de la Présence divine ». Mais Avraham, lui, d’où le savait-il ?
Arrivé au plus haut degré d’abnégation, le Patriarche s’efface, sans aucune difficulté, devant autrui. Le prochain compte plus que lui ! Au point même de sacrifier son élévation spirituelle (« l’accueil de la Présence divine) pour satisfaire les besoins vitaux et le repos de simples visiteurs de passage.
Nous sommes tous des enfants d’Abraham. C’est ce que nous devons avoir à l’esprit lorsque nous sommes en présence d'un autre être humain.