Monde Juif

Attentats de Bruxelles : des jours sombres pour la communauté juive locale

23/03/2016 | par Yvette Miller

Les Juifs bruxellois confient à chaud leurs sentiments après cette matinée quasi-apocalyptique dans la capitale belge.

L’agitation matinale habituelle à Bruxelles a cédé place à un silence de mort ce mardi 22 mars 2016 après une série d’explosions qui ont touché successivement l’aéroport international de Zaventem et la station de métro très fréquentée de Maelbeek. Bilan de ce carnage revendiqué par l’État islamique : 34 morts et plus de 200 blessés dont certains dans un état grave.

Dans la capitale belge en état de siège, les écoles ont fermé et les autorités ont prié la population de rentrer chez elle ou de s’enfermer sur son lieu de travail. Un douloureux écho aux lendemains des attentats de novembre dernier à Paris où les Bruxellois ont reçu la directive de se barricader chez eux pendant que les forces de l’ordre recherchaient les cerveaux des attaques suspectés de se cacher dans la ville.

Les Juifs bruxellois n’entrevoient plus de véritable avenir pour eux dans leur ville.

Pour la communauté juive de Bruxelles forte de 15 000 âmes, les attaques terroristes et l’état d’urgence aussitôt déclaré ont un effet dévastateur. Dans un entretien exclusif pour le site Aish.com, les habitants juifs de Bruxelles évoquent les sentiments de crainte et d’inquiétude d’une communauté qui n’entrevoit plus de véritable avenir pour la vie juive dans sa ville.

Depuis l’attaque du Musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014 qui a coûté la vie à quatre personnes, la communauté juive se trouve en état d’alerte élevé. « Au cours des derniers mois, nous avons eu une forte présence militaire devant les sites communautaires de la ville » raconte Isabelle Steinkalik à Aish.com. Originaire de Paris, Mme Steinkalik vit à Bruxelles depuis son mariage il y a 28 ans et a vu sa communauté évoluer d’un sentiment de sécurité relative à l’impression de vivre dans un état de siège permanent. « C’est triste à dire, mais quand les gardes sont présents, nous nous sentons en sécurité » soupire-t-elle.

Chimon Bretholz, un employé très actif de la communauté juive, décrit la présence massive des forces de police qui accompagnent les activités juives à Bruxelles : « Cela nous sape le moral. » La peur sans fin et le sentiment d’être en état alerte maximale sont épuisants.

Les festivités de Pourim et en particulier la grande soirée de réjouissances qui devait se tenir mercredi soir ont été annulées. Durant les heures qui ont suivit les attaques, les dirigeants de la communauté juive ont mis en place une cellule de crise pour surveiller la situation sécuritaire dans la capitale. « Ils craignent qu’il y ait d’autres attaques et veulent donc éviter la prise de risques inutiles » explique le rav Ména’hem Margollin, directeur général du CER (Centre des Rabbins Européens), aux médias israéliens.

Le rav Margolin, dont le bureau est situé à proximité de la station de métro de Maelbeek déclare : « La communauté juive ici à Bruxelles et dans l’ensemble de l’Europe n’est pas surprise… Cela fait un bon moment que nous recevons des alertes. Malgré le choc que la ville a subi, nous ne sommes pas surpris. Bien sûr, nous sommes inquiets et tendus, mais nous ne sommes pas vraiment surpris par ce qui se passe dans la ville. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’une telle attaque se produise. »

« Nous avons vécu une journée horrible, incroyable, tellement sombre…  confie Isabelle Steinkalik à Aish.com. Les gens ont peur. Quand le terrorisme ne touchait que le peuple juif, ils ne se sentaient pas tellement concernés. Maintenant, c’est différent. Les gens prennent conscience que les terroristes peuvent tuer n’importe qui. »

La principale école juive de Bruxelles a renvoyé chez ses élèves à 12h30, en priant les parents de récupérer leurs enfants un par un afin d’éviter la formation d’une foule devant le bâtiment scolaire. Chimon Bretholz était l’un de ces parents terrifiés venus chercher leurs enfants. « Il n’y a pas d’avenir pour les Juifs à Bruxelles, martèle-t-il. Et il n’y a d’ailleurs pas non plus d’avenir pour les Juifs en Europe. » Bretholz souhaiterait monter en Israël, mais il doit au préalable trouver un emploi.

Un pessimisme partagé par Isabelle Steinkalik ; les Juifs de Bruxelles plient bagage pour s’installer en Israël ou ailleurs. Le taux d’Alyah des Juifs belges a augmenté de 25% en 2015 ; chaque année quelques 200 Juifs belges s’installent en Israël.

Selon Mme Steinkalik , il s’agit principalement de jeunes qui sont plus disposés à recommencer leur vie. « Ils croient en l’avenir et peuvent trouver du travail n’importe où. Pour les gens plus “âgés” c’est plus difficile ; pas tout le monde n’a assez d’argent pour reconstruire sa vie dans un pays étranger. »

« Les festivités publiques de Pourim ont été annulées » déplore un autre habitant juif. « La fête de Pourim sera triste. Pas de programmes de réjouissances. Ceux sont des jours sombres pour nous tous, et l’inquiétude se ressent vivement dans les rues. Nous nous contenterons de modestes célébrations à la maison » a déclaré Chimon Bretholz dans un entretien à la presse israélienne peu de temps après les attaques.

Un peu plus tard, quand il s’adresse à Aish.com, son ton a déjà changé : « Bien sûr, je me rendrai à la synagogue pour écouter la Méguila » assure-t-il.

Même si les célébrations publiques de Pourim ont été annulées, les Juifs belges s’efforceront tout de même de marquer le coup chez eux à la maison, ou dans l’intimité de leurs synagogues. Et de repousser, le temps d’une journée, leurs inquiétudes et incertitudes face à l’avenir de la communauté juive de Bruxelles.

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