Les 48 Voies de la Sagesse

Voie n°18 : Le bon usage du plaisir physique

25/10/2011 | par Noa'h Weinberg

Les plaisirs physiques sont là pour que nous en jouissions. C'est en les exploitant à bon escient que nous parvenons à l'épanouissement spirituel.

Vous est-il déjà arrivé d’entamer un acte porteur de plaisir et de ne plus pouvoir vous arrêter ? Exemple : le paquet de chips que vous ouvrez pour grignoter et que vous ne pouvez vous empêcher de terminer. Au tiers du paquet vous êtes rassasié, mais vous y replongez inexorablement la main, jusqu'à l'écœurement.

Si les plaisirs sensoriels font partie intégrante du bonheur de la vie, il faut toutefois veiller à ce qu’ils ne deviennent pas nos propres tyrans. La voie n°18 est la notion de « bémiout taanoug » qui signifie mettre des limites au plaisir physique. Manger du chocolat d'accord, mais pas à longueur de journée ! Vivre, c'est autre chose.

L'être humain est un être motivé par la recherche du plaisir. C’est ce qui lui procure de l’énergie. Reste à trouver les moyens de sublimer la simple sensation physique à l’état brut en plaisir suprême relevant du domaine de l’amour, de la créativité, de l’engagement. Pas d’inquiétude, toutefois, le plaisir physique ne sera pas diminué par cette démarche. Il n’en sera que plus intense et enrichissant.

Vivre en gourmet

Vous dînez dans un restaurant gourmet d’un quartier huppé. Devant vous, un plat de foie gras sur son lit de pain d’épices vous fait les yeux doux. Durant la première bouchée, vous savourez intensément chaque gramme de ce plat divin, bien attentif au festin que s’offrent vos papilles.

Mais que se passe-t-il dès la deuxième bouchée ? Vous engouffrez le reste du plat sans prendre le temps de le déguster.

Quand un connaisseur s’offre un verre de bon rouge, la consommation du vin n’est qu’une étape parmi d’autres du plaisir de la dégustation. Tout d’abord, il observe la limpidité du vin et hume l’arôme quo s’en dégage. Ensuite, il aspire une petite quantité de vin qu’il fait tourner dans sa bouche afin que toutes les parties de la langue puissent l’étudier. Ensuite seulement, il l’avale.

Pour se réapproprier le plaisir, il faut l'identifier et l'optimiser. Formulez très précisément ce qui le constitue : le goût, l'aspect, l'odeur, les sensations provoquées. S'il s'agit d'une glace : froide, douce, crémeuse. D'un ami : confiance, attachement, compréhension. De la Torah : lumière, sagesse, transcendance.

Menez votre vie comme un gourmet. Faites en sorte de ressentir le maximum de plaisir. Faites-le durer en vous concentrant sur les sensations provoquées en vous. Plus vous l’apprécierez, plus vous serez motivé et plein d'énergie.

La beauté du plaisir physique

Élevés dans la société occidentale, beaucoup d’entre nous vivent avec l'idée que le plaisir physique est péché. Cela vient probablement de la vision chrétienne de la jouissance sexuelle, considérée comme une pure concession aux instincts les plus vils.

À l’inverse, la société moderne prône la poursuite hédoniste et sans limite du plaisir physique.

A mi-chemin de ces deux opinions, le judaïsme maintient que Dieu a créé un monde physique pour nous en faire profiter et non pour nous frustrer. Nous devons trouver la vie belle et l'aimer. Pour atteindre l'élévation spirituelle, nul besoin de passer des années à méditer seul au sommet d'une montagne ou de jeûner plusieurs jours de suite, reclus dans un monastère. La spiritualité découle de notre face à face avec le monde réel dans un esprit d'élévation morale et religieuse. Ainsi quand le samedi soir nous levons un verre de vin et le buvons, ce n'est pas pour nous enivrer mais pour sanctifier le jour du Chabbat. Dans le judaïsme, la spiritualité se trouve dans la cuisine, au bureau, et même dans la chambre à coucher.

Le Tout-Puissant a créé ce monde pour notre plaisir. Pour illustrer cette idée, le Talmud enseigne que celui qui a la possibilité de goûter un nouveau fruit et s'y refuse devra s'en expliquer au jour du Jugement. C'est par amour que Dieu s'est donné la peine de créer des fruits différents, au lieu d'une espèce unique pourvue de toutes les propriétés nutritives nécessaires ; pour nous offrir diverses sources de plaisir. L'abstinence est une sorte d'ingratitude.

