Monde Juif

Pologne : les Juifs ne sont plus les bienvenus

24/07/2013 | par Michael Freund

A peine 70 ans après la seconde guerre mondiale, la Pologne s’en prend de nouveau à ses Juifs.

Coup de tonnerre en Europe après le rejet par la chambre basse du parlement polonais du projet de loi visant à rétablir la légalité de la che’hita, ou abattage rituel, par un vote de 222 députés contre 178.

Après qu’une cour constitutionnelle polonaise ait interdit cette pratique, affirmant qu’elle violait la législation nationale en matière de protection des animaux, le gouvernement à Varsovie avait tenté de renverser la décision à la suite des critiques internationales qu’elle avait soulevées.

Mais 38 membres du parti dominant de la plateforme civique ont voté contre le projet de loi émanant du gouvernement, lui assénant ainsi – ainsi qu’à la Pologne – une ignoble défaite.

Inutile d’être chercheur de la Shoah ou étudiant en histoire moderne pour comprendre l’amère ironie qui se profile derrière cette tournure d’évènements.

Pour un pays qui fut le théâtre de l’assassinat de 3 millions de Juifs durant l’occupation nazie, empêcher ce même peuple de pratiquer librement leur foi est une honte et un outrage.

Depuis la chute du Communisme, vingt ans en arrière, la Pologne s’est efforcée de devenir une démocratie occidentale européenne. Or la protection des droits des minorités est l’un des ces baromètres clés pour jauger la santé d’une société libre et démocratique. A cet aulne, la Pologne a visiblement raté le test.

Officiellement, cette décision d’interdire la che’hita s’explique par le souci de protéger les animaux d’une souffrance superflue au cours du processus d’abattage. Mais comme en témoignera toute personne ayant observé l’abatteur rituel juif examiner méticuleusement son couteau pour s’assurer qu’il soit totalement lisse, la che’hita est en réalité fondée sur une volonté de minimiser, autant que possible, la souffrance causée à la bête.

En effet, comme l’écrit Maïmonide dans le Guide des Égarés (Chapitre 48), la Torah a cherché à ce que l’animal soit mis à mort de la façon la plus indolore et nous a défendu de lui occasionner toute souffrance injustifiée.

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études scientifiques ont d’ailleurs confirmé le caractère humain de la che’hita.

Comme Dt Stuart Rosen de la faculté de Médecine du Collège Impérial de Londres l’a écrit à propos de la che’hita : « La rapidité et la précision de l’incision assure l’absence de stimulation des structures tranchées et entraîne une perte immédiate de conscience ».

« L’arrêt irréversible de la conscience, poursuit-il et l’insensibilité à la douleur sont garanties, ce qui constitue la meilleure méthode d'étourdissement. Il n’y aucun délai entre l’abattage et la mort qui s’ensuit, ce qui fait que la bête ne peut regagner conscience, comme cela peut se produire dans les méthodes d’abattage conventionnelles. »

D’autres experts, comme Dr Temple Grandin, un professeur de science animale à la Colorado State University et expert mondial dans la création d’installations de manipulations de bétail, ont également conclu que la che’hita est au moins aussi humaine que les autres procédures conventionnelles utilisées pour abattre des animaux.

Ce n’est rien de moins qu’un assaut lancé contre une pratique ancestrale qui se trouve au cœur de la vie communautaire juive.

Il est donc difficile de repousser le sentiment que la véritable motivation des détracteurs de la che’hita n’est autre que l’antisémitisme pure et simple.

Après tout, déclarer la che’hita inhumaine est par extension une allégation que les Juifs font preuve d’une cruauté gratuite. Ce n’est rien de moins qu’un assaut lancé contre une pratique ancestrale qui se trouve au cœur de la vie communautaire juive ; assaut qui lance un message on ne peut plus clair : on ne veut pas de Juifs ici !

Dans un entretien avec une station de radio polonaise, le grand rabbin Michael Schudrich a condamné la décision du parlement, allant jusqu’à menacer de donner sa démission.

« Je ne peux pas m’imaginer rabbin dans un pays où les droits de la religion juive sont réduites, a-t-il affirmé. » Et de souligner : « L’abattage rituel a été démonisé dans ce pays alors qu’en réalité il n’est nullement aussi brutal qu’on l’a présenté ».

Malheureusement, en plaçant les droits du bétail avant ceux des Juifs, la Pologne a détruit plus de deux décennies d’efforts consacrés à réparer ses liens avec le peuple juifs. Les Polonais ont démontré qu’ils pouvaient se montrer étonnamment insensibles aux Juifs qui vivent en leur sein, et tout aussi impitoyables au regard des exigences de libertés civiles et de libertés constitutionnelles.

Dans une lettre de protestation adressée à son homologue polonaise, le porte-parole de la Knesset Youli Edelstein a écrit :

« Je considère que le peuple polonais et le parlement ont l’obligation morale de changer cette décision inacceptable qui fait de la Pologne le premier pays européen interdisant l’abattage rituel sur son territoire ».

Et de conclure : «  J’espère que cette loi gênante et menaçante sera supprimé des livres de la loi polonaise à la première occasion ».

A notre tour, nous devons nous insurger contre cette décision scandaleuse. Adressez un courrier ou passez un coup de fil à l’ambassade ou le consulat le plus proche de vous, et dites-leur ce que vous pensez du fait qu’ils piétinent les droits des Juifs.

Rappelez-leur poliment, mais fermement que vu leur leur conduite durant la Shoah, les Polonais ne sont pas en position de nous donner des leçons en matière de morale ou de décence.

On n’aurait pas du en venir là, mais aussi évident que cela l’est, cela vaut la peine de le répéter : pour un pays qui a affligé ses Juifs de manière si cruelle dans un passé récent, la Pologne a une responsabilité particulière de réparer ses crimes.

Et il serait judicieux pour eux de commencer par annuler l’interdiction de la che’hita au plus vite.

Cet article a été publié dans le Jewish Press.

Pour en savoir plus, consulter la brochure suivante (réalisée par l'ADL du Bné Brith): L'abattage rituel ou le respect de l'animal

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