Les Sages nous enseignent également que la personne âgée doit s'asseoir au soleil. Cela signifie que quel que soit son degré d'étude et de sagesse, on doit prendre soin de son corps. Et même lorsque ses forces physiques se sont amoindries, l'homme peut encore éprouver du plaisir, ne serait-ce que de la chaleur du soleil.

Les bénédictions avant de manger ou de boire ou encore à la vue d'un phénomène tel que l'éclair ou l'arc en ciel, sont une sorte de pause destinée à prendre conscience que tout est don. Pensez à tous les plaisirs que vous rencontrez au cours d'une journée. Un lever de soleil, la caresse d'une brise, la fraîcheur d'une vague. Autant de sensations merveilleuses qu'il serait dommage d'ingurgiter comme un vulgaire paquet de chips…

Un moyen et non un but

Imaginez que vous invitez un ami au restaurant et que juste après le hors-d’œuvre, il se lève pour partir. Vous lui diriez qu'on vient juste de commencer et que le meilleur reste à venir. Si on se contente de l'entrée, on se prive de quantités d'apports essentiels à l'organisme.

C'est exactement ce que nous dit le judaïsme au sujet du plaisir physique. La matérialité n'est que le hors-d'œuvre de l'existence. Ne croyez pas que vous pourrez vous en satisfaire. Jamais vous ne serez rassasié.

Employé à bon escient, le plaisir physique ouvre la porte à d'autres plaisirs bien plus forts. Le bonheur de contempler de belles choses, le bien-être et la détente qu'on en ressent, incitent à la méditation de sujets plus profonds. Aujourd'hui, affronter les problèmes de la vie moderne nécessite une force morale que peut nous apporter le plaisir physique. Soyons attentifs à ce besoin d'éternité présent en chacun de nous. La matérialité est souvent notre souci premier mais nous devons savoir qu'elle n'est pas source de vrai plaisir. Le vrai plaisir est ce que recherche l'âme, c'est un désir d'infini et de sens.

Toutefois, l'énergie générée par le corps peut ouvrir l'âme. C'est le plaisir du Chabbat. En ce jour, tout est agrément, tout est paix. Le repos et la bonne nourriture se font stimulants pour rapprocher l'âme de l'Eternel.

Il faut donc être capable de faire la distinction entre les différents types de plaisir, afin de ne pas se tromper entre plaisir physique pur et plaisir spirituel.  

Le plaisir physique est :

  • temporaire
  • il vous laisse un sentiment de vide
  • est un but en soi
  • insatisfaisant

Le plaisir tourné vers le spirituel est :

  • durable
  • dynamisant
  •  un moyen et non un but
  • stimulant

La voiture et le conducteur

Tout le monde sait qu'une voiture nécessite un entretien mécanique et des produits de qualité, sinon, elle risque de vous laisser en plan. La laver de temps en temps, passer un coup d'aspirateur ne fait pas de mal non plus. Mais bien entendu, la voiture n'est pas plus importante que le conducteur. Quelqu'un qui bichonnerait sa voiture tous les week-ends, négligeant sa femme et ses enfants, celui-là se tromperait bien sûr de priorité.

Le corps est le véhicule de l'âme. C'est donc vous qui êtes aux commandes. Cependant vous ne voulez pas vous comporter en tyran. Aussi la règle en matière de maîtrise de son corps est-elle l'autodiscipline et non l'oppression. Faire plaisir à son corps peut dans certains cas aider l'âme à progresser. Un petit restaurant quand on est arrivé au bout d'un projet difficile est tout à fait bien venu. Mais le plaisir ne doit pas devenir une fin en soi. Le resto ne doit pas devenir le but de vos efforts. Il faut jouir du plaisir sans en devenir l’instrument.

Méfiez-vous des ruses que votre corps emploie pour obtenir plus de plaisir. N'écoutez pas la petite voix intérieure qui vous dit : « C'est soûlant, lourd, inhumain. Je vais craquer. » Sachez-le, vous ne mourrez pas si vous vous privez d'une dernière fraise Haribo. On peut changer ses habitudes et s'en porter à merveille. Essayez !

Minimiser pour optimiser

Pour éviter les abus, fixez à l'avance une limite au plaisir que vous souhaitez prendre. Beaucoup de gens mangent jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus. Pourtant, le Choul'han Arou'h qui est notre code civil nous enjoint de nous arrêter aux deux tiers de notre capacité. S'arrêter avant que la jauge ne soit sur Max est excellent pour la digestion, la ligne et l'estime de soi.  
Dites : « Je m'arrête là. » Et ne changez pas d'avis arrivé à la moitié du paquet. Non, pas même une chips de plus, car la fois suivante ce serait une poignée de plus, plus une de plus. Alors, on pose une limite stricte et on s'y tient.

 

Dégustation !

 

Avant de goûter un plaisir, demandez-vous : « Que vais-je en retirer ? » Pendant, demandez-vous si vous tirez le plaisir escompté. Il est très important d'être conscient du plaisir que l'on expérimente. Si le plaisir n'est pas au rendez-vous, arrêtez tout. Si la soupe n'est pas bonne, inutile de vous forcer. Même si vous l'avez payée, pas besoin de vous donner une indigestion. Vous avez payé non pour la soupe, mais pour le plaisir qu'elle était sensée vous donner. Ne soyez pas stupide en persistant dans quelque chose qui finit par vous déplaire. D'accord, vous avez payé, mais c'était un mauvais investissement. Si vous ne retirez pas de vrai plaisir, versez tout dans l'évier.

Cela n'est pas uniquement valable pour la nourriture, mais pour toute forme de sollicitation sensorielle ; un match de foot, un film. Vous devez savoir discerner quand trop c'est trop. Pas de perte de temps. Restez conscient. Si vous ne savez pas transformer en énergie vitale votre coupe trois boules Chantilly, vous perdez votre temps. « Que m'apporte ce plaisir ? Est-ce qu'il sert à brouiller ma vision des choses ou à me faire aller de l'avant ? »

Surveillez-vous : Que vont m'apporter ces chips ? Une sensation gustative agréable. Une chips suffira-telle? Non, j'ai besoin de calmer ma faim, il me faut quelque chose de nourrissant et de bon à la fois. Par cette espèce de petit interrogatoire, vous apprenez à maîtriser vos réflexes.

Briser les habitudes

Le recours au plaisir peut parfois être une fuite. Du genre, je suis montée sur la balance, j'ai vu que j'avais pris 2 kilos, alors je me jette sur un paquet de Pépitos pour me consoler.

Le plaisir ne doit pas être un refuge en cas d'ennuis. Qu'est-ce qui vaut mieux ? Affronter les problèmes ou tourner le dos à sa vie ? La fuite est tentante mais elle ne mène nulle part et est sans fin. Si on se console de son poids en mangeant, il faudra manger encore pour se consoler d'avoir grossi. Mais sachez qu'il est toujours très difficile de se débarrasser d'une habitude, quelle que soit votre conscience de sa nocivité et votre détermination à changer.

Le meilleur moyen est d'être positif et d'avoir un intérêt dans la vie. Les personnes dépourvues d'objectifs ont tendance à développer une image dévalorisée d'elles-mêmes et cherchent inconsciemment à se punir. Un objectif qui vous tient à cœur vous aidera à combattre les mauvaises habitudes, car si votre énergie et votre vitalité fonctionnent à plein régime, votre volonté suivra.

Elaborez une stratégie, un plan de progression par rapport à un objectif donné et repoussez toujours un peu plus haut la barre. Vous pouvez également embaucher un copain ou un parent comme coach et lui proposer de le payer chaque fois que vous ferez un écart dans votre régime par exemple. Du genre si j'exagère avec les biscuits apéritifs, je te donne 50 euros. A ce tarif, vous aurez tout intérêt à laisser tomber les crackers.

En quoi le plaisir physique est-il vecteur de sagesse ?

  • Gaspiller est inepte. L'argent comme le plaisir.
  • Le corps est pour l'âme un véhicule. Prenez soin de votre corps afin que l'âme puisse faire face aux exigences de l'existence.
  • Nous vivons dans un monde où le plaisir est roi. Faites en sorte d'obtenir des plaisirs vrais et durables.
  • Prenez garde de ne pas avoir recours aux plaisirs matériels pour fuir la réalité. Se faire plaisir en dépit du bon sens détruit le respect de soi.
  • Pour tirer le maximum de plaisir de la vie, soyez plein de vitalité et de motivation. Savourez les plaisirs en gourmet.
  • Transformez vos plaisirs en énergie pour vous battre. Après un bon café, vous vous sentez bien. Utilisez intelligemment cette bouffée d'énergie.
  • Pour optimiser une satisfaction corporelle, comprenez sa portée profonde.
  • Ne vous défilez pas devant la vie, essayez d'en faire un moyen d'élévation.
  • La sagesse à un goût délicieux. Traduisez les calories d'une bonne glace en coupe de sagesse.
  • Et ne vous noyez pas dans un paquet de chips !

